Reportage

L'artisanat, un retour aux sources pour les étudiants en design de l'école de Condé

Les étudiants en deuxième année de design à l'école de Condé se sont initiés aux métiers de l'artisanat.
Les étudiants en deuxième année de design à l'école de Condé se sont initiés aux métiers de l'artisanat. © Pauline Bluteau
Par Pauline Bluteau, publié le 31 mars 2022
6 min

Pendant deux semaines, les étudiants en deuxième année de bachelor en design à l'école de Condé de Paris découvrent les métiers de l'artisanat. Des ateliers qui leur permettent de sortir de leurs univers habituels pour enrichir leur créativité et leurs connaissances artistiques.

De la gravure, de l'ébénisterie, du tissage, du papier recyclé, de la sérigraphie, de la céramique… On est parfois bien loin de ce que les étudiants en design ont l'habitude de pratiquer. Spécialisés en design graphique, design d'espace, design de produits ou design de mode, les élèves de deuxième année de bachelor en design à l'école de Condé, à Paris, sont tous mélangés pendant deux semaines au sein de différents ateliers pour découvrir les métiers de l'artisanat. Un moment nécessaire pour s'ouvrir à de nouvelles perspectives mais aussi pour prendre le temps de créer un projet très personnel, plus éloigné du cadre purement scolaire.

"On est loin du meuble Ikea !"

Entre les machines qui percent ou qui scient, la poussière qui tourne dans la pièce et l'odeur du bois, pas de doute, il s'agit bien de l'atelier d'ébénisterie. Les quelques étudiants présents s'affairent aux quatre coins de la pièce, casque anti-bruit sur la tête. La concentration est de rigueur : après avoir créé leur propre maillet, les élèves s'attaquent à la conception d'un tabouret tripode. "Je crois que je me suis compliqué la tâche, s'exclame Anouch, 20 ans, étudiante en design d'espace. J'ai voulu faire une assise en forme d'alvéoles d'abeille et ça demande du travail."

À ses côtés, Bastien Phung, ébéniste et professeur à l'école de Condé sourit. C'était pour lui tout l'enjeu de cet atelier "d'initiation", tient-il à rappeler. "Plus tard, ils échangeront avec des artisans, il faut qu'ils sachent communiquer avec eux car ce rapport entre créateur et artisan est très important. Ils doivent se rendre compte que c'est long, que c'est minutieux. On est loin du meuble Ikea !" assure-t-il. En seulement deux semaines, les étudiants ont donc appris quelques bases sur les différents métiers du bois, le travail du bois et savent maintenant se servir des différents outils en toute autonomie. "Maintenant, on sait ce que c'est que de passer sa journée en atelier", estime Anouch.

Certains étudiants en deuxième année de design ont choisi de découvrir la vie dans un atelier d'ébénisterie.
Certains étudiants en deuxième année de design ont choisi de découvrir la vie dans un atelier d'ébénisterie. © Photos fournies par les témoins

S'essayer à de nouvelles techniques artistiques

Au même étage, d'autres élèves se déplacent entre les tables, des bassines remplies d'eau colorée à la main. Des vases, des mannequins, des photophores, des tasses ou des assiettes sont disposées un peu partout dans la salle. Toutes ces créations ont un point commun : le papier recyclé. "On a récupéré des bouts de papiers qui allaient être jetés et désormais, l'objectif est d'en faire des objets", explique Séverine Scaglia, enseignante en mode.

Et pas seulement : par groupe de deux, les étudiants ont deux semaines pour créer leur propre boutique. Guilia et Eléonore s'affairent autour de leur mannequin. Une première pour ces deux étudiantes de 19 ans plus habituées à monter des maquettes. "On n'aurait jamais fait ça en design d'espace. Là on s'amuse, c'est un projet vraiment différent", confient-elles. L'idée était justement de sortir de leur zone de confort même si tout n'a pas été simple. La robe blanche qu'elles ont imaginée sera habillée de grandes plaques de papier et renforcées grâce à des fils de métal pour donner une impression de mouvement. Les étudiantes ont travaillé sur les textures, les couleurs et le nom de leur marque, Iton qui signifie "papier" en hébreu.

Pour l'atelier "papier recyclé", les étudiants doivent imaginer leur future boutique.
Pour l'atelier "papier recyclé", les étudiants doivent imaginer leur future boutique. © Pauline Bluteau
S'amuser, c'est aussi ce qui ressort de l'atelier gravure. Corentin, 20 ans, en design mode découvre lui aussi une autre spécialité. "J'essaie de faire quelque chose de différent et qui me plait." Le projet de l'étudiant a pour thème l'univers des voitures. D'abord, il dessine sur une feuille blanche, prend une plaque transparente et gratte le support pour faire apparaitre les éléments. "Ensuite, on passe le tout dans une machine à rouleau, on ajoute de la pression, on tourne et on a notre gravure", explique-t-il.

Un travail qui convainc tout à fait Laurence Groscarret, enseignante à l'école de Condé. "Pour eux, c'est un atelier-plaisir. Ils expérimentent, ils se trompent pour à la fin, arriver à un vrai projet abouti. Il se rendent compte que chaque impression, c'est du labeur. On reconnecte avec l'artisanat." Finalement, cela lui permet à elle aussi de sortir de ses habitudes : "Chaque année, ils m'apprennent des choses. C'est très enrichissant et puis, ils sont tous très fiers donc je suis contente, c'est gratifiant."

Après le dessin, les étudiants sculptent leur support pour faire apparaitre leur gravure.
Après le dessin, les étudiants sculptent leur support pour faire apparaitre leur gravure. © Pauline Bluteau

Ajouter des compétences à sa formation en design

Si la durée de ces ateliers parait anecdotique à l'échelle des cinq années d'études pour devenir designer, apprendre de nouvelles techniques apparait plus que nécessaire pour ces jeunes artistes. "Cela leur permet d'ajouter une corde à leur arc et d'avoir un projet qu'ils pourront présenter dans leur book", confirme Laurence Groscarret.

Pour Corentin, c'est aussi le moyen de développer sa créativité. "Tous les artistes que je connais, même les plus grands, font d'autres choses à côté. Quand on est artiste, il faut être ouvert", insiste-il. À côté des cours très encadrés pendant l'année, ces ateliers sont l'opportunité de s'offrir un peu de liberté. "On lâche les cours et on profite, c'est détendu", poursuit Corentin.

"C'est aussi l'occasion de travailler avec d'autres personnes sur un gros projet. On pourra toujours se servir du papier recyclé pour faire des maquettes d'ailleurs", présume Eléonore. En fin de semaine, les étudiants présenteront leur travail. Des projets qui ne seront pas notés mais qui compteront tout de même pour valider leur année… en design.

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