Portrait

Comment je suis devenu dessinateur de BD

Pour les dessinateurs de BD comme Paul Cauuet, les libraires sont très importants pour se faire connaître.
Pour les dessinateurs de BD comme Paul Cauuet, les libraires sont très importants pour se faire connaître. © Michel Sourget
Par Natacha Lefauconnier, publié le 03 février 2017
1 min

Paul Cauuet, 36 ans, n’a pas vu venir le succès. Mais avec 730.000 albums des “Vieux Fourneaux” vendus, force est de constater que ce dessinateur toulousain a séduit toutes les générations avec ses héros septuagénaires. Un pari loin d’être gagné au départ pour ce féru de dessin qui a quitté les bancs de la fac en milieu de licence.

Si Paul Cauuet (prononcez comme s’il n’y avait qu’un seul “u”) est devenu auteur de BD, ce n’est pas totalement par hasard. “J’ai toujours été celui qui dessinait bien dans la classe”, se remémore le dessinateur de 36 ans, qui dévorait alors les séries "Jeremiah" de Hermann ou "Peter Pan" de Régis Loisel... tout en analysant leurs planches pour s’en inspirer.

Aujourd’hui, Paul Cauuet est dessinateur et coloriste à temps plein : “La BD, c’est un vrai travail !”, s’exclame-t-il, tout en précisant qu’il ne travaille que sur un seul album à la fois. Dans un appartement en duplex niché sous les toits de Toulouse, ils sont huit artistes à se retrouver au cœur de “La Mine”, une structure associative qui propose ponctuellement des ateliers de bande dessinée au public.

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“Je suis au service d’une histoire”

Comment Paul Cauuet décrit-il son métier ? “Je suis au service d’une histoire. La bande dessinée, c’est avant tout un scénario. Je dois simplement faire en sorte que les lecteurs comprennent ce que le scénariste a voulu raconter.” Son complice du moment est Wilfried Lupano, scénariste de la série “Les Vieux Fourneaux”. L’auteur lui envoie sa copie une fois qu’elle est finie, découpée, et qu’il en est totalement satisfait. Le travail est ainsi déjà pré-mâché quand il parvient à Paul. “Le storyboard (le passage du texte aux cases de BD), c’est 70 % du boulot, explique-t-il. Le dessinateur doit veiller à réaliser des planches suffisamment claires pour que le lecteur ne se perde pas dans le cheminement.”

3 heures de dessin par semaine… en philo

Aujourd'hui, Paul Cauuet signe une centaine de dédicaces par jour. Une situation qu'il était loin d'imaginer au départ... Dès son enfance, pourtant, le "petit Paul" a bénéficié d’un terreau favorable. Son père – lui-même peintre et dessinateur – et sa mère l'ont encouragé dans cette voie artistique. Collégien, il obtient même un prix au niveau départemental. Pourtant, dans son lycée toulousain, il choisit la série scientifique, avec la spécialité maths.

“Je n’ai pas pris d’option arts plastiques, mais je faisais quand même trois heures de dessin par semaine… pendant les cours de philo ! avoue-t-il. C’était d'ailleurs la matière qu’il attendait avec impatience : “J’étais au fond de la classe avec un copain et on dessinait Lara Croft. Je crois que je n’ai noté que le premier cours de l’année !” rigole-t-il. Un manque d’assiduité qui s’est payé le jour du bac : Paul a récolté un 3/20 en philosophie… qu’il a repêché en allant à l’oral.

Recalé à la porte, il revient par la fenêtre

Lassé des matières scientifiques, il postule après le bac pour un BTS (brevet de technicien supérieur) audiovisuel au lycée des Arènes, à Toulouse. Son niveau en maths n’étant pas suffisant, il se tourne alors vers la filière arts plastiques de l’université Toulouse 2-Le Mirail (désormais université Toulouse-Jean Jaurès).

