Portrait

Réalisatrice : le métier du rêve à la réalité

Par Nathalie Helal, publié le 29 janvier 2019
9 min

Clothilde, 20 ans, étudiante à l’ESRA, rêve d’exercer le métier de réalisatrice pour le cinéma. Pauline, 43 ans, réalisatrice d’émissions de télévision, nous raconte, quant à elle, les réalités de la profession.

L’étudiant

Pour Clothilde, 20 ans, étudiante à l’ESRA, en section réalisation : "J’ai 20 ans et je suis actuellement en troisième et dernière année d’études à l’ESRA [École supérieure de réalisation audiovisuelle], à Paris. Je dois dire que je suis chanceuse, car je n’ai pas eu à me poser dix mille questions sur mon orientation. C’est clair, je veux être réalisatrice de cinéma. Quand j’étais petite, ma mère me montrait, à mes frères et sœurs et à moi, énormément de films : des films cultes, des films historiques, des films comiques, des adaptations de grands classiques de la littérature… On les louait à la médiathèque et on les regardait en famille. À cette époque-là, je voulais faire plein de métiers, comme tous les enfants. Je n’avais par conséquent pas d’idée très précise de mon orientation.

J’ai choisi un cursus normal dans un lycée privé à Strasbourg, avec option cinéma, par curiosité et aussi parce que j’avais un excellent souvenir de ma classe de quatrième et d’une première approche filmique : notre prof d’anglais nous avait demandé de tourner un petit film d’horreur, avec des dialogues en anglais, et cela avait été la grosse rigolade. Cela m’a vraiment donné envie de renouveler l’expérience.

En seconde, en 2014, Faruk Günaltay, le directeur d’un cinéma d’art et d’essai L’Odyssée à Strasbourg – dont je suis originaire –, nous enseigne le cinéma. Cet homme est génial, passionné, un vrai amoureux de la discipline, et il a emmené tous ses élèves au festival de Cannes. En première, l’option est renforcée et j’ai huit heures de cours par semaine. Là, nous avons un professeur de cinéma, Vincent Grossmann, qui fait tout pour révolutionner l’option. Il nous booste et organise des activités en parallèle avec des salles de cinéma à taille humaine. Ses cours sont si passionnants que je réalise qu’il n’est plus question pour moi de faire autre chose !"

"Au départ, je n’avais envisagé le cinéma que comme un hobby. Je voulais être avocate, pour une question de sécurité financière. Il me fallait un travail qui rapporte. Et là, je comprends que le cinéma est la plus belle manière de s’exprimer. C’est beaucoup plus qu’un divertissement, c’est un art populaire qui permet de toucher profondément quelqu’un avec des émotions.

Par chance, mes parents m’ont tout de suite soutenue. Ce qui n’est pas courant, c’est d’avoir des parents qui te disent : "Tu es sûre de vouloir être avocate ? Tu ne préfères pas travailler dans le cinéma ?" Ils me paient mes études et me soutiennent avec enthousiasme depuis le début. J’ai donc intégré l’ESRA en octobre 2016, après avoir passé un concours en avril, juste avant le bac. Le diplôme est reconnu par l’État, il équivaut à une licence.

En section réalisation, c’est à nous d’aller voir les gens et de rechercher les contacts. Bien sûr, l’école a un super carnet d’adresses, mais il ne faut pas hésiter à enchaîner les stages, faire de l’assistanat, etc. J’ai travaillé, par exemple, quinze jours au festival de Cannes, et comme stagiaire sur plusieurs longs-métrages. À côté, je peaufine mes projets perso, j’écris des scénarios, j’ai déjà réalisé deux courts-métrages, et je me suis donnée à fond pour auto-produire mon futur long-métrage ! Je sais pertinemment que ce n’est pas un métier facile. Nos professeurs nous racontent leur expérience, leurs galères sur les tournages, et nous enseignent comment trouver des compromis quand nos projets ne sont pas faisables avec nos moyens. Je me sens prête !"

