Interview

Jean-Michel Blanquer : "Nous disposons de professeurs remplaçants pour la rentrée mais nous sommes dépendants des conditions sanitaires"

Le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, le 30 août 2021.
Le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, le 30 août 2021. © Thibaut Cojean
Par Thibaut Cojean, publié le 02 septembre 2021
13 min

INTERVIEW. Pour bien préparer la rentrée 2021, l’Etudiant a rencontré le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Il a évoqué les nouveautés de l’année scolaire pour les collégiens et lycéens, le protocole sanitaire de rentrée, la continuité pédagogique et dressé un premier bilan de sa réforme du bac, sans exclure de possibles évolutions. Il livre également ses conseils pour le choix des spécialités.

Quelles sont les nouveautés concrètes qui attendent collégiens et lycéens pour la rentrée 2021 ?

Le point le plus important est le lancement d'une nouvelle phase du dispositif "Devoirs faits", qui a déjà bénéficié à un collégien sur trois l'an dernier. Nous souhaitons l’étendre cette année afin que toutes les familles qui le souhaitent puissent inscrire leur enfant à cette aide aux devoirs, très utile dans la période que nous connaissons. Il y aura aussi, en troisième, la généralisation de la certification Pix, qui reconnaît une compétence en informatique de tous les élèves et sera l’une des premières lignes sur leur CV, voire un premier pas vers le choix de la spécialité NSI (numérique et sciences informatiques) au lycée.

Pour tous les élèves, nous allons aussi généraliser le programme de lutte contre le harcèlement intitulé pHARe. Dans chaque établissement, nous aurons des élèves ambassadeurs de la lutte contre le harcèlement et toute une série de dispositifs d'appui. Cela peut changer la vie quotidienne des élèves. J'insiste beaucoup sur ce thème, car il y a non seulement ce qui évolue pédagogiquement, mais aussi ce qui doit évoluer dans la vie de l'élève. Le rôle des ambassadeurs pourra se comparer à celui des éco-délégués. Notre philosophie est de susciter de plus en plus l'engagement des collégiens et lycéens dans leurs établissements.

L’année scolaire démarrera avec un protocole sanitaire de niveau 2 sur 4. Quelles sont les données prises en compte pour définir le niveau du protocole à déployer ?

La détermination des niveaux se fait en fonction des données épidémiques en population générale et des données de santé propres à l'éducation nationale. S’agissant de la première catégorie, ce sont des indicateurs comme le taux d'incidence et la pression hospitalière. Ce dernier est d’autant plus pertinent que, grâce à l’efficacité des vaccins, les personnes vaccinées développent beaucoup moins de formes graves nécessitant d’être hospitalisées quand elles sont contaminées. S’agissant des données propres à l'éducation nationale, c'est notamment le taux de vaccination des élèves et des personnels. Ils sont actuellement assez bons, au moins 90% des professeurs et plus de 60% des adolescents, et vont augmenter avec la campagne de vaccination qui démarre à la rentrée.

Comment sera organisée la vaccination dans les établissements ?

Nous proposerons une offre vaccinale pour tous les élèves de collège et de lycée ces prochaines semaines. Une autorisation des parents sera demandée dès la rentrée pour tous les élèves entre 12 et 16 ans. La vaccination sera ensuite réalisée soit par une équipe mobile qui viendra dans l'établissement, soit lors d'un déplacement organisé par l'établissement dans un centre de vaccination à proximité.

L’année dernière, l’hybridation a été vécue par un grand nombre de collégiens et surtout de lycéens, et les professeurs et familles font état d’élèves ayant décroché ou connu des difficultés lors des enseignements à distance. Des temps de rattrapage ou de remise à niveau seront-ils prévus pour eux cette année ?

Pour les lycéens, nous avons créé 1.500 équivalents temps plein, permettant de l'accompagnement personnalisé dans tous les lycées de France. Il s’agit d’heures supplémentaires réalisées par les enseignants. Chaque proviseur indiquera la façon dont sera organisé cet accompagnement personnalisé. Pour les élèves de seconde, cela se basera sur l'évaluation de début d'année. Pour ceux de première et de terminale, sur la base des éventuelles difficultés constatées, matière par matière, en fin d'année scolaire. Nous serons particulièrement attentifs au français et aux mathématiques.

Au collège, c'est la montée en puissance du dispositif "Devoirs faits" qui doit permettre d'encadrer cette aide personnalisée pour chaque collégien. Là aussi, l’évaluation au début de la sixième permettra de voir où en est l'élève, par exemple dans son niveau de lecture, pour ensuite déclencher les aides nécessaires.

Le protocole sanitaire de rentrée prévoit que les élèves non-vaccinés devront s’isoler chez eux pendant sept jours s’ils sont déclarés cas contact. Les professeurs préviennent déjà qu’ils ne pourront pas faire cours en même temps aux élèves présents et aux élèves à distance. Comment, concrètement, s’organisera cette hybridation ?

Rappelons d’abord que cela concernera probablement une minorité d’élèves. Les deux premières semaines d'observation à la Réunion, qui a déjà réalisé sa rentrée scolaire, nous permettent d’aborder cette question avec vigilance mais sérénité. N'oublions pas non plus que, pour le petit nombre d'élèves qui seront concernés, on ne parle que de sept jours. Donc l'enjeu d'enseignement à distance n'est pas le même que pour un confinement de plusieurs semaines. Il faut avoir tous ces éléments à l'esprit pour relativiser les problèmes que cela va poser.

