Passionné d’électronique depuis l’enfance, Steve Wozniak fait une rencontre déterminante, au lycée, avec Mr McCollum, son professeur d’électronique.
"Mr. McCollum était vraiment un prof intéressant. […] Il avait un bon contact avec ses élèves. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, ceux qui suivaient les cours d’électronique étaient pour la plupart des élèves en difficulté. L’électronique, c’était en section technologique. Rares étaient ceux qui, comme moi, suivaient des cours avancés dans d’autres matières. Moi, j’étais un magicien des maths. J’ai remporté le premier prix de maths à la fin du collège et plusieurs autres au lycée. Et si vous combinez les maths avec l’électronique, qu’obtenez-vous ? Un ingénieur. […] Mr. McCollum me laissait faire à peu près ce que je voulais. Il m’a même empêché de m’ennuyer en me permettant d’aller travailler tous les vendredis pour une entreprise de Sunnyvale, pendant les heures de cours. Il disait qu’il m’avait appris tout ce qu’il savait et que je risquais de devenir intenable si je m’ennuyais. L’entreprise s’appelait Sylvania. C’est là que j’ai appris à programmer un ordinateur."
En terminale, il commence à dessiner ses premiers ordinateurs…
"Un jour, à Sylvania, j’ai trouvé un livre intitulé The Small Computer Handbook (le Petit Manuel d’informatique). […] Il décrivait les entrailles du PDP-8 de Digital Equipment, un mini-ordinateur se trouvant dans une grosse armoire, avec plein de boutons et de lampes. […] Ce manuel a mis un terme a une quête entamée en CM1 : je savais à présent ce qu’il y avait dans le ventre d’un ordinateur. […] Les années suivantes, dès la terminale, j’ai mis la main sur le manuel de presque tous les mini-ordinateurs qui sortaient. […] Dès que j’avais un week-end libre, je feuilletais des catalogues de composants logiques et de circuits imprimés et, armé du manuel d’un mini-ordinateur récent, j’essayais d’en dessiner ma propre version. Souvent, je recommençais deux ou trois fois, cherchant à réduire le nombre de composants. Ça a fini par devenir un jeu : concevoir un mini-ordinateur avec le plus petit nombre de composants possible."
Excellent en maths et électronique, Steve Wozniak est très timide, voire introverti.
"À l’adolescence, ma timidité m’a coulé. Ça a été un choc affreux. En dehors de mes projets scientifiques, qui me valaient toujours la reconnaissance des profs et des adultes en général, je me sentais largué. J’étais incapable de m’identifier aux autres ados. Même leur façon de s’exprimer me semblait étrange, comme si nous ne parlions plus le même langage. De toute façon, j’avais trop peur d’ouvrir la bouche, trop peur de dire n’importe quoi. Cette timidité ne m’a jamais quitté. Certains de mes amis actuels sont capables de s’adresser au premier venu. Ils sont à l’aise et n’ont aucun mal à lier connaissance. Ils savent bavarder de tout et de rien. Pour moi, c’est impossible. Si je parviens aujourd’hui à prendre la parole en public, c’est parce que j’ai trente ans d’expérience et que j’ai acquis des techniques pour me faciliter la tâche. Mon truc, c’est de faire rire tout le monde, ou alors de construire un appareil électronique qui va amener les autres à me parler."
Farceur au lycée, Steve Wozniak construit une fausse bombe qu’il place dans le casier d’un ami.
"J’ai fait des tas de farces au collège et au lycée. Au risque de me faire prendre plusieurs fois. […] En terminale, je me suis fait pincer pour de bon. J’avais eu l’idée de construire un métronome électronique. […] J’ai tout de suite vu que mon appareil pouvait faire penser à une bombe. J’ai pris des piles, dont j’ai enlevé l’étiquette pour ne garder que de banals cylindres de métal. Apres les avoir scotchées ensemble, j’ai écrit dessus en grosses lettres : EXPLOSIF INSTABLE. J’en rigolais d’avance. Je voulais mettre le tout dans le casier de mon copain Bill Werner, qui se trouvait à côté du mien et dont je connaissais le code. Un matin, avant les cours, j’ai donc glissé le métronome dans son casier. […]
Finalement, je me suis retrouvé devant le proviseur, son adjoint, le conseiller d’éducation, le censeur et deux policiers. Le proviseur, Mr. Bryld, m’a expliqué que c’était Mr. Stottlemeier, un prof de lettres, qui avait entendu le tic-tac. Il avait ouvert le casier, pris l’appareil et couru à l’autre bout du terrain de foot pour le démonter ! […] L’administration du lycée a longtemps débattu de mon sort, avant de décider de m’envoyer dans une institution pour délinquants juvéniles. Une bonne vieille maison de redressement ! Pour une nuit, juste une nuit."
