Reportage

Concours d'entrée à l'école nationale des arts de la marionnette : "C'est stressant mais j'aurai vécu quelque chose de magique !"

Par Pauline Bluteau, publié le 26 avril 2024
5 min

Pendant une semaine, fin avril, l'École nationale supérieure des arts de la marionnette à Charleville-Mézières organisait son concours d'entrée. Les auditions n'ont lieu qu'une fois tous les trois ans. L'Etudiant a suivi les 30 candidats encore en lice dans leurs dernières répétitions.

"Vous parlez de la marionnette. C'est compris ? Vous ne vous adressez pas à elle, vous ne parlez pas pour elle, mais vous parlez d'elle. Pendant deux minutes. Allez, c'est parti !" lance Philippe Rodriguez-Jorda, marionnettiste, lui-même formé à l'Esnam (Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette) à Charleville-Mézières (08)

Dans la "salle d'expression", en demi-groupe, les 15 élèves écoutent. Chacun se répartit aux quatre coins de la pièce pour se concentrer. Ils ont exactement dix minutes pour créer une improvisation autour de leur marionnette-sac, haute comme trois pommes.

Un concours exceptionnel pour intégrer l'Esnam

Malgré les apparences, il ne s'agit pas d'un cours de théâtre comme un autre. Les étudiants se sont rencontrés quelques jours plus tôt et sont censés être en compétition.

"C'est un recrutement pour entrer dans la seule école qui délivre la spécialité acteur-marionnettiste", explique Sarah Andrieu, responsable pédagogique à l'Esnam. Ne rentre pas dans cette école des arts de la marionnette qui veut : le concours reste assez exceptionnel puisqu'il se déroule seulement une fois tous les trois ans, de sorte à ce que l'école n'accueille qu'une seule promotion à la fois.

Alors la sélection est rude. En février dernier, 73 candidats ont envoyé leur dossier à l'école qui en a retenu 52 pour passer une première audition le 15 avril. "Le jury sélectionne ensuite 30 candidats qui sont invités à se présenter le lendemain, en demi-groupe, pour commencer un stage probatoire dans quatre disciplines fondamentales enseignées à l'école : le jeu d'acteur, la manipulation, le travail plastique et le travail du corps", explique la responsable pédagogique.

Une sorte d'entraînement grandeur nature avant l'audition finale où les étudiants devront présenter une improvisation de trois minutes.

"Si vous ne savez pas quoi dire, taisez-vous"

Pendant le stage, la pression redescend un peu. Anatole prend ses aises pour parler de sa marionnette qu'il imagine être un cochon. Lisa parle de son ex qui l'a trompée et qui est désormais réduit au silence. Le chien ennuyeux, l'oncle pas sympa, ou Kiki la perruche… L’imagination, à partir d'une marionnette, est à son comble. "Il y a une ambiance bienveillante, tout le monde est hyper cool, il y a toujours des rires. C'est le meilleur public !" résume Daphnée, 23 ans, étudiante en théâtre à Paris (75).

Après chaque scène, chacun commente. "Quand tu as parlé de la taille du cochon et que tu as dit qu'il était énorme, tu as fait un tout petit geste. Ça m'a bloquée, tu aurais pu l'exagérer encore plus", indique une étudiante à Anatole. "On a travaillé sur les silences et vous avez vu, ça fonctionne. De manière générale, si vous ne savez pas quoi dire, taisez-vous", résume l'enseignant.

Les conseils, les candidats comptent bien s'en servir pour leur audition finale. "C'est stressant, mais je me dis que quoi qu'il arrive, j'aurai vécu quelque chose de magique", résume Lisa, 21 ans, étudiante en théâtre en région parisienne.

"Quand je suis arrivée ici, je n'ai pas dormi de la nuit. J'ai essayé la méditation, mais ça ne marche pas du tout, s'amuse Lucile, 25 ans, artiste de cirque en Suisse. Le stress est toujours là, mais maintenant, il se mélange au plaisir."

La marionnette, un art pluridisciplinaire

S'ils sont sélectionnés, pendant trois ans, les étudiants prépareront le diplôme national supérieur professionnel de comédien (bac+3). Au programme : des semaines entières d'ateliers avec des marionnettistes venus du monde entier pour perfectionner leur art, s'initier à de nouvelles techniques. "Ce qui me plaît dans la marionnette, c'est que c'est un art pluridisciplinaire : il y a tout, le théâtre, la danse, l'objet, le travail de la voix… C’est très complet", estime Lisa.

"Être marionnettiste, c'est être capable d'animer ce qui n'est pas animé. Il faut savoir jouer, animer, construire, mais aussi avoir un appétit pour tout ce qui est bizarre, assume Sarah Andrieu. Le parcours à l'Esnam est difficile, il faut des gens qui en veulent un peu, capables de supporter un groupe et qui ont envie d'apprendre. C'est ce qu'on évalue pendant ces auditions."

Après une semaine d'épreuve, la quatorzième promotion de l'Esnam est désormais constituée. Lucile et Anatole feront partie de ceux qui rejoindront l'école, dans "la petite ville" de Charleville-Mézières, en septembre prochain.

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