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Alternance : pourquoi le projet de suppression des aides à l'embauche de contrats de professionnalisation inquiète ?

Les contrats de professionnalisation enregistrent une baisse de 12% entre 2021 et 2022.
Les contrats de professionnalisation enregistrent une baisse de 12% entre 2021 et 2022. © Mediaphotos / Adobe Stock
Par Rachel Rodrigues, publié le 17 avril 2024
4 min

La suppression des aides aux entreprises pour les contrats de professionnalisation, présentée par voie d'un projet de décret aux partenaires sociaux, interviendrait à partir du 1er mai prochain. Un projet qui suscite des inquiétudes auprès de certains acteurs professionnels.

L’aide de 6.000 euros versée par l’État aux entreprises qui embauchent un jeune de moins de 30 ans en contrat de professionnalisation pourrait disparaître à partir du 1er mai, selon un projet de décret du gouvernement transmis aux partenaires sociaux, et révélé lundi initialement par l'AEF, repris par l'AFP. 

Cette annonce intervient dans un contexte de coupes budgétaires prévues par l'exécutif dans le cadre d'un plan de 10 milliards d'économies initié par Bercy au début de l'année. "On comprend que dans un contexte de finances publiques contraintes, il faille faire des économies mais il ne faut pas les faire au mauvais endroit", déplore Stéphane Heit, vice-président national de la CPME, chargé de la formation, interrogé par l'Etudiant. 

Selon les informations relayées par l'AFP, l'exécutif souligne dans la fiche de présentation du décret qu'"au regard des prévisions de croissance et de la hausse du déficit public (5,5% du PIB), des mesures de réduction du budget de l'État ont été décidées sur certains dispositifs relevant notamment du champ de l'emploi et de la formation professionnelle".

Une aide unique maintenue pour les contrats d'apprentissage

Jusqu'à présent, cette aide unique était versée à tous les employeurs pour leurs recrutements d'un alternant (contrat d'apprentissage ou de professionnalisation), qu'il soit mineur ou majeur, qu'il ait moins de 30 ans, et pour sa première année de contrat. Ce soutien financier de l'État, reconduit jusqu'à la fin de l'année 2024, serait donc dorénavant réservé au recrutement d'apprentis.

Au mois de février, le gouvernement avait en effet prévu 1,1 milliard de crédits annulés pour la mission "travail et emploi" dans le cadre des 10 milliards d'euros de coupes budgétaires annoncés et publiés au Journal Officiel. La suppression de l’aide à l’embauche pour les contrats de professionnalisation doit donc contribuer à cet effort.

Les recours aux contrats de professionnalisation en baisse

Cette suppression interviendrait dans un contexte de perte de vitesse des contrats de professionnalisation, à la différence des contrats d'apprentissage, qui connaissent un essor depuis plusieurs années (+14% entre 2021 et 2022). 

À titre de comparaison, les contrats de professionnalisation enregistrent une baisse de 12% entre 2021 et 2022. Le nombre d’entrants en contrat de professionnalisation est passé de 79.600 à 71.800 en 2022 (et de 66.900 à 59.100 pour les moins de 26 ans).

Stéphane Heit regrette que le gouvernement veuille "faire des économies sur un dispositif qui, malgré la baisse du nombre de recours, a prouvé son efficacité auprès des jeunes qu'il vise".

Des jeunes souvent en besoin de formation

"Le public n'est pas le même" qu'en apprentissage, rappelle le vice-président de la CPME. Les contrats de professionnalisation, qui comme l'apprentissage, supposent une part de formation pratique en entreprise et une part de formation théorique, visent plutôt une insertion ou un retour à l'emploi. 

"Ils concernent souvent des jeunes souhaitant compléter leur formation initiale, ou des jeunes sortis du système scolaire sans qualification", précise Stéphane Heit. Ce type de contrats, ouvert aux 16-25 ans révolus, s'adresse également aux jeunes demandeurs d'emploi, bénéficiaires du RSA, ou de l'allocation adultes handicapés (AAH). 

Sans cette aide à l'embauche, qui permettait de compenser les coûts dépensés dans la formation, les organisations patronales craignent que les entreprises, et notamment les PME et TPE évitent de se tourner vers les profils de jeunes en contrats de professionnalisation, au profit des contrats d'apprentissage, ou de candidats plus expérimentés, déjà formés au métier.

Un impact sur les petites et moyennes entreprises ?

L'inquiétude est la même du côté de l'Opco2i, opérateur de compétences qui réunit toutes les branches des secteurs professionnels industriels. "Les aides globales au système de l'alternance ont eu un effet levier fort dans les plus petites entreprises, ces dernières années", rappelle Stéphanie Lagalle-Baranès, directrice générale. 

Une interrogation demeure concernant l'impact de cette suppression sur les secteurs qui connaissent des conjonctures compliquées. "Les patrons qui se retrouvent en ce moment sans trop de visibilité seront peut-être plus hésitants", avant d'embaucher des jeunes en contrats de professionnalisation, explique-t-elle.

La directrice générale précise néanmoins que "le contrat pro a déjà vécu sans aides avant 2020 et marchait plutôt bien", et "espère donc qu'il pourra retrouver la même dynamique".

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