Enquête

Quand le choix des spécialités au lycée se heurte aux réalités locales

Si certains lycées peinent à répondre aux souhaits des élèves, certains établissements s'organisent pour offrir le plus de spécialités possibles.
Si certains lycées peinent à répondre aux souhaits des élèves, certains établissements s'organisent pour offrir le plus de spécialités possibles. © Adobe Stock/Monkey Business
Par Marine Delatouche, publié le 14 octobre 2020
5 min

Si la réforme du bac général permet aux lycéens de composer leur propre parcours à travers les enseignements de spécialité, leurs choix sont parfois aiguillés, voire entravés. Au point qu’offrir une réelle liberté de choix demande une grande anticipation de la part des établissements.

À peine entré en première au lycée Olympe de Gouges de Noisy-Le-Sec (93), Yannis se sent mis en difficulté scolaire. Son problème : la spécialité maths. En fin de seconde, lors du choix des enseignements de spécialité, il a pris "SES, histoire et maths. J’ai choisi les maths pour essayer de recréer un parcours ES", avoue-t-il. L’encouragement de son professeur de maths de seconde à poursuivre dans sa matière a joué un rôle dans son choix.

Les maths, indispensables mais difficiles

Valérie Larose, professeure de maths dans le Vaucluse, encourage elle aussi à "conserver les maths dès lors que les élèves ont un projet scientifique ou économique. Il est inimaginable d'étudier la physique sans faire de mathématiques, idem pour l'économie. La plupart des classes préparatoires ou grandes écoles exigent une spécialité maths pour recruter leurs futurs étudiants."

Mais s’il s’agit de la spécialité la plus choisie parce que "certains ont peur d’être bloqués dans leur orientation", remarque Olivier Thiébaut, professeur d’histoire-géographie à Auxerre (89), c’est aussi "la plus abandonnée, car le programme est très pointu". En effet, Yannis compte déjà engager les démarches pour remplacer cette spécialité par une autre, sans même attendre la fin de la première.

Moins de spécialités rares en zone rurale

Au-delà du niveau exigé dans telle ou telle discipline, d’autres réalités plus concrètes peuvent entraver la liberté de choix. En fin de seconde, Juliette voulait choisir la triplette SVT, SES et philosophie. Problème : "C’était impossible d’ouvrir une classe avec ces options, trop peu de personnes les avaient prises ensemble." Combinaison refusée. Exit les maths, elle a trouvé une alternative avec l’anglais.

De plus, maintenant qu’elle sait qu’elle veut intégrer une licence de cinéma, elle regrette de ne pas avoir eu la possibilité de suivre une spécialité cinéma, qui n’est pas proposée dans son lycée d’Obernai (67), situé à 30 km de Strasbourg. "Il reste une grande inégalité territoriale dans l’accès aux spécialités. Beaucoup ne peuvent pas suivre certains enseignements", observe Olivier Thiébaut.

Le casse-tête des emplois du temps

L’enseignant de l’Yonne remarque une autre difficulté qui empêche parfois de répondre aux souhaits des élèves : l’organisation de l’emploi du temps. "Dans certains établissements, les élèves n’ont pas réellement eu le choix de leurs spécialités parce que c’était impossible de monter l’emploi du temps, ajoute-t-il. Dans un petit établissement de l’Yonne, 10% des effectifs n’ont pas vraiment choisi leur triplette ou leur doublette."
Ce travail revient aux proviseurs adjoints, comme Adeline Frantz. Mais avec "une anticipation forte et du travail", elle considère qu’on peut répondre à la demande des élèves. Dans son lycée d’Arles (13), neuf spécialités sont proposées et programmées "sur les mêmes créneaux horaires". Résultats positifs : seize combinaisons peuvent être choisies pour cinq classes de première. Elle cite en exemple l’établissement d’une de ses collègues : 90 parcours différents existent !

Accompagnement et information

Pour la proviseure adjointe, anticiper, c’est surtout informer. "Dès la seconde, on accompagne l’élève. Une bonne communication vers les parents" est tout aussi primordiale. "Jusqu’à l’année dernière, les parents mettaient parfois en difficulté leurs enfants" en les poussant à faire S. La suppression des filières pourrait atténuer cette pression parentale, mais la volonté de les recréer reste ancrée dans les esprits, même dans ceux des lycéens, comme en témoigne le choix de Yannis.

Conscient des difficultés éprouvées en mathématiques, le ministère de l’Éducation nationale a demandé à créer des groupes de compétences dans cette spécialité, au risque d’alourdir encore un peu l’organisation. D’autres initiatives naissent localement, et Adeline Frantz aimerait "créer des réflexions entre lycées" pour mutualiser les enseignants de spécialité sur un même secteur géographique et élargir le choix offert aux lycéens.

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