Admis à l’université du Colorado, à Boulder, Steve Wozniak continue à faire des blagues et se fait renvoyer.
"C’est à l’université que j’ai conçu l’un de mes appareils favoris. Je l’ai appelé le brouilleur de télé. […] Je suis allé l’essayer sur la télé d’un ami, un poste noir et blanc. Ça a marché du premier coup. Je me suis ensuite rendu dans la salle commune de ma résidence universitaire, où tout le monde regardait la télé sur un gros poste noir et blanc. Lorsque j’ai allumé le brouilleur, zap ! L’écran est devenu tout noir. C’était tordant. […] Je suivais un cours d’informatique à l’université. C’est là que j’ai décidé de pousser le concept de mon brouilleur un peu plus loin. […] Le cours avait lieu dans le bâtiment des ingénieurs, où les salles de classe étaient minuscules. Seul un tiers des étudiants pouvait assister au cours en direct. Les autres devaient se contenter de regarder le prof sur un écran de télé, dans une pièce équipée de quatre postes. L’occasion rêvée de me servir du brouilleur ! […] J’en ai construit un qui tenait dans un surligneur, pile comprise.
J’ai quand même fini par avoir des ennuis, cette année-là. J’avais commencé à écrire des programmes qui permettaient de mettre en route à distance les imprimantes du centre informatique de l’université. […] À cause de moi, mon cours avait dépassé cinq fois son crédit annuel. Je ne savais même pas que ces crédits existaient. Je pensais que, puisque je suivais un cours d’informatique, j’avais droit à du temps machine. Cela me semblait logique. En réalité, j’avais épuisé un énorme crédit sur le compte de mon prof.
J’ai rapidement compris qu’à la fin de l’année universitaire il était hors de question de supplier mes parents de retourner à Boulder. […] L’année suivante, je suis donc retourné vivre chez mes parents pour suivre les cours au De Anza Community College. J’ai passé de longues heures à dessiner des ordinateurs sur papier, comme au lycée. […] Après mon année à De Anza, j’ai cherché un emploi qui me permettrait vraiment de programmer des ordinateurs. J’ai arrêté l’université un an pour travailler et financer une troisième année d’études."
Embauché pendant un an chez Tenet, Steve Wozniak a l’opportunité de construire son premier ordinateur, avant de poursuivre ses études à Berkeley.
"J’avais raconté à l’un des cadres de Tenet que je m’amusais à dessiner et redessiner des ordinateurs de marques connues, mais que je n’en avais jamais construit un, faute de pièces. […] Le cadre de chez Tenet m’a tout de suite répondu qu’il pouvait nous en avoir. […] C’est chez Bill Fernandez, un autre ami qui habitait le quartier, qu’on a assemblé, morceau par morceau, ce petit ordinateur que j’avais conçu sur papier. Bill m’aidait pour plein de choses, comme la soudure. On travaillait dans son garage, puis on prenait nos vélos pour aller au supermarché du coin acheter des canettes de Cream Soda, une boisson gazeuse qu’on adorait.
Ensuite, on retournait travailler sur la machine avec nos boissons à portée de main. C’est à cause de ça qu’on a commencé à appeler l’ordinateur le Cream Soda Computer. […] Au fond de moi, je sentais que cet appareil importait peu, finalement. Il ne faisait rien d’utile. On ne pouvait pas jouer à des jeux, ni résoudre des problèmes de maths. Il disposait de trop peu de mémoire. La seule chose qui comptait, c’était que j’avais enfin été capable de construire un vrai ordinateur. Mon tout premier."
Steve Wozniak fait la connaissance de Steve Jobs avec qui il fondera Apple.
"C’est grâce au Cream Soda Computer que j’ai rencontré Steve Jobs. J’avais quatre ans de plus que lui, si bien qu’on ne se fréquentait pas au lycée. Steve était plus de l’âge de Bill Fernandez. Un jour, celui-ci m’a dit : “Hé, je connais un type que tu devrais rencontrer. Il s’appelle Steve aussi. Il adore les blagues et l’électronique, comme toi.” Il a donc invité Steve chez lui. On est simplement restés pendant des heures, assis sur le trottoir devant la maison de Bill, à échanger des récits de guerre, les farces qu’on avait faites, mais aussi les expériences électroniques qu’on avait menées. On avait tellement de choses en commun. En général, j’avais du mal à expliquer aux gens les petits dessins d’ordinateurs que je faisais, mais Steve a compris le truc tout de suite."
