Enquête

Stressées et maltraitées, une étudiante sage-femme sur deux envisage d'arrêter ou suspendre sa formation

61% des étudiantes sages-femmes ressentent de la maltraitance lors des stages.
61% des étudiantes sages-femmes ressentent de la maltraitance lors des stages. © Robert KLUBA/REA
Par Pauline Bluteau, publié le 03 avril 2023
5 min

En cinq ans, pas d'amélioration mais plutôt une aggravation de la situation. La formation de sage-femme n'attire plus et les étudiantes en maïeutique ont de plus en plus de mal à la défendre. Et pour cause, la plupart d'entre elles seraient susceptibles d'abandonner leurs études plus tôt que prévu.

"Les chiffres obtenus mettent en évidence des constats tout aussi alarmants qu’en 2018, en effet les différents résultats pour la plupart n’ont soit pas évolué soit empiré", prévient l'association nationale des étudiants sages-femmes (ANESF) dans son enquête "Bien-être 2023".

Stress quotidien, maltraitance en stage, manque d'accompagnement pédagogique, situation financière précaire… Plusieurs facteurs expliquent pourquoi à la rentrée 2022, 20% des places en deuxième année de maïeutique sont restées vacantes. Un phénomène qui pourra s'aggraver encore dans les mois et années à venir si rien ne change.

Des conditions d'études de plus en plus difficiles en maïeutique

Du stress, du stress et encore du stress. C'est sans doute le facteur le plus révélateur du mal-être des étudiantes* sages-femmes. Plus de 80% se disent davantage stressées depuis leur entrée dans la formation. En ligne de mire : le manque d'accompagnement de l'équipe pédagogique. Pire encore, les étudiantes ressentent de la maltraitance, principalement morale de la part des enseignants.

Mais au-delà des cours, les stages sont tout aussi difficiles à supporter : 61% des étudiantes y ressentent de la maltraitance et 21% ont déjà subi des traitements inégalitaires ou des discriminations (lié à leur statut d'étudiant). Finalement, près de trois étudiantes sur dix estiment que leur formation de sage-femme ne permet pas de s'épanouir.

Une précarité aggravée par les stages

Or, comme tous les étudiants, en santé ou non d'ailleurs, d'autres facteurs viennent encore noircir le tableau. En plus d'une situation financière déjà précaire (42% de boursières, 29% ont un job étudiant), les futures sages-femmes subissent aussi d'autres contraintes. Les écoles de maïeutique pratiquent ce qui est communément appelé des "frais illégaux" : en moyenne, 177,14 euros sont à la charge des étudiantes pour l'achat de blouses, de matériel…

Encore une fois, les stages n'améliorent pas non plus la situation. Les frais de déplacements et d'hébergement pour se rendre en stage ne sont pas pris en charge alors que les étudiantes parcourent en moyenne 4.599 km par an. Or, ce n'est pas l'indemnité perçue qui permet aux étudiantes de s'en sortir. En effet, elles sont nettement moins rémunérées que d'autres stagiaires du supérieur : 2,80 euros brut l'heure à partir de la quatrième année contre 4,05 euros l'heure pour les autres étudiants.

Le lourd emploi du temps des étudiantes a également un impact sur leur santé (manque d'activité physique, sommeil, renonciation aux soins…). Pour un quart des étudiantes, la crise sanitaire a aussi détérioré leur santé mentale.

Des étudiantes sages-femmes qui peinent à défendre leur formation

Face à autant de constats, difficile d'attirer de nouveaux étudiants en maïeutique. Si un quart des futures sages-femmes envisagent déjà d'exercer leur métier moins de 15 ans, d'autres pourraient ne pas aller jusqu'au bout de leurs études. Près d'un tiers des étudiantes envisagent d'arrêter leur formation et 19% pensent la suspendre.
Selon l'ANESF, il devient donc plus que nécessaire de revaloriser les indemnités de stage, entre autres, d'accélérer l'intégration universitaire de la formation et de mener à bien la réforme des études de maïeutique en restructurant les maquettes pédagogiques. "L’ANESF demande la mise en place d’actions concrètes et des groupes de travail avec les différents acteurs de la formation et de la profession pour permettre une amélioration au plus vite de l’attractivité de notre formation et de notre profession."

Car malgré les difficultés, 95,9% des étudiantes se disent fières d'être sage-femme, signe qu'il s'agit d'une véritable vocation. Reste à savoir si cela sera suffisant pour attirer davantage d'étudiants dès la rentrée 2023.

*Nous parlons ici d'étudiantes en maïeutique car les femmes représentent 97,3% des effectifs.

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