Décryptage

Le tronc commun en 1re permet-il de suivre l'option maths complémentaires en terminale ?

Dans les lycées qui proposaient les maths en 1re en option l'an dernier, des élèves ont des difficultés à suivre en option maths complémentaires en terminale.
Dans les lycées qui proposaient les maths en 1re en option l'an dernier, des élèves ont des difficultés à suivre en option maths complémentaires en terminale. © ©Nathan Vreesmarc/PACHACAMAC-REA
Par Marine Ilario, publié le 20 octobre 2023
6 min

En 2023, les maths ont fait leur grand retour dans le tronc commun de la classe de 1re générale. Un cours qui ouvre en théorie l'option maths complémentaires de terminale à tous les élèves. Mais en pratique, le programme du tronc commun est trop faible pour que les élèves y réussissent.

En théorie, le nouveau tronc commun de mathématiques en 1re générale donne aux élèves le droit de suivre l'option maths complémentaires en terminale. Mais attention : si c'est votre plan, vous risquez de ne pas arriver à suivre les cours l'année prochaine.

En effet, dans les lycées qui proposaient déjà les maths en 1re en option l'an dernier, on constate, cette année, des difficultés des élèves à suivre en option maths complémentaires en terminale.

Des maths qui alourdissent l’emploi du temps

Parce qu’il s'adresse à ceux qui n’ont pas choisi la spécialité maths en 1re, le cours du tronc commun est suivi par des élèves souvent éloignés des maths et parfois en difficulté dans la matière.

Pour eux, c’est la double peine. Non seulement ils sont obligés de suivre de nouveau des cours de maths, mais en plus ces cours viennent s’ajouter à leur emploi du temps. Par rapport à ceux qui ont pris la spécialité maths, ils ont une heure et demie de cours en plus.

"C’est assez punitif du point de vue de l'élève, regrette *Céline, professeure de mathématiques en 1re. Leur emploi du temps s’alourdit et avec une matière qui ne leur plaît pas toujours."

Un créneau trop court pour raccrocher les élèves

Pour les élèves qui ont accumulé des difficultés en maths après la 2de, le tronc commun prend avant tout des allures de "remise en confiance", concède Céline. Mais pour de nombreux enseignants, le créneau dédié est trop court.

"L’idée était aussi de réconcilier les élèves avec les maths, mais pour cela, il faut leur donner le temps de comprendre et de manipuler. 1h30, c’est beaucoup trop léger", constate Mehdi Lazaar, professeur de mathématiques au lycée Galilée à Gennevilliers (92) et créateur de la chaîne YouTube Alpha Omega cours - Maths. L'association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public (APMEP) et l'Académie des technologies plaident d’ailleurs pour l’instauration d'un minimum de 2 h de maths hebdomadaires en 1re.

Au-delà du temps dédié, le programme vu en cours ne permet pas non plus de raccrocher les élèves à la matière. Selon Stéphanie Doret, présidente de la Régionale Île-de-France de l’APMEP et enseignante au lycée Hector Berlioz à Vincennes, "ce qu’on leur donne à faire n’est pas suffisamment concret et intéressant et ne répond pas à leurs difficultés."

De trop grandes disparités entre les élèves

Autre observation qui complique la tâche des enseignants : les disparités entre les élèves. "Vous n’imaginez pas les différences de niveau : certains sont en difficulté, d’autres ont des compétences solides et d’autres encore ne veulent rien faire du tout", indique Céline. Or, pour Mehdi Lazaar, le cours du tronc commun ne permet justement pas "de prendre le temps de s’intéresser à tous les profils d’élèves et travailler en douceur avec un certain rythme".

Des disparités qui se poursuivent en terminale. En option maths complémentaires, les élèves qui n’ont suivi que les cours du tronc commun rejoignent ceux qui ont suivi la spécialité maths en 1re et qui l’ont abandonnée en terminale. "Ils se retrouvent avec ceux qui ont fait 4 h de maths en 1re et qui sont donc plus avancés", ajoute Jane Rasmussen, professeure de sciences sociales en prépa B/L au lycée Lakanal à Sceaux (92).

Après le seul tronc commun de 1re, la poursuite des maths complémentaires en terminale semble donc compromise. Certains font pourtant ce choix par stratégie : cela permet d'améliorer leur dossier Parcoursup lorsqu’ils envisagent des études supérieures dans des domaines qui ne sont pas strictement scientifiques, mais où les maths apportent un plus, comme l'économie.

Bien qu'elle facilite "l'accès à certaines formations post-bac sélectives", Céline en vient pourtant à déconseiller l'option maths complémentaires à ses élèves. "Je leur dis qu’ils ne vont pas y arriver. C’est dur à dire, mais il en va de ma responsabilité."

Beaucoup de notions manquantes

Un échec qui ne vient pas que du manque d'intérêt, mais aussi du manque de notions. L’APMEP a pointé les manques dans le programme du tronc commun. "Sur la dérivation par exemple, il manque la dérivation d’un quotient. En probabilités, on ne traite pas les variables aléatoires ou encore les fonctions du second degré", illustre Stéphanie Doret. 

Pour y palier, l'enseignante distribue en début d’année de terminale des fiches de rappels sur certaines notions. "Mais pour certains ce ne sont pas des rappels. Le manque est énorme et on ne peut pas le combler. Le temps nous manque parce que le programme est colossal."

Pour être clair, en maths complémentaires, vous suivez "des chapitres conséquents qui s'appuient sur le programme de spécialités maths, avec de vrais enjeux des compétences à acquérir. On ne fait pas cette option par hasard", avertit Céline.

*Le prénom a été changé.

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