Enquête

La sélection en M1 fait chuter le taux de poursuite d'études en master de psychologie

Master sélection psychologie
Master sélection psychologie © DEEPOL by plainpicture
Par Malika Butzbach, publié le 16 mars 2023
6 min

C’est en psychologie que les effets de la réforme de la sélection en master sont les plus visibles. Le taux de poursuite d’études des étudiants de licence en master chute de 32 points entre 2017 et 2020. Cela s’explique par des particularités de la discipline et notamment au fait que les masters permettent d’accéder au titre de psychologue.

Avec la réforme de la sélection en master de 2016, qui place la sélection à l’entrée du master 1, sont apparus les étudiants "sans master", refusés dans toutes les formations dans lesquelles ils avaient postulé. Les chiffres du Sies sont parlants, entre 2017 et 2020, le taux de poursuite d’études a chuté de près de dix points. C’est en psychologie que ce phénomène est le plus criant. Le taux de passage en master diminue de 32 points entre 2016 et 2020, passant de 78% à 46,4%. À titre de comparaison, ce même taux baisse seulement de 13,9 points en Staps et 11,4 points en droit, deux autres filières considérées elles aussi en tension.

Un nombre de places limité en master de psychologie

Cette baisse de la poursuite d’études en master peut s’expliquer notamment par la sélectivité à l’entrée de ces formations de psycho. "À Strasbourg, on compte 4.000 candidatures pour 140 places en masters", pointe Eva Louvet, doyenne de l’UFR de psychologie au sein de l’établissement. Une pression qui s’expliquerait entre autres par le nombre restreint de formations.

"Contrairement aux autres disciplines, il y a moins de mentions et de parcours en psychologie, analyse-t-elle. Parce que ces cursus forment à une profession réglementée par un titre. À l’inverse, tous les masters de droit ne forment pas qu'au métier de juriste."
Or, avec plus de 125.000 vœux sur Parcoursup en 2021, la psychologie fait partie des licences les plus attractives. Y a-t-il suffisamment de places pour ces futurs diplômés dans les masters ? Lorsque la question est posée au MESRI (ministère de l'Enseignement supérieur), celui-ci répond que oui, puisque certaines formations ne remplissent pas leur promotions. Pour la doyenne de l’Unistra, c’est un peu plus compliqué que cela. "Certes, des formations n’affichent pas complet, mais dans certaines mentions si ! Or, on ne peut pas demander à un étudiant qui a préparé un projet professionnel en psychologie clinique d’aller en master de psychologie du travail."

Dans ce cadre-là, faut-il ouvrir davantage de places en master ? Là aussi, la réponse est complexe. "On ne peut pas faire ça d’un coup de baguette, estime Arnaud Plagnol, professeur de psychopathologie à l’université de Paris. Il faut prendre en compte l’insertion professionnelle des futurs diplômés selon le marché de l’emploi, mais aussi les possibilités de stages puisque ceux-ci sont obligatoires pour devenir psychologue." Sans compter que la création de places supplémentaires implique des moyens importants que la plupart des universités n’ont pas.

Avant la plateforme Mon Master, une pression autour des candidatures en masters

En 2023, avec la mise en place de la plateforme monmaster.gouv.fr, il n’y aura plus qu’une procédure unifiée pour l’ensemble des formations. Ce n’était pas le cas quand Emile, aujourd’hui en M1 à Lille, termine sa licence. "Les candidatures représentaient beaucoup de travail en fin de L3, se rappelle-t-il, énumérant les lettres de motivation, les synthèses de stage ou les projets de recherche. En plus, pour maximiser mes chances, j’avais postulé à 12 masters différents."

Au sein des formations, "les commissions examinent les dossiers en s’appuyant sur les notes, la cohérence du parcours, les stages réalisés et les options choisies, détaille Quentin Lament, président de la Fenepsy (Fédération nationale des étudiants en psychologie). Mais les enseignants manquent souvent de temps pour analyser finement et humainement les dossiers."
Une limite qu’évoque également Eva Louvet. "C’est impossible d’examiner 4.000 candidatures en trois semaines. Nous avons mis au point un algorithme pour présélectionner certains dossiers. Mais cela peut arriver que de bons étudiants pour nos cursus passent entre les mails du filet et soient refusés."

Quelles alternatives pour les étudiants refusés en master de psychologie ?

La sélection à l’entrée du master a aussi augmenté le taux de réussite. Là encore, l'évolution est plus importante en psychologie avec une hausse de 42 points entre 2016 et 2019, contre +11 points pour l’ensemble des disciplines. "C'est aussi un atout sur le plan pédagogique, nous pouvons former sans discontinuer nos étudiants sur deux ans", estime Laurent Sovet, maître de conférences en psychologie à l’Université Paris Cité et chargé de mission Orientation et réussite étudiante.

Le revers de la médaille est le nombre d’étudiants qui n'arrivent pas à intégrer un master. "Il est nécessaire de mieux informer sur les voies alternatives. Après une licence, les étudiants peuvent avoir accès à des concours et se former à des métiers autres que celui de psychologue", ajoute-t-il."
Refusée en master, Camille est partie en service civique, dans l'espoir d’augmenter ses chances pour l’année prochaine. Finalement, la jeune montpelliéraine s’est vu proposer un contrat dans l’association pour adolescent qui l’emploie. "Je vais réfléchir. C’est vrai que lorsque l’on entre à la fac, on se dit que ce sera forcément jusqu’au master. Même si j’adore mon travail, c’est un peu dur de renoncer à son bac+5."

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