Le professionnel

Pour Pauline, 43 ans, réalisatrice d’émissions de télévision : "Je suis née dans le XVIe arrondissement de Paris, dans une famille très… 'XVIe' ! Disons en résumé que je n’étais pas programmée pour ce métier… L’histoire commence en 1993. Je suis alors élève de terminale A2 [l’actuel bac L], au lycée Janson-de-Sailly, rue de la Pompe à Paris. Dès que j’ai un moment libre, je vais assister à des tournages ou à des directs d’émissions dans la boîte de production de Christophe Dechavanne, quelques rues plus loin. Je me glisse dans le public et j’observe tout. Les caméras, la lumière, le son, le show et le travail d’équipe me fascinent, mais je n’ai aucun contact dans ce milieu. Il y a de grandes chances que j’atterrisse à Dauphine ou à Assas, en droit ou en langues, mais je n’en ai pas envie.

Un jour, en discutant avec la conseillère d’orientation, j’apprends qu’il existe des écoles de réalisation. Elle me tend une brochure, je la prends et je me rends avec ma mère aux journées portes ouvertes de l’ESRA en mars, quelques mois avant le bac. Je suis excitée comme une puce, je sais que c’est là que je dois et que je veux être. Mais, peut-être par timidité, je pars buller en fac, en LEA (anglais-italien) à la Sorbonne. Cela dure six mois pendant lesquels je perds mon temps, puis je passe le concours d’entrée de l’école, que j’intègre en septembre 1994. On part tous ensemble en classe d’intégration sur l’île de Ré, et je suis celle qui s’intègre le mieux, on me confie même les clés du bureau des élèves ! Là-dessus, j’enchaîne sur trois ans de spécialisation en réalisation vidéo. Dès que je réalise mon premier plateau, à l’école, je comprends que je ferai cela toute ma vie : j’aime la télé pour l’instantanéité, la spontanéité, l’adrénaline de l’instant. J’aime le cinéma naturellement, mais c’est un art qui me paraît trop complexe, avec beaucoup de paramètres différents. J’aime voir le résultat concret rapidement. Dès ma ­deuxième année d’études, je me mets à travailler, sur 'Bouillon de Culture' de Bernard Pivot."

"En fait, j’ai toujours travaillé, en multipliant les boulots. Après l’école, j’ai décroché un poste à Fun TV, la version filmée de Fun radio, du groupe M6. Avec des potes, on a créé le “Morning live”, entre autres. On était une bande de jeunes qui développait ses propres émissions de contenus générationnels. C’était incroyable, libre, drôle !

Depuis vingt ans, je travaille tout le temps, je réalise toutes sortes d’émissions. Être une femme dans ce milieu n’est pas courant : on n’est, je crois, que quatre ou cinq parmi les réalisateurs. C’est un métier de responsabilités et de management, où l’on préfère confier la gestion aux hommes. On n’est en tout cas jamais là par hasard : il faut avoir la fibre du travail d’équipe. On a de nombreux employeurs, on apprend en permanence et on ne s’ennuie jamais, parce qu’on ne refait jamais la même chose.

Dans ce métier, on croise une diversité des gens uniques ! Je ne suis pas mariée, je n’ai pas d’enfants, mais je suis extrêmement heureuse et épanouie. Je gagne très bien ma vie et je viens de monter ma propre boîte de production après avoir été longtemps intermittente du spectacle. Mes conseils à ceux ou celles qui voudraient se lancer ? Avoir toujours l’œil ouvert sur les nouvelles technologies, se servir parfois de vieilles recettes pour que tout le monde s’y retrouve, sans brusquer ou révolutionner le PAF [paysage audiovisuel français] pour se renouveler, et ne pas vouloir aller plus vite que la musique. Ne pas oublier que les codes sont longs à évoluer : lumière, ton, graphisme, habillage… Et surtout être sûr de soi, patient et à l’écoute !"

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