Portrait

Comment je suis devenue podologue

Lucile Daveo, podologue
Lucile Daveo, 27 ans, a installé son cabinet de podologie un an après l'obtention de son diplôme. © Photo fournie par le témoin
Par Nathalie Helal, publié le 11 juillet 2019
7 min

À 27 ans, Lucile possède depuis quatre ans son propre cabinet de pédicure-podologue, déjà réputé. Des années de travail acharné, y compris dans des jobs provisoires, lui ont permis, après son diplôme, de se mettre à son compte sans traîner.

8 h 30. À deux pas du métro Jean-Jaurès, à Boulogne-Billancourt, dans son cabinet, Lucile vient d’accueillir sa première cliente, une dame âgée aux ongles incarnés qui lui rend visite tous les mois. 45 minutes plus tard, c’est au tour d’un jeune homme, auquel Lucile redonne des "pieds de bébé" avec ses instruments et son savoir-faire. Toute la journée, elle enchaîne les rendez-vous, espacés de plus d’une demi-heure, car elle privilégie l’accueil et l’écoute de sa patientèle. Une bienveillance qui lui vaut d’être, parmi la trentaine de podologues de la ville, une de celles dont le nom et l’adresse se transmettent volontiers de bouche-à-oreille.

La tentation de la kinésithérapie

Rien ne prédisposait pourtant la jeune femme à exercer ce métier : très bonne élève au collège Maison-Blanche à Clamart, ses notes dégringolent à son entrée au lycée Jacques-Monod. Bonne en maths et en SVT (sciences de la vie et de la Terre), elle décroche néanmoins son bac S en 2010, sans avoir d’idée précise de son orientation future. "Au départ, j’ai pensé à devenir kiné, parce que la biologie me plaisait bien. Je me suis inscrite en prépa au lycée Sophie-Barat, à Chatenay-Malabry, parce que les tarifs étaient beaucoup plus raisonnables que les prépas parisiennes", raconte Lucile.

"Kiné" et "podologie" sont les deux spécialités enseignées par la prépa, car l’épreuve est la même au concours, à l’exception de la physique, de la chimie et de la bio pour la kiné. Très vite, Lucile réalise que ses lacunes en physique-chimie ne lui permettront pas de choisir cette discipline. En accord avec ses profs, elle poursuit la prépa et se destine alors à la podologie, au rythme de 3 heures de cours par jour, et de pas mal de révisions en solo. En avril 2011, elle passe les fameux concours : "J’en ai tentés sept en tout, et j’ai décroché Toulouse, plus trois écoles parisiennes. Mon choix s’est porté sur Paris, surtout pour rester près de mon copain", avoue-t-elle.

Elle intègre l’Ecole Danhier, située à l’époque rue de Liège, dans le IXe arrondissement de Paris. "En 1re année, la théorie est plus importante que la pratique : anatomie, ostéologie, myologie, apprentissage des examens cliniques, bilans musculaires… des éléments qu’on approfondit en 2e et 3e années, à l’aide de nombreux stages, en maisons de retraite ou à l’hôpital".

Soulager les patients de leurs douleurs

Son premier soin, dispensé justement en maison de retraite, lui laisse un souvenir amer : un patient, à l'hygiène douteuse et plutôt désagréable, lui fait un instant douter de sa vocation. "J’ai heureusement compris que le problème de fond était la prise en charge - aléatoire - des personnes âgées. Cela dit, l’hygiène est souvent préoccupante dans mon métier. Mais j’ai tendance à penser qu’on s’habitue à tout ! J’ai même développé quelques petites astuces personnelles pour m’aider à supporter les odeurs, comme un roll-on de parfum dans mon masque !", sourit-elle. En plus des stages, Lucile assiste à trois opérations au bloc, en gériatrie et chirurgie orthopédique, qui la marquent et la confortent dans son envie de soulager les patients de leurs douleurs.

Diplômée en juin 2014, elle est engagée dès le mois suivant par l'un de ses profs, qui possède un cabinet médical à Nanterre. À 22 ans, elle est remplaçante d’un podologue confirmé, dont elle doit gérer la patientèle, pas toujours facile. Malgré une expérience déstabilisante avec un patient agressif, elle décide, sitôt sa mission achevée, de chercher un cabinet à racheter. "Pas question pour moi d’enchaîner les remplacements, même si beaucoup de mes collègues le font et que cela rapporte ! Je voulais être chez moi, mais je n’arrivais pas à trouver des locaux satisfaisants, alors j’ai choisi de partir sur une création."

Une installation rapide en libéral

Fin 2014, j’ai déniché à Boulogne un entresol dans un grand immeuble. J’ai dû emprunter 35.000 €, entre local et matériel à acheter. "Bien qu’elle ait des patients dès le premier jour, Lucile doit trouver des jobs d’appoint pour payer ses charges : le dimanche matin, elle vend des fruits et légumes sur les marchés et elle travaille aux 35 heures comme assistante-dentaire à Clamart. "Quand on débute, on travaille à n’importe quelle heure ! J’ai travaillé pendant six mois au marché, neuf mois au cabinet dentaire, mais du coup, j’ai pu rembourser une bonne partie de mon crédit", souligne la jeune femme.

En 2016, elle commence à gagner enfin sa vie, mais, toujours prudente, garde une "poire pour la soif" : des cours de gym dispensés aux enfants le samedi matin et des baby-sittings. Aujourd’hui, forte d’une patientèle importante et variée, qu’elle adore chouchouter, Lucile ne compte pas ses heures. Les charges, nombreuses, ne lui permettent pas de se sentir totalement sereine. C’est pourquoi le conseil d’économiser de l’argent au maximum est celui qu’elle donne spontanément à ceux ou celles qui voudraient suivre sa voie. "Et aussi, se lancer, foncer, mais rester pro, c’est-à-dire, pas trop "friendly" avec les clients", assène-t-elle. Pro, jusqu’au bout des orteils.

Lucile Daveo en 5 dates

7 juillet 1992 : Naissance à Saint-Cloud
Juillet 2010 : Bac S
Septembre 2011 : Intègre l’Ecole de pédicurie-podologie Danhier à Paris
Juin 2014 : Diplômée d’Etat en pédicurie-podologie
1er mars 2015 : ouvre son cabinet à Boulogne-Billancourt (92)
Comment devenir podologue ?

Un bac S est fortement recommandé car la formation se déroule dans une école de pédicurie-podologie, accessible sur concours, généralement après une année de prépa. Une première année en fac de médecine est aussi parfois requise pour accéder aux écoles. Une expérience professionnelle de cinq ans minimum permet à ceux qui le souhaitent de passer le concours d’entrée aux écoles de pédicurie-podologie.
Salaire : entre 1.500 et 2.000 € nets mensuels environ.

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