Sciences po Paris : avec les CEP, "j'ai compris que j'étais capable de réussir"
Au lycée Saint-Exupéry de Fameck (57), les élèves peuvent bénéficier du dispositif de "convention d'éducation prioritaire" avec Sciences po depuis 2001. Ces dernières années, le lycée pionnier élargit la démarche et ne prépare plus seulement au concours de l'établissement parisien.
En ce vendredi de mai, la mairie de Fameck (57) accueille une conférence sur le hip-hop. Un événement qui peut sembler inattendu. Autre surprise : elle est organisée de A à Z par sept élèves de terminale, du lycée Saint-Exupéry. Les jeunes femmes y travaillaient depuis des mois, au sein de l'atelier lié à la convention éducation prioritaire (CEP) avec Sciences po Paris.
En effet, en 2001, ce lycée de Moselle a fait partie des sept établissements pionniers où la convention a été mise en place. Le dispositif, qui vise à diversifier le profil étudiant de Sciences po, intègre aujourd'hui 198 lycées relevant dans de l'éducation prioritaire.
Reconnaître et valoriser le potentiel des élèves
Cette année, 28 élèves de première et 18 élèves de terminale bénéficient de la CEP au lycée Saint-Exupéry. "On détecte les élèves de seconde qui ont du potentiel, même sans être excellents, et on privilégie les boursiers", explique Christian Martiny, professeur d'histoire-géographie.
Avec quatre de ses collègues, il s'occupe de l'atelier de deux heures qui a lieu chaque mercredi après-midi. "En première, on travaille surtout sur des revues de presse et l'actualité, et en terminale, on axe plutôt sur l'oral", précise-t-il.
Au-delà de ces compétences, l'atelier permet aussi de lutter contre une autocensure très présente au lycée. "Beaucoup d'élèves n'envisagent même pas d'aller à Sciences po, par méconnaissance de l'école mais aussi de leurs propres capacités", ajoute-t-il.
Ce que confirme Christine. "Sans l'atelier, j'aurais considéré Sciences po comme inatteignable". Admissible à l'école, elle a pu s'entraîner à l'oral avec ses professeurs. "C'est plaisant de voir le chemin parcouru", se réjouit la lycéenne, qui souhaite devenir diplomate.
"Ce n'est plus une préparation à Sciences po"
Presque tous les ans, un lycéen de Fameck parvient à intégrer l'établissement de la rue Saint-Guillaume. Pourtant Christian Martiny note une évolution. "Beaucoup moins d'élèves du lycée sont admis chaque année depuis la réforme Parcoursup."
C'est aussi que, avec la réforme du bac, Sciences po Paris a revu ses conditions d'admission pour les candidats issus des CEP. Depuis 2020, ils doivent désormais passer les mêmes épreuves d'admission que les autres – leurs candidatures sont ensuite examinées séparément. Mais, auparavant, un dossier de presse se substituait aux écrits.
Ce changement a donné lieu à une évolution de l'atelier. "Ce n'est plus une préparation à Sciences po, on a diversifié nos activités et on travaille de façon moins scolaire", explique le professeur d'histoire-géographie.
Certains participants ne postulent même pas à l'institut parisien sur Parcoursup. C'est le cas d'Alicia, qui a intégré le dispositif dans le but de s'améliorer à l'oral. Elle a pu vaincre sa timidité et affirmé sa volonté d'étudier le droit. "J'ai compris que j'étais capable de réussir", témoigne-t-elle.
Améliorer le capital culturel des futurs étudiants
"On cherche aussi à améliorer le capital culturel des élèves à travers des sorties", explique Christian Martiny. Cette année, les lycéens ont pu assister à une répétition générale à l'opéra-théâtre de Metz, visiter le centre Pompidou-Metz et faire un voyage de quelques jours au mémorial d'Amiens. "On veut leur faire comprendre que la vie ne s'arrête pas à Fameck."
"Quand on encourage les élèves à être curieux et autonomes, tout les intéresse", résume le professeur. En plus de la conférence sur le hip-hop, des participants ont réalisé cette année des expositions, des concerts et des plaidoiries. Alicia a choisi de plaider au sujet des conditions de vie des travailleurs au Qatar pendant la Coupe du monde de football. "C'est un sujet auquel je ne me serais pas intéressée par moi-même", précise-t-elle.
"L'atelier fonctionne bien à tous les niveaux", observe Christian Martiny. Selon lui, "les élèves changent de regard sur leurs propres capacités comme sur leur lycée." Christine considère ainsi que les élèves de Fameck ont "beaucoup à offrir à Sciences po" par la diversité culturelle et sociale qu'ils apportent.