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#EtudiantsSansMaster : les oubliés de la sélection en master 1

Sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #EtudiantsSansMaster, de très nombreux étudiants évoquent leur détresse de ne pas poursuivre leurs études l’année prochaine.
Sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #EtudiantsSansMaster, de très nombreux étudiants évoquent leur détresse de ne pas poursuivre leurs études l’année prochaine. © baranq / Adobe Stock
Par Amélie Petitdemange, publié le 13 juillet 2021
9 min

L’augmentation du nombre de places en master ne suffit pas à absorber le nombre croissant de candidatures. Les étudiants qui n’ont reçu aucune proposition se tournent vers le droit à la poursuite d’études, sans garantie d’une formation qui leur conviendra.

"C’est le stress permanent, je regarde tout le temps mon téléphone. Je suis en vacances mais je suis loin d’avoir l’esprit tranquille", témoigne Théo, titulaire d’une licence en biologie cellulaire et physiologie des organismes à l’université de Strasbourg.

L’étudiant a postulé dans une dizaine de masters en microbiologie, virologie, recherche en biomédecine, immunologie et inflammation et assurance qualité des médicaments dans plusieurs universités en Alsace, à Paris et à Aix-en-Provence. Il n’a été accepté dans aucune formation malgré une moyenne générale de 12. Son seul espoir réside dans un master de microbiologie à l’université de Strasbourg, où le jeune homme est premier sur liste d’attente.

Calendrier de réponse inégal en master selon les universités

Son avenir professionnel dépend de la réponse d’un étudiant qui n’a pas encore confirmé ou refusé sa place dans ce master qui peut accueillir 12 personnes

. Les universités n’ayant pas de calendrier commun pour donner leurs résultats, les étudiants peinent parfois à statuer sur la proposition qu’ils ont reçue car ils attendent encore la réponse d'autres universités. "Les résultats s’échelonnent d’avril à mai selon les universités donc ça bloque tout. Pour le master de recherche en médecine, on peut avoir des résultats jusqu’à mi-novembre s’il y a des désistements", pointe Théo.

Quelques heures plus tard, l'étudiant nous recontacte. Il vient de recevoir un mail l'informant que la liste pour son master est complète, malgré sa première place sur liste complémentaire. Son plan B : passer son job étudiant dans le prêt-à-porter à plein temps puis postuler à nouveau l’année prochaine. "Après un an dans le monde professionnel, est-ce que j’aurais le courage de reprendre mes études ?", anticipe cependant le jeune homme de 21 ans.

Comme lui, des milliers d’étudiants n’ont pas reçu de proposition de master. "J’ai l’impression que c'est la guerre, que la situation est pire que les autres années", témoigne Théo. Sur Twitter, le hashtag #EtudiantsSansMaster croule sous les témoignages.

"Filtre à l’issue de la licence"

"La réforme [qui institue la sélection à l’entrée du master 1 et non plus du master 2] a eu lieu il y a quatre ans mais c’est la première année qu’on sent un tel filtre à l’issue de la licence", affirme Rémy Dandan, avocat et enseignant en droit à Lyon.

Selon l’UNEF, "la session 2021 est marquée par l’aboutissement de barrières de sélection qui entravent la capacité des jeunes à accéder à la filière de leur choix. 31.400 étudiants supplémentaires sont attendus en septembre, ce qui constitue une augmentation de près de 91.000 étudiants sur les deux dernières années. La génération du boom démographique du début des années 2000 arrivant au niveau master, nous alertons sur le risque d’un embouteillage à l’entrée du cycle". Le syndicat étudiant a mis en place une plateforme dédiée pour aider les étudiants sans masters, baptisée "SOS Inscription".

Vices de légalité dans les refus

L’avocat Rémy Dandan aide des étudiants sans master à revendiquer une place dans la formation de leur choix. "Je demande des recours gracieux car il y a souvent des vices de légalité dans les refus. Par exemple, le conseil d’administration doit délibérer pour fixer les capacités d’accueil par master. Si ce n’est pas le cas, elle n’a pas le droit de sélectionner et son refus est donc illégal. J’ai aussi eu le cas d’étudiants qui se font vu refuser une place avec un simple mail qui ne précise pas les raisons. C’est illégal, comme dans les cas où la lettre de refus n’est pas signée", raconte-t-il.

