L’Observatoire national des discriminations et de l’égalité dans le supérieur (ONDES) a été lancé ce mardi 15 février 2022. Sa première étude porte sur les discriminations à l’accès en master. Ce testing révèle que les candidats d'origine maghrébine sont pénalisés.
L’Observatoire national des discriminations et de l’égalité dans le supérieur (ONDES), lancé le 15 février, a révélé sa première étude. Cette campagne de testing, inédite en France, porte sur l’accès en master. En mars 2021, 607 masters ont été testés dans 19 universités.
Trois messages ont été envoyés à chaque responsable de master : un message d’un candidat avec un prénom et nom d’origine magrébine, un message d’un candidat précisant qu’il est en fauteuil roulant, et un message d’un candidat au prénom et un nom d’origine française, sans handicap.
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L'accès au master discriminatoire pour les candidats d'origine maghrébine
Le résultat est sans appel : un étudiant qui signale son origine par un prénom et un nom d’Afrique du Nord a beaucoup moins de chance de recevoir une réponse positive à sa demande d’information.
En effet, le candidat d'origine française sans handicap obtient un taux de réponse positive de 69,7 %. Ce taux dépasse de deux points celui du candidat d'origine française avec handicap. En revanche, avec 61,1% de réponse positive, le demandeur d'origine maghrébine obtient un taux de réussite nettement inférieur.
Par ailleurs, l'étude constate une discrimination dans la réponse faite aux candidats selon leur origine. Ainsi près d'un master sur cinq donne une réponse positive au candidat d’origine française mais négative au candidat d’origine maghrébin ce qui induit un accueil discriminatoire à une demande d’information d’un candidat dont le patronyme suggère une connotation maghrébine.
Vers une prise de conscience des universités
"On ne peut pas fermer les yeux, les résultats sont très clairs. J’appelle à une prise de conscience collective des universités, surtout lorsque l’on connaît les difficultés pour accéder en master. C’est la question de l’égalité des chances qui est en jeu", a affirmé Virginie Laval, présidente de l’Université de Poitiers, lors de la présentation des résultats.
Cette discrimination est aussi dommageable pour les établissements et le monde du travail, souligne l’étude : "du point de vue d’un responsable de formation, la discrimination semble un comportement irrationnel, contraire à la fois à l’intérêt de la formation et à celui de l’établissement d’enseignement supérieur. Elle restreint l’espace de choix du recruteur et le prive de compétences potentielles".
Pour Yannick L’Horty, directeur de l’ONDES, la discrimination d’accès aux études supérieures est plus grave qu’une discrimination à l’emploi. Elle a notamment des conséquences plus durables pour les victimes. Il note cependant qu’elle est environ moitié moins élevée, en comparaison avec les testings en entreprise.
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Une discrimination accrue dans les filières de master en tension
L’inégalité d’accès aux formations varie cependant selon les filières. L’étude décompose en effet le niveau de discrimination par grand domaine d'études. La discrimination ethnique n'apparaît de manière significative que dans deux grands domaines : droit, économie, gestion, d’une part, et sciences, technologie, santé, d’autre part.
La discrimination est maximale dans les filières juridiques où un tiers des masters sont discriminants. Cette différence par filière serait en fait liée au taux de sélectivité : ce sont les filières les plus attractives qui sont les plus discriminantes.
Le manque de places en master serait donc un facteur aggravant de discrimination. "Parce que les formations les plus attractives doivent refuser davantage de candidatures et parce qu'elles doivent choisir entre de nombreux candidats potentiellement bons, elles ont mécaniquement tendance à fonder leur décision sur des facteurs qui auraient autrement été minimisés, comme les préférences et les biais inconscients", explique l’étude.
L’organisation de la sélection est aussi mise en cause par l’étude de l’ONDES. D’une part, la discrimination augmente avec la difficulté pour le recruteur d'évaluer la qualité des autres formations françaises. D’autre part, elle est renforcée lorsque le recruteur est seul à décider.
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Améliorer le processus de sélection et créer des places en master
Face à ce constat, plusieurs solutions sont proposées par l’observatoire. Les biais peuvent être réduits en informant mieux les responsables sur le cadre légal qui prohibe les discriminations et en améliorant l’information sur les aptitudes des candidats potentiellement discriminés.
L’organisation de la sélection peut être plus juste en évitant l’isolement du responsable de formation, en investissant davantage de moyens et de temps dans l’organisation du recrutement et en centralisant tout ou partie du recrutement.
Enfin, pour réduire la tension dans les formations, il faudrait augmenter le nombre de places dans les filières les plus attractives.