Témoignage

"Découvrir l'apprentissage, c'est ça qui m'a sauvée": des anciens jeunes décrocheurs témoignent

L'apprentissage permet une acquisition de savoirs concrets et valorisants.
L'apprentissage permet une acquisition de savoirs concrets et valorisants. © Robert Kneschke/Adobe Stock
Par Rachel Rodrigues, publié le 04 décembre 2023
6 min

L'apprentissage comme système d'alternance entre les cours et l'immersion en entreprise permet de responsabiliser et de valoriser certains profils d'élèves qui avaient perdu tout lien avec le scolaire.

Pour Angélique, "l'école, ce n'était plus possible". La jeune apprentie en boulangerie de 24 ans se souvient de la fin de ses années collège. "Comme beaucoup, j'ai été victime de harcèlement, et pour cette raison, j'ai arrêté d'aller en classe".

Alors en situation de décrochage scolaire, elle se tourne vers sa mission locale, qui l'aide à trouver sa voie. Aujourd'hui en dernière année de bac professionnel Métiers du commerce et de la vente (MCV), après l'obtention d'un CAP, Angélique se dit fière du chemin accompli. "Découvrir l'apprentissage, c'est ça qui m'a sauvée", résume-t-elle.

Comme elle, de nombreux élèves décrocheurs réussissent à trouver leur voie grâce à l'apprentissage. Leur proposer cette porte de sortie, "ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas bons, mais simplement que le rythme scolaire classique ne leur convient plus pour X raisons", rappelle Béatrice Rodot, conseillère emploi à la mission locale de Créteil.

L'apprentissage, une formation valorisante et responsabilisante

Qu'il soit effectué en CAP, en bac pro, ou dans le supérieur, le contrat d'apprentissage est valorisant pour les jeunes apprentis. "En tant que salariés au sein d'une entreprise, les tâches professionnelles qu'on leur demande les responsabilisent", détaille Tiemoro Kanté, intervenant pédagogique auprès d'élèves décrocheurs au collège.

"Quand un élève en contrat dans un garage réussit à réparer une voiture et que le client vient la récupérer : on oublie presque qu'il est apprenti", illustre le coordinateur de projet au sein des PEP 77. Angélique a fait le constat de cette reconnaissance au sein de son entreprise : "On n'est pas un simple élève : on est au même stade que le reste des salariés", résume-t-elle.

S'investir dans un domaine d'étude choisi

Cette responsabilisation a du sens puisque les apprentis ont choisi leur domaine d'étude. "Ces jeunes ne se sentent pas pénalisés par des matières qui ne vont pas concrètement leur servir plus tard", explique Béatrice Rodot. "J'ai compris que le cursus classique n'était pas la seule solution", abonde Angélique.

D'autant que "la plupart des élèves décrocheurs n'aiment pas rester assis pendant quatre heures", rappelle Tiemoro Kanté. Avec l'apprentissage, "l'élève apprend en mouvement, dans un domaine qu'il a choisi en fonction de ses centres d'intérêt, ce qui accroît son investissement", ajoute-t-il.

Raphaël confirme : "les cours en classe, ça ne bouge pas assez. En entreprise, je suis tout le temps concentré, ça me convient", raconte l'apprenti carreleur.

En apprentissage, des enseignements concrets

Les matières principales qu'il suit en classe lui suffisent. Français, mathématiques, une langue vivante… "Ça me parle plus que ce qu'on peut retrouver dans le cursus général", explique l'apprenti, qui effectue actuellement un CAP au CFA du BTP à Périgueux.

Du côté de Camille, les matières professionnelles étudiées en cours ont représenté un intérêt concret, une fois au travail. "On pratiquait beaucoup la négociation, mais aussi la prospection d'entreprises, ce qui m'a bien servi dans le cadre de mon poste", explique l'ancienne apprentie commerciale dans un bar à Pau.

Elle est diplômée depuis le mois d'octobre d'une licence pro à l'ESC Pau, après avoir connu plusieurs périodes de décrochage à l'université.

Même constat pour Angélique, qui, grâce à ses cours, a pu gagner en compétences, notamment en termes de relation client. "Je suis de nature timide et la vente m'a permis de l'être un peu moins", se réjouit la jeune femme. "Les jeunes reprennent confiance jusqu’au point parfois de poursuivre leurs études par la suite, alors qu'ils avaient tout lâché", affirme Béatrice Rodot.

"On leur rappelle qu'ils ont des droits et des devoirs" en tant qu'apprenti

Avant de les orienter vers l’apprentissage, les missions locales prennent soin de les préparer au monde du travail qui les attend. "On leur rappelle qu’ils sont salariés et qu’ils ont des droits et des devoirs", précise Tiemoro Kanté.

Rémunération, congés, arrêts maladie... "On leur explique qu'en entreprise, les vacances scolaires n'existent pas, et qu'il faut prévenir à l'avance des congés qu'on veut poser", détaille Béatrice Rodot.

A contrario, les jeunes sont sensibilisés à l'importance de vérifier leurs heures de travail auprès de leurs CFA, et ainsi "éviter les abus de certains employeurs", ajoute-t-elle.

Une réflexion sur l'orientation nécessaire

L’apprentissage ne convient pas à tous les profils d’élèves décrocheurs. Un point de vigilance subsiste : "les jeunes qu’on dirige vers ce type de contrats doivent savoir un minimum ce qu’ils veulent faire", avertit Marie-Josée Szelangiewicz, enseignante coordinatrice de la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS).

C’est précisément le type d’objectif que se fixe la promo 16-18 de l’AFPA (l'association pour la formation professionnelle des adultes), à laquelle Raphaël a participé avant de s'engager dans son contrat actuel. "J'ai participé à des cours d'orientation et réalisé plusieurs stages avant de choisir mon entreprise", raconte-t-il.

Angélique aussi a multiplié les expériences avant de se lancer : "j'ai testé plusieurs métiers avant de découvrir que j'aimais la vente en boulangerie", abonde-t-elle. Une réflexion primordiale, qui permet d'éviter les ruptures de contrat et un nouveau décrochage.

Les prépas apprentissage

Depuis 2019, il est possible de suivre en CFA une préparation à l'entrée en apprentissage avant d'intégrer la formation et l'entreprise. L'objectif étant d'acquérir les savoirs de base nécessaires avant l'insertion dans le monde du travail. 

A son lancement, quelque 28.000 places ont été ouvertes par le ministère du Travail, dans 150 CFA (centres de formation des apprentis). D'autres prépas ont également ouvert au fil de l'eau depuis. 

Au programme : découverte des métiers lors de stages en entreprise et sensibilisation au savoir-être professionnel.

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