Son dossier de candidature n’est pas retenu… Qu’importe ! Paul Cauuet se rend tout de même aux oraux sans être convoqué. “Tous les autres avaient des grands classeurs à dessin, des peintures… Et moi j’étais là, les mains dans les poches, à attendre pendant des heures de pouvoir parler au directeur de l’UFR. J’étais mort de trouille.” Finalement, son entêtement paie : ledit directeur lui donne à lire “un pavé sur les arts plastiques” pendant l’été et dit à Paul de revenir en septembre.

Mais sa première année de licence arts plastiques ne l’enchante pas plus que ça : il quitte les bancs de la fac en février… avant de se réinscrire à la rentrée suivante. “Je n’avais pas de très bonnes notes théoriques, mais mes notes pratiques compensaient. D’autant que j’ai eu un super prof : c’est là que j’ai vraiment appris à dessiner.”

Au cours de cette année 1999, il rencontre également "un gars qui avait un scénario de BD et cherchait un dessinateur : c’était Guillaume Clavery. Il avait 27 ans et moi 19, mais on est tout de suite devenus copains.”

Premières planches et première publication

Au cours de sa L2, Paul lâche peu à peu ses études, “car il n’y avait plus de cours de dessin”. Son statut d’étudiant lui permet d’avoir un job de surveillant à mi-temps. Cela lui laisse tout le loisir de travailler à ses premières planches de bande dessinée.

Un projet d’heroic fantasy développé avec Guillaume Clavery prend forme. Fin 2001, les deux jeunes gens l’envoient à plusieurs éditeurs : Dargaud, Delcourt, Soleil... “On avait fait une belle maquette, avec une couverture semi-rigide, se souvient Paul Cauuet. Et comme on était un peu paranoïaques, on l’avait déposée à l’INPI [Institut national de la propriété industrielle]. On se l’était même envoyée à nous-mêmes en recommandé sans l’ouvrir : il paraît que cela constitue une preuve de l’originalité d’une œuvre !”

Plusieurs réponses leur parviennent au bout d’une semaine. Le rendez-vous est pris avec les éditions Delcourt au Festival international de la bande dessinée de 2002, à Angoulême. L’album sera publié en 2003, sous la forme d’une série en quatre tomes intitulée “Aster”.

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“Marre de l’hégémonie de la jeunesse dans les BD”

Quelques temps plus tard, il fait la connaissance de Wilfried Lupano. “Il m’a proposé le scénario de "L’Honneur des Tzarom", une histoire en deux tomes publiée chez Delcourt. Elle n’a pas rencontré le public, mais on s’est bien marré”, résume Paul. 

Finalement, les deux amis rencontrent le succès en 2014, avec la parution du premier volume des "Vieux Fourneaux". “On voulait que la famille soit le noyau de l’histoire… et on en avait marre de l’hégémonie de la jeunesse dans les BD. C'est pourquoi on a choisi des vieux, auxquels je me suis efforcé de donner des gueules attachantes”, détaille le dessinateur.

Cette comédie sociale suscite l'enthousiasme. Alors, à quoi tient le succès ? “Sans doute à une certaine originalité, et le fait que l’histoire parle à tout le monde, même aux lecteurs qui ne sont pas forcément amateurs de BD”, propose Paul Cauuet.

Pari gagné : les trois tomes déjà parus depuis 2014 totalisent 730.000 exemplaires vendus (en France, Belgique, Suisse et Canada). Le dernier album de la série est attendu pour novembre 2017.

Le parcours de Paul Cauuet en 5 dates 

Juillet 1998
Obtient son bac S à Toulouse.

1998-2001
Suit les cours de L1 et L2 arts plastiques à l'université Toulouse 2 - Le Mirail.

2003
"Aster", avec Guillaume Clavery : première bande dessinée publiée (éditions Delcourt). 

2014
"Les Vieux Fourneaux", avec Wilfried Lupano : deux tomes parus dans l'année (éditions Dargaud). 

2015
"Les Vieux Fourneaux", tome 3, avec Wilfried Lupano (éditions Dargaud). 

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