Statut d'étudiant entrepreneur : "De quoi être plus crédible auprès des banques"
"Donner les chances de créer les champions industriels de demain, sur le modèle des entreprises mondiales comme Facebook, Apple, Google, nées dans des facs américaines". C’est avec cette ambition que le gouvernement a confirmé, à la rentrée 2014, la mise en place du nouveau statut d'étudiant entrepreneur. Voici ce que vous pouvez en attendre, selon Dominique Restino, un expert de l'entrepreneuriat étudiant.
Objectif à l'horizon 2018 : 20.000 créations d'entreprise ou reprises d'activités par des étudiants. Les mesures annoncées par le gouvernement - un statut et un diplôme d'étudiant entrepreneur, l'aménagement de la scolarité pour faciliter ce modèle… - vous convaincront-elles de sauter le pas ? Pas l'ombre d'un doute selon Dominique Restino, chef d'entreprise, président fondateur du MoovJee (Mouvement pour les jeunes et les étudiants entrepreneurs) et président de l'APCE (Agence pour la création d'entreprise).
Que penser de ce nouveau statut national d'étudiant-entrepreneur, entré en vigueur le 15 septembre 2014 ?
C'est évidemment une très bonne nouvelle. Car si un quart des 18-24 ans affirme avoir envie de créer un jour leur entreprise, seuls 3 % des jeunes passent à l'acte. Le statut devrait réduire cet écart en facilitant la vie des étudiants créateurs pendant et après leur diplôme. Mais attention, ne peut pas l'obtenir qui veut. Il faut avoir moins de 28 ans [l'âge limite pour bénéficier d'une sécurité sociale étudiante, ndlr], et que le projet soit sélectionné par la commission d'engagement du PEPITE (Pôle étudiant pour l'innovation, le transfert et l'entrepreneuriat).
Plus concrètement, ce statut devrait d'abord faciliter l'accès au financement, car, si les prêts étudiants sont courants, il n'y a presque jamais d'aide financière à la création d'entreprise, même avec un "business plan" solide. Autre avantage : le jeune créateur pourra conserver sa sécurité sociale. Mais surtout, la création de ce label est la preuve que la société fait confiance à cette nouvelle génération et la reconnaît. Et tant mieux. N'oublions pas que la première ressource naturelle d'un pays, c'est sa jeunesse. Car elle est en train de transformer les métiers d'hier grâce aux nouvelles technologies et invente déjà les métiers de demain.
Les moyens mis en place pour favoriser la création d'entreprise par des jeunes sont-ils suffisants ?
On est sur la bonne voie. Le statut permet de créer un cadre solide qui permet aux jeunes entrepreneurs en herbe de travailler sérieusement sur leur projet. Les lauréats de PEPITE, étudiants ou jeunes diplômés, profiteront d'un accompagnement individualisé par deux tuteurs : un enseignant et un référent externe, entrepreneur, membre d'un réseau d'accompagnement ou de financement. Ils auront aussi accès à des espaces de "coworking", et pourront même travailler leurs projets d'entreprise au lieu de suivre un stage de fin d'études. Calqué sur celui de sportif de haut niveau, ce statut permet aux étudiants de se dégager du temps pour leurs démarches tout en étant coachés. Une solution 100 % gagnante, d'autant qu'ils deviendront alors plus crédibles auprès des banques et de leurs futurs clients.
Le label aidera-t-il les entrepreneurs en herbe à faire décoller leur activité ?
Le diplôme d'étudiant-entrepreneur – D2E, est certainement un moyen de donner aux jeunes de la visibilité auprès des clients, des banques, mais aussi des enseignants et des parents. Il permet également d'affiner son projet et de monter un "business plan" plus réaliste. Et si ce diplôme permet de multiplier les initiatives entrepreneuriales, alors tant mieux. Car plus les jeunes seront nombreux à créer leur boîte, plus ils créeront d'emplois. Cette volonté de créer a certes toujours existé, mais elle se répand dans toutes les classes sociales. C'est pourquoi l'APCE a ouvert un espace web réservé aux jeunes défavorisés.
Pour ce qui est de la gestion, les étudiants seront-ils suffisamment préparés ?
Avec de la motivation et un certain goût du risque, on déplace des montagnes. Et puis, il ne faut pas forcément avoir fait "Dauphine" pour être un bon gestionnaire. En revanche, il faut savoir compter et mener son budget en bon père de famille. Et pour les plus réfractaires, il existe des outils d'aide à la gestion, à la comptabilité et des formations sur le site de l'APCE. L'important est d'être accompagné. Et de se poser les bonnes questions : qu'est-ce que je veux produire ? Pour qui ? Comment ? Un bon "business plan" n'est pas seulement financier.
"Ce statut permet aux étudiants de se dégager du temps pour leurs démarches tout en étant coachés" // © ImageSource/REA
Le rapport que les jeunes entretiennent avec le numérique fait-il d'eux des entrepreneurs différents de leurs aînés ?
Oui, bien sûr. Ils ont une ouverture sur le monde que les générations précédentes ont beaucoup moins. La barrière des langues est tombée. Ils voyagent plus, du coup, ils ont plus d'idées et ont une vision internationale de leur marché. Et puis, ils ont une plus grande capacité à transformer et à innover. Ce sont aussi des zappeurs. Ils créent, ils vendent, ils recréent… Ce qui fait d'eux plus des entrepreneurs que des chefs d'entreprise.
Pourquoi les jeunes sont-ils si nombreux à avoir envie de créer leur entreprise ? Pour gagner de l'argent ? Pour être plus libres que leurs parents ?
Parce que cette génération veut compter. La génération Y ne croit plus aux politiques. Elle veut avoir un pouvoir de décision, donc des responsabilités tout de suite. Ces jeunes sont pressés et n'ont aucune envie de grimper les échelons que l'entreprise leur impose. Leur nouvel héros, c'est l'entrepreneur qui, parti d'une simple idée, a su révolutionner le monde. Ils sont de la génération de ceux qui ont connu le chômage de leur parents, remerciés du jour au lendemain après des années d'investissement. En d'autres termes, ils veulent faire partie de la révolution entrepreneuriale.
Quels conseils leur donneriez-vous à tous ces entrepreneurs en devenir ?
Informez-vous, poussez la porte des Chambres de commerce et des métiers, faites-vous accompagner, et allez au bout des choses. L'échec est une expérience que les entrepreneurs savent valoriser. La France a besoin de vous.