L’hybridation se passera selon le protocole de continuité pédagogique que l'établissement a élaboré à la lumière de dix-huit mois d'expérience de l'hybridation. On aura différents cas de figure. Le plus simple, c'est celui qui a souvent été pratiqué, à savoir des devoirs et des résumés de cours donnés à l'élève. Et puis il y a des formules plus élaborées, comme l’hybride synchrone, permettant à l’élève d’assister à la classe à distance. Ce ne sera toutefois pas mis en place dans toutes les classes. Chaque établissement a ses particularités et son propre plan de continuité pédagogique.

L’an dernier, de nombreux élèves nous ont confié avoir eu des profs absents pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Pouvez-vous leur assurer qu’ils auront des professeurs toute l’année ?

Nous disposons d’un vivier de remplaçants mais nous sommes évidemment dépendants des conditions sanitaires. Nous prônons une approche pragmatique d’adaptation. Pour une absence de moins de quinze jours (par exemple pour un enseignant non-vacciné et cas contact), c’est le remplacement interne qui est déclenché, avec des heures supplémentaires assurées par des enseignants du même établissement. Pour les remplacements plus longs, nous avons recruté des contractuels dans les domaines en tension. Certaines disciplines comme les mathématiques et les sciences souffrent, en effet, en France comme dans le monde, d’une certaine tension et ce n’est pas toujours facile d’assurer le remplacement, mais nous nous sommes encore renforcés en cette rentrée pour pouvoir le faire au maximum.

Les affiches de la campagne pour la laïcité, qui démarre à la rentrée, prônent le vivre ensemble mais ne parlent pas de la liberté de culte et du respect des croyances de chacun. Quelle est votre définition de la laïcité ?

On a beaucoup entendu ces derniers mois et notamment via des études récentes, que pour les élèves, la laïcité était quelque chose d’abstrait, et nous avons voulu montrer qu’elle avait une influence sur la vie quotidienne des élèves. On a tous un même idéal républicain et démocratique de bien vivre ensemble, en respectant les croyances ou non croyances d’autrui, en acceptant les différences et en ne laissant pas s’imposer des règles religieuses dans la vie quotidienne d’un service public. Une bonne définition de la laïcité, c'est d’abord la neutralité de l'État par rapport aux religions.

Les lycéens présents au Conseil supérieur de l’éducation vont lancer dans les prochaines semaines une consultation massive des néo-bacheliers sur le bilan à tirer de la réforme du bac, et vous présenteront "des propositions concrètes et constructives". Êtes-vous prêt à les écouter voire à suivre leurs recommandations ?

Oui, bien sûr ! Nous avons un comité de suivi du baccalauréat depuis maintenant trois ans qui nous a permis d'évoluer en tenant compte des retours de terrain. C'est ainsi que nous avons acté des adaptations liées à la crise sanitaire, mais aussi des adaptations structurelles. La réforme du baccalauréat a été conçue pour précisément permettre une certaine modularité. De nouvelles évolutions sont donc envisageables, même si je pense que nous sommes arrivés à une certaine maturité de la réforme.

Les options font leur retour dans la note du bac, mais seront comptabilisées entièrement. Pourquoi conserver toute la note et ainsi supprimer le bonus qui pouvait inciter les élèves à découvrir d’autres matières ?

La réforme du lycée et du baccalauréat a un objectif : mieux préparer les élèves aux attentes de l’enseignement supérieur, avec des enseignements plus ambitieux et avec un parcours de formation plus réfléchi, avec plus de liberté dans ses choix. Avec les ajustements du baccalauréat, un élève qui suit deux options sur le cycle terminal pourra bénéficier de huit coefficients supplémentaires au baccalauréat qui reconnaissent ses résultats dans des enseignements qu’il a librement choisis et qu’il apprécie : c’est un bonus ! Et parce que le suivi de ces enseignements relève du choix de l’élève, du parcours de formation qu’il a lui-même décidé, il est légitime qu’on considère l’intégralité de la note.

Quels conseils donneriez-vous à un élève de seconde qui doit choisir ses spécialités pour la première générale ?

Il n'y a pas une combinaison fétiche ou une combinaison gagnante qu'il faudrait choisir, c'est tout le contraire ! Une association correspondant à ses passions permet d'être bon dans les domaines que l'on a choisis.

Le premier conseil, c’est de se mettre dans un état d'esprit de liberté de choix. Mais la liberté crée toujours de la responsabilité et des questionnements. C’est le sens de la réforme, qui permet justement de se poser de bonnes questions le plus tôt possible, dès la classe de seconde, plutôt que de se poser des questions trop tardivement en fin de terminale. La question n’est pas nécessairement 'quel métier vais-je faire plus tard ?' car une minorité d’élèves peut répondre à cette question, mais 'qu'est ce qui me passionne dans la vie ? C'est beaucoup plus facile de répondre à cette question. Et la réponse à cette question ouvre la voie à un chemin progressif d’orientation.

Le deuxième conseil est de nature pratique : il faut voir à quelles familles de métiers et de cursus correspondent les spécialités. Mais mon meilleur conseil est de ne pas se conformer à des canons qui n'existent pas, et de suivre plutôt ce qui nous passionne et des domaines dans lesquelles on sent que l’on va être bon.

Donc le choix des spécialités n’est pas déterminant pour les études supérieures ?

Si, mais il faut faire le raisonnement inverse ! C'est parce qu'on aura su réfléchir à des enseignements de spécialité qui nous passionnent que, précisément, on aura des idées d’orientation. Soit l’élève connait déjà le métier qu’il veut faire et peut en effet choisir ses enseignements de spécialité correspondants. Soit il n’est pas encore sûr, ce qui est légitime quand on a 15 ou 16 ans, et dans ce cas il doit aller vers ses passions. Ce sont elles qui vont définir un spectre de métiers ou de formations qui leur correspondent.

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