Reportage

Etudier au Cours Florent : pour les étudiants, la passion l'emporte sur les paillettes

Au Cours Florent, les étudiants peuvent choisir une formation en théâtre, cinéma, comédie musicale ou en musique.
Au Cours Florent, les étudiants peuvent choisir une formation en théâtre, cinéma, comédie musicale ou en musique. © Suzanne Rault-Balet
Par Pauline Bluteau, publié le 28 mars 2022
7 min

Chaque année, des centaines d'artistes sortent diplômés du Cours Florent, une école réputée dans le milieu des arts du spectacle. Mais le rêve de gloire, de paillettes et de tapis rouge ne serait en fait que de la poudre aux yeux. Pour les apprentis comédiens, la passion et la rencontre avec le public valent bien tout l'or du monde…

Il est 12h30 ce jeudi quand le cours de théâtre des élèves de deuxième année commence. Un cours pas tout à fait comme un autre : seules quelques chaises sont disposées au fond de la salle, retenant les manteaux et sacs des étudiants. La salle est entièrement peinte en noir, quelques projecteurs l'habillent. "Silence, s'il vous plaît, on se prépare et on commence !", tente Olivier Tchang Tchong, comédien, metteur en scène, auteur et enseignant au Cours Florent.

Pendant trois heures, les élèves vont devoir lui présenter leur "parcours", ou plutôt celui de leur personnage. "Ils ont trois échéances (examens) dans l'année, en avril, ils vont montrer le deuxième, le 'parcours d'un rôle'", détaille l'enseignant. Ce midi-là, se joueront donc Martyr de Marius von Mayenburg, Iphigénie de Racine et Le Cid de Corneille. En dix minutes, Gabin, Clara et Pauline vont donc porter leur personnage et, à travers différentes scènes qui s'enchaînent, dévoiler l'évolution de Benjamin, Iphigénie et Chimène.

"Bon, vous êtes prêts, on y va là ?" – "Oui, Gabin n'est pas encore tout à fait trempé…" Les lumières s'éteignent, la classe se retrouve plongée dans le noir complet, les murmures au fond de la salle s'estompent. Une poignée de secondes plus tard, apparaît Gabin/Benjamin, les vêtements et cheveux dégoulinants. Son personnage est censé sortir de la piscine. Le spectacle commence.

Devenir comédien : beaucoup de travail en perspective

Un spectacle qui n'en est pas un pour les comédiens en herbe, presque habitués à changer de rôle, de scène, de partenaires, tous les jours, plusieurs fois par jour. Au Cours Florent, les étudiants doivent choisir une formation : le théâtre, le cinéma, la comédie musicale ou la musique.

À cela peuvent s'ajouter différents enseignements spécialisés, des options, comme l'improvisation, le travail du masque, le chant, du stand-up, du clown… L'objectif étant de former des artistes pluridisciplinaires, à l'aise avec différentes formes d'art selon leurs envies et leurs ambitions.

Au total, les élèves peuvent comptabiliser, selon leur formation, environ 20 heures de cours, sans compter tout le travail personnel et les répétitions qui prennent autant de temps, si ce n'est plus. "Dans la journée, on passe du chant aux claquettes, au théâtre puis à l'impro… Je fais du 9h-22h, mes journées sont bien remplies", s'amuse Amin, 24 ans, en deuxième année de théâtre et première année de comédie musicale.

L'étudiant, originaire du Maroc, a fait le choix de combiner deux formations, une opportunité qu'il ne pouvait que saisir. Diplômé d'un master de statistiques et intelligence artificielle, Amin n'était pas vraiment destiné à entrer au Cours Florent, une école qu'il ne connaissait même pas avant d'y faire son stage en 2019.

