Témoignage

L’insertion professionnelle après des études d'art, un parcours du combattant ?

Selon la Cour des comptes, le taux d'insertion professionnelle des étudiants en art est "très inégal selon le type d'école".
Selon la Cour des comptes, le taux d'insertion professionnelle des étudiants en art est "très inégal selon le type d'école". © Adobe Stock/Good Studio
Par Séverine Mermilliod, mis à jour le 17 novembre 2023
4 min

Difficile de faire des généralités : en art, il y a ceux qui, à peine diplômés, sont déjà en CDI et puis d’autres, qui après plusieurs années, s’arment toujours de patience. Témoignages de la réalité d’un secteur fait de montagnes russes.

Dans son rapport sur les écoles d'art publiques de 2021, la Cour des comptes elle-même semble perdue. Selon l'institution, le taux d'insertion professionnelle, estimé par le ministère de la Culture à 80% trois ans après l’obtention du diplôme, est "très inégal selon le type d'école".  

De 93% pour les diplômés du spectacle vivant, on passe à 89% en architecture, 82% en patrimoine et à 80% pour les diplômés d'arts plastiques (art et design). Or, parmi eux, ceux de la filière art sont seulement 58% à travailler dans leur champ d'études. Signe que l'insertion professionnelle après une formation artistique est compliquée ? 

Une insertion professionnelle contrastée

Le jeu vidéo, "un marché très porteur", permet de vite trouver du travail, selon Quentin, concepteur du jeu vidéo et ancien de l'Enjmin, seule école publique du secteur. Son premier stage lui a ouvert les portes d'Ubisoft en CDD puis en CDI, avant de redevenir indépendant. "La question est plutôt de savoir quelle entreprise rejoindre : ce qui est plus artistique est plus dur à atteindre", juge-t-il.  

Elie, illustrateur et auteur de BD, diplômé 2015 de la Haute école des arts du Rhin, abonde : "En tant qu'artiste-auteur, j'ai la liberté de faire ce que je veux, mais on en paye le prix en ayant moins de boulot. Cela fait trois ans que j'en vis."  

C'est ce que démontre aussi l'école de dessin et d'animation Emile Cohl, qui revendique 75% d'emploi dans les six mois et 91% à un an pour ses formations à bac +5. Pour ses formations à bac +3, le taux d'insertion est moins élevé. C'est le cas du diplôme de dessinateur praticien, niveau licence, qui a un taux d'insertion de 50% à six mois et 28% dans le métier visé, selon France compétences. Après ce diplôme, "une grande majorité des étudiants poursuivent leur formation au sein de l'école", nuance cependant Antoine Rivière, directeur général d'Emile Cohl.

Multiplier les emplois pour réussir à gagner sa vie

Aussi, il n'est pas rare de poursuivre ses études ou d'exercer plusieurs métiers. Clémence est sortie de la Villa Arson à Nice en 2016. Après de premières expositions, elle est assistante pour deux artistes reconnus. "Un an et demi plus tard, j’ai fait une formation aux métiers techniques du spectacle vivant durant trois mois", raconte-t-elle. Elle travaille alors en régie son et lumière et en figuration, expériences qui lui permettent d'obtenir l'intermittence du spectacle. En 2020, elle "reprend des cours au conservatoire. Depuis, la musique représente entre un tiers et la moitié de mon intermittence". 

Clémence n'est pas un cas particulier : 50% des diplômés 2018 des "écoles de l'enseignement supérieur culture" ont plusieurs activités, surtout ceux du spectacle vivant (90%) et des arts plastiques (63%). Une partie se tourne vers l'enseignement : Elie travaille en parallèle pour l'ECV, une école de design, animation et jeu vidéo et Quentin donne des cours à l'IIM, une école de jeu vidéo privée. 

La flexibilité avant tout

Mais à la sortie d'école, "il ne faut pas se décourager et ne pas négliger la prospection", selon Mathieu. Diplômé d'Emile Cohl en 2018, il a trouvé rapidement des CDD d'usage de un à six mois, la norme dans l'animation : "Après le dernier projet de court-métrage, tout s'est enchaîné." Petit à petit, le réseau se crée, "donc tu démarches moins", confirme Elie, "mais ça prend du temps. J'ai bossé pour le cinéma, la communication… il faut avoir une palette large pour en vivre". 

D'autant que les revenus en pâtissent aussi. Selon une enquête citée par la Cour des comptes, en 2014, 53% des auteurs de BD répondants avaient un revenu inférieur au SMIC. La moitié des artistes plasticiens, eux, percevaient moins de 5.000 euros par an en 2019 et avaient un revenu moyen annuel, autres activités comprises, de 17.605 euros. Dur dur d’être un artiste… 

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