À 21 ans, Steve Wozniak construit un boîtier pour pirater les communications téléphoniques avec Steve Jobs.
"En 1971, la veille de la rentrée de ma troisième année à l’université de Berkeley, j’étais assis à la table de la cuisine, chez mes parents, en train de feuilleter un numéro du mensuel Esquire. En général, je ne lisais pas ce genre de presse mais, ce jour-là, je suis tombé sur un article intitulé “Blue Box : la vie secrète d’une petite boîte bleue”. […] En gros, il s’agissait de l’histoire de quelques gosses américains, jeunes techniciens ou lycéens passionnés d’électronique, qui avaient trouvé un moyen de casser les codes du réseau téléphonique. L’article les qualifiait de “phone phreaks”, les pirates du téléphone. […] La première chose que j’ai faite après avoir lu cet article, ça a été d’appeler Steve Jobs. Je lui ai expliqué que l’on pouvait visiblement pirater le système. L’attaquer. […] C’était la nouvelle la plus excitante qui soit pour des jeunes comme nous. J’avais 20 ans et Steve devait en avoir 17.
Avant de poursuivre ses études en quatrième année à Berkeley, Steve Wozniak décide de trouver du travail, notamment pour financer ses études.
"[…] À la fin de ma troisième année universitaire à Berkeley, j’ai cherché du travail au lieu de retourner à la fac. J’avais besoin d’argent, pas simplement pour financer ma quatrième année, mais aussi pour m’acheter une nouvelle voiture. […] J’ai travaillé quelques mois pour une société […] appelée Electroglas. […] Six mois plus tard, j’ai reçu des nouvelles de mon vieux copain Allen Baum, qui faisait un stage chez Hewlett-Packard. Tout excité, il m’a raconté qu’il fréquentait tous les jours les types qui avaient conçu la calculatrice HP 35. Pour moi, c’était l’invention la plus incroyable de tous les temps. […] Travailler sur des calculateurs scientifiques de poche dans la seule société au monde qui savait les fabriquer. Que pouvais-je rêver de mieux ?
J’ai décroché l’emploi idéal, même si celui-ci n’avait rien à voir avec l’informatique : je concevais des machines à calculer pour Hewlett-Packard. C’était le boulot de mes rêves dans l’entreprise de mes rêves. […] Chez HP, j’ai rencontré plein de gens. De nombreux ingénieurs, des techniciens et même quelques commerciaux qui sont devenus de bons amis. J’adorais l’ambiance de travail. C’était très libre. J’avais encore les cheveux longs et la barbe, ce qui semblait ne déranger personne. On était respectés pour nos compétences. […] J’ai travaillé longtemps chez Hewlett-Packard, environ quatre ans. Je n’avais pas encore mon diplôme universitaire, mais j’avais promis à mes chefs de prendre des cours du soir à l’université d’État de San José. Je ne pouvais pas imaginer quitter mon travail pour retourner à la fac à plein-temps. Ce que je faisais était trop important."
© "iWoz" de Steve Wozniak et Gina Smith, éd. l’École des loisirs, coll. "Médium documents", octobre 2011
Biographie
1950 : naissance à San Jose, en Californie.
1961 : construit seul, à 11 ans, une radio amateur et rêve de devenir instituteur.
1968 : entre à l’université du Colorado.
1971 : fait la connaissance de Steve Jobs, entre à Berkeley, en troisième année.
1973 : arrête ses études pour travailler chez Hewlett-Packard.
1976 : création d’Apple avec Steve Jobs.
1981 : est victime d’un grave accident d’avion, reprend ses études à Berkeley.
1985 : quitte Apple.
2000 :entre au musée des inventeurs aux États-Unis.
L’Apple créé dans un garage ? Une légende
Dans sa biographie, Steve Wozniak démonte la fameuse légende du garage : "Ce sont Bill Hewlett et Dave Packard, deux étudiants de l’université de Stanford, diplômés en 1934, qui ont fondé Hewlett-Packard dans un garage, en 1939. Beaucoup de gens confondent cette histoire de garage avec celle d’Apple. Ce qui est faux. Le garage, c’est HP. Dans le cas d’Apple, je travaillais dans mon appartement et Steve chez ses parents. Ce n’est qu’au dernier stade de l’assemblage qu’on a travaillé dans le garage de Steve."
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