"J'ai toujours aimé le théâtre, je reprenais les sketchs de mes idoles et je les présentais devant ma famille mais… c'est tout, s'exclame-t-il. Et puis, j'ai fait un stage d'une semaine pendant l'été au Cours Florent, entre mon M1 et mon M2. Je n'avais même pas compris que je pourrais ensuite passer une audition pour m'inscrire dans l'école. J'ai été pris. J'ai quand même fait mon année de master 2 avant d'entrer au Cours Florent." Un diplôme qui le rassure et, il le reconnait, lui offre une certaine sécurité.

Apprendre sur soi avant d'apprendre son métier d'artiste

Ce qui ne l'empêche pas aujourd'hui de se consacrer "à 100%" au théâtre. L'étudiant savoure aujourd'hui sa chance "inouïe" de pouvoir bénéficier d'autant d'enseignements. En plus du théâtre, cette année, Amin a commencé la danse et le chant. "J'avais envie de voir ce que ça donnerait. En danse, on apprend à avoir conscience de notre corps, à ressentir nos gestes. Ça me sert beaucoup pour le théâtre", reconnaît-il.

Et selon l'étudiant, tous les cours sont bons à prendre. "On nous dit parfois tout et son contraire d'un professeur à l’autre mais il y a des petites phrases qui marquent, dont on se sert plus tard", remarque-t-il.

La curiosité, c'est aussi ce qui a poussé Sabrine, 29 ans, à s'inscrire au Cours Florent. Après un bac S, l'étudiante entre aux Arts Déco pour étudier le graphisme, le théâtre est son passe-temps, sa passion. "Mais jamais je n'ai pensé en faire mon métier, je n'assumais pas", sourit-elle.

Aujourd'hui en troisième année au Cours Florent, elle pense surtout avoir appris une exigence. "On entre ici avec des paillettes dans les yeux, on ressort avec un métier. Je pense que j'ai réussi à trouver une manière de faire, le théâtre est un outil. Tout le monde devrait en faire pour se rencontrer. Et si on peut gagner sa vie avec… c'est tant mieux !", poursuit-elle.

Au Cours Florent, les étudiants enchainent les "parcours" de leurs personnages, dans les vraies conditions, devant leur professeur de théâtre.
Au Cours Florent, les étudiants enchainent les "parcours" de leurs personnages, dans les vraies conditions, devant leur professeur de théâtre. © Pauline Bluteau

Faire du théâtre pour partager un peu de bonheur

Peut-être par crainte, par modestie ou par honnêteté, tous les étudiants du Cours Florent n'aspirent pas à crever l'écran ou à frôler les planches des salles de spectacle les plus réputées. Amin préfère d'ailleurs répondre "on verra" quand on lui demande à quoi pourrait ressembler son avenir.

Pour autant, tous sont animés par la passion et par l'envie de donner un peu d'émotion, de bonheur. Sarah, 23 ans, vient d'Allemagne. Dans un français impeccable, elle explique qu'elle non plus ne s'était pas permise "de faire de l'art". Elle se retrouve pourtant aujourd'hui en troisième année de théâtre et en classe libre. Un cursus international encore plus exigeant.

"En première année, on apprend la base : on fait beaucoup d'exercice sur la voix, la manière de bouger… c'est de la technique. Au fur et à mesure, il y a des moments très spéciaux, humains, vrais car il y a une intimité au théâtre, c'est une ambiance. J'apprends tous les jours de nouvelles choses", confie-t-elle, des étoiles plein les yeux.

Difficile donc pour Sarah de ne choisir qu'un moment marquant pendant ces trois années intenses. Peut-être cette première fois, en deuxième année, où sa classe a joué devant un public ? Derrière les applaudissements, l'étudiante retient plutôt un moment de partage. "Je veux surtout montrer que je suis une bonne partenaire, je veux être généreuse parce que c'est le meilleur moyen d'être bon. Mon plus grand succès, c'est d'avoir été prise en classe libre parce que c'est la première fois qu'on m'a dit que j'étais à ma place."

Plus qu'une école de théâtre, le Cours Florent est donc peut-être tout simplement une école de la vie où chacun apprend à être soi-même avant de devenir un artiste accompli.

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