Jouer sur ces vices de légalité reste cependant un épiphénomène, tous les étudiants n’ont pas l’idée ou les moyens de recourir à un avocat. Un autre recours possible est d’envoyer une lettre au directeur du master visé pour réitérer votre demande. "Les directeurs de master sont aussi affectés par cette situation et tentent de trouver une solution. À l'université Toulouse 1 Capitole, ils ont envoyé le courrier d'une étudiante au rectorat et elle a finalement été acceptée", raconte l'avocat.

Un droit à la poursuite d'études en master fictif ?

Un droit à la poursuite d'études en master est par ailleurs prévu dans la réforme de la sélection. Si vous n'êtes admis dans aucun master, vous pouvez déclencher une procédure auprès du rectorat de la région dans laquelle vous avez obtenu votre licence. Le rectorat doit alors soumettre trois propositions de poursuite d’études en master en lien avec votre projet. Mais en pratique, de nombreux étudiants ne reçoivent pas de propositions ou des propositions qui ne conviennent pas à leur projet professionnel.

"De manière légale, le droit à la poursuite d’études est appliqué. Mais pas d’un point de vue moral et de respect du projet de l’étudiant. Si un étudiant strasbourgeois n’a aucun master en droit pénal et qu’on lui propose un master droit de la vigne à Bordeaux, son refus sera interprété comme un refus de continuer ses études !", pointe Maître Dandan. "Il y a aussi une question de coût. 1.000 euros de droit à la mobilité ne couvrent pas un an de frais pour un étudiant qui doit déménager. Pour de nombreux étudiants, ce droit à la poursuite d'études paraît fictif."

Les conditions de saisine du rectorat ont par ailleurs été durcies par un décret publié en mai 2021. Il est désormais obligatoire de candidater dans cinq masters, contre deux auparavant, dans au moins deux disciplines distinctes et deux établissements différents. Le rectorat devra par ailleurs proposer deux formations minimum, au lieu de trois.

Accompagner les étudiants à l’insertion professionnelle

"Les portes de l’accès au master se ferment de plus en plus alors que dans les universités on a longtemps dit qu'il ne fallait pas s'arrêter en licence. Il faut informer les étudiants qu’on peut s’intégrer sur le marché du travail après la licence et les accompagner. On ne peut pas leur dire en juin que finalement le projet de poursuite d’études n’aura pas lieu. C’est dur psychologiquement, en plus dans une année qui a été très dure", regrette Rémy Dandan.

L’avocat dénonce un "dialogue de sourd" avec le gouvernement. "Le ministère de l'Enseignement supérieur promet des places supplémentaires mais nous n’avons pas les moyens d’augmenter les capacités d’accueil. C'est une annonce difficile, voire impossible, à mettre en place."

Plateforme unique de candidature

La création de places en master, notamment dans les filières en tension, devrait tout de même profiter aux étudiants dès la rentrée 2021

. La plateforme trouvermonmaster.gouv.fr, qui recense l’offre de masters en France, devrait par ailleurs être améliorée. Vous aurez notamment la possibilité de postuler directement sur cette plateforme, à l’instar de Parcoursup pour les lycéens, d’ici 2023 au plus tard.

Les chiffres clés de la sélection en master :
- 997.465 étudiants étaient inscrits en cursus licence en 2019-2020 ;
- En 2021, 170.000 places sont disponibles en master ;
- Plus de 12.000 étudiants ont effectué une saisine auprès du rectorat en 2020, dont plus de 7.000 ont été considérées comme recevables ;
- Quatre étudiants sur dix ont reçu au moins une proposition dans le cadre de ce droit à la poursuite d’études en 2020 ;
- Les propositions des rectorats ont été acceptées par les étudiants une fois sur trois en moyenne entre 2017 et 2019.

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