Décryptage

Planification écologique : ces métiers qui vont avoir besoin de recruter

La rénovation  énergétique des bâtiments nécessitera de nombreuses compétences et des ouvriers qualifiés dans divers domaines.
La rénovation énergétique des bâtiments nécessitera de nombreuses compétences et des ouvriers qualifiés dans divers domaines. © Adobe Stock/Zigmunds
Par Thibaut Cojean, mis à jour le 10 octobre 2023
5 min

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, de nombreux secteurs auront besoin de main-d’œuvre : bâtiment, transports, énergie… Les économistes alertent néanmoins sur la faible attractivité de ces métiers.

Rénovation énergétique des bâtiments, transports publics, mobilités douces, énergie… Alors qu'Emmanuel Macron a présenté, le 25 septembre dernier, ses mesures concernant la planification écologique, de nombreux secteurs vont avoir besoin de main-d’œuvre pour répondre aux objectifs climatiques.

À la clé, des opportunités d'orientation et d'emplois pour de nombreux lycéens et étudiants, qu'ils soient sensibilisés à l'environnement ou non.

La rénovation énergétique des bâtiments, secteur porteur

L'objectif de neutralité carbone en 2050 nécessitera de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 5% par an d'ici 2030, a chiffré le chef de l'État. "Pour atteindre cette trajectoire, l'investissement dans le bâtiment devra être significatif", pointe Cécile Jolly, économiste à France Stratégie et pilote de la prospective des métiers.

Concrètement, il n'est pas question de construire de nouveaux bâtiments qui consommeront peu d'énergie, mais de rénover le parc actuel, logements comme tertiaire (usines, bureaux, commerces, lycées, universités, etc.).

Cette rénovation à très grande échelle (jusqu'à un million de logements par an) nécessitera de nombreuses compétences, surtout du second œuvre. "Des ouvriers qualifiés comme des plombiers, électriciens, couvreurs, peintres ou maçons", énumère l'économiste, qui précise que "les profils multicompétences seront appréciés". Emmanuel Macron a également annoncé la formation de 30.000 installateurs de pompes à chaleur.

Avec eux, le secteur aura besoin de cadres du bâtiment, notamment des ingénieurs et des architectes. Les étudiants d'aujourd'hui ne sont pas les seuls concernés : de nombreux professionnels déjà en activité devront également se former.

Les métiers liés au boom des transports en commun et du vélo

Parmi les annonces chiffrées, Emmanuel Macron souhaite déployer 13 RER métropolitains dans les grandes villes de France. Cela nécessitera de la main-d’œuvre dans les domaines de la construction et de la logistique. En parallèle, le transport longue distance par rail aura besoin d'un "doublement de la main-d’œuvre d'ici 2050", précise Vinciane Martin, chargée de projet emploi au Shift Project. Ce qui correspond à "près de 40.000 ETP (équivalents temps plein) supplémentaires d'ici 2050".

Le fret ferroviaire et fluvial devra également se développer pour prévenir une réduction du transport de marchandises par camion. En parallèle, le métier de conducteur de poids lourds (et la logistique qui va avec) devrait donc être en perte de vitesse dans les prochaines années.

Malgré la volonté de produire un million de voitures électriques en France, des pertes d'emploi sont également à prévoir dans l'industrie automobile, notamment dans la maintenance et la vente. Mais "elles seront quasiment compensées par les mêmes métiers du côté du vélo", anticipe Vinciane Martin.

Ce secteur du vélo n'a d'ailleurs pas attendu 2030 pour filer comme sur des roulettes. "Les filières des mobilités douces se portent déjà très bien", confirme Antoine Amiel, fondateur de Learn Assembly, une société spécialisée dans la transformation de la formation et des compétences.

Réindustrialisation rime avec création d'emplois

Il rappelle que la tendance future sera aussi la réindustrialisation du pays, donc à "la création d'emplois dans tous les secteurs. Des métiers pas forcément 'verts' mais créés indirectement grâce aux enjeux de la transition écologique." De nombreux métiers de l'industrie et de l'administratif (acheteur, contrôleur de gestion, etc.) sont dans cette liste.

Qui dit réindustrialisation dit aussi besoins en électricité. Une hausse de "20% en 2050, qui va s'accompagner de besoins en production d'électricité bas-carbone, dans les énergies renouvelables et le nucléaire", précise Vinciane Martin.

Parmi les autres secteurs directement concernés par la transition écologique, on peut citer l'agriculture, le droit, la foresterie ou encore l'industrie du bois, dont le Shift Project estime qu'elle compensera les pertes probables dans l'industrie lourde (acier et béton).

Orientation et conditions de travail, clés de l'attractivité des métiers verts

Toutes ces estimations sur l'économie de la transition écologique ont été faites avant les annonces d'Emmanuel Macron, et se basent sur les objectifs climatiques que la France connaît depuis plusieurs années. Et si la feuille de route du gouvernement va dans le sens de ces trajectoires, les moyens ne sont pas suffisamment chiffrés pour les confirmer entièrement, alertent les spécialistes. D'autant que tout leur travail prend en compte une part de sobriété, que les observateurs comme Greenpeace ont jugé comme étant sous-estimée dans la planification écologique.

Aussi, "les chiffres sont théoriques", résume Antoine Amiel, car "les acteurs de l'économie ne changent pas aussi vite". Cela dépendra en réalité de l'ambition et du financement des politiques publiques. Pour lui, un autre grand enjeu est l'attractivité et les conditions de travail des métiers manuels notamment. "La transition écologique s'intègre dans une remise en question globale du rapport au travail", souligne-t-il.

Antoine Amiel alerte donc sur la nécessité de mieux orienter les lycéens et étudiants. Et rappelle que dans tous les cas, tous les métiers, et donc toutes les formations, devront se transformer et s'adapter à la transition écologique.

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