Reportage

Ecoles d'art : au cœur d'un cours de modélisme à l'heure du Covid-19

Après une partie de l'année de terminale à distance, les néo-étudiants doivent découvrir un cursus inédit dans un contexte compliqué.
Après une partie de l'année de terminale à distance, les néo-étudiants doivent découvrir un cursus inédit dans un contexte compliqué. © Pauline Bluteau
Par Pauline Bluteau, publié le 16 novembre 2020
7 min

Comme la plupart des étudiants en art, les élèves de l'Institut supérieur des arts appliqués (LISAA) continuent de suivre certains de leurs travaux pratiques en présentiel. Et ce, malgré le reconfinement. L'Etudiant est donc parti à leur rencontre, l'occasion d'en savoir un peu plus sur leur ressenti.

À LISAA, la salle de classe est studieuse : les explications de l’enseignante s’enchainent, les étudiants, debout autour du tableau, prennent des notes. Pendant ce cours de modélisme, les étudiants doivent apprendre, pas à pas, à confectionner une jupe droite. Ce jour-là, ils s’attellent à la couture d’un zip. "Ça n’a pas l’air difficile quand on suit bien toutes les étapes mais une fois qu’on est devant la machine à coudre, ça se complique", estime Mélinda, 18 ans.

Le cours de modélisme commence par quelques instructions.
Le cours de modélisme commence par quelques instructions. © Pauline Bluteau

Un cours presque comme un autre

À première vue, le cours ressemble à ce qu’il y a de plus classique. Seuls la présence des masques, du gel hydroalcoolique et des affiches indiquant les capacités maximales d’accueil à respecter rappellent bien la crise sanitaire. Autant de consignes qui ne semblent même plus perturber le déroulement du cours.

À un détail près… Au bout de quelques minutes, les étudiants rejoignent leur machine à coudre. De son côté, la professeure, Solène Barrière, semble s'adresser directement à son écran d'ordinateur : "Est-ce que vous voyez le tableau ? Est-ce que vous avez des questions ?" Une autre conséquence de la crise sanitaire : parmi les 27 élèves de première année de bachelor Stylisme, six sont à distance. "Soit parce qu’ils ont préféré retourner chez leurs parents pour le confinement, soit parce qu’ils sont cas contact ou malades, précise l’enseignante. On s’adapte à toutes les situations !"

Trouver son rythme entre le présentiel et le distanciel

De l'adaptation, il en faut ! Un mois et demi après leur rentrée et depuis le reconfinement, les étudiants en première année ne viennent plus qu’une seule journée par semaine à LISAA. Assise au fond de la classe à côté d'une autre étudiante, bouts de tissus à la main, Léïna, 18 ans l'admet : revenir en cours pendant le confinement est indispensable. "Déjà pour se voir entre nous mais aussi pour pouvoir échanger avec les profs."

L’étudiante, qui a déjà passé une partie de son année de terminale à distance, enchaine sa première année d’études supérieures dans des conditions une fois de plus particulières. "J’ai l’impression d’avoir passé mon année à la maison, s’exclame-t-elle, avec un sourire qui laisse vite place à l'agacement. Pour le bac, c’était gérable mais là, je trouve ça plus compliqué. Tout est nouveau, on a tout à apprendre. Je n’arrive pas trouver mon nouveau rythme de travail parce qu’il y a beaucoup de rendus et je ne sais pas comment je dois m’organiser."

Concentration maximum pour les étudiants qui apprennent tout juste à se servir d'une machine à coudre.
Concentration maximum pour les étudiants qui apprennent tout juste à se servir d'une machine à coudre. © Pauline Bluteau

Un sentiment qui semble partagé par la plupart des étudiants. Dans une formation où la pratique occupe une place prépondérante, difficile d’apprendre les bases loin de leurs enseignants. "On a des cours qui durent trois ou quatre heures d’affilée, je n’arrive pas du tout à rester concentré derrière mon ordinateur", avoue David, 20 ans, entre deux coups de machine à coudre. Aujourd’hui, seul le cours de modélisme s’effectue en présentiel. Le reste (infographie, stylisme, textile, marketing, anglais…) se passe par écrans interposés.

Mélinda, très concentrée sur la couture de son zip, se dit elle aussi perplexe face à cette organisation. "La plupart du temps, le prof nous montre et on doit coudre en même temps à distance. Mais c’est difficile de suivre et de savoir si on a la bonne technique, si on a bien suivi les consignes parce qu’on ne peut pas vraiment montrer l’avancée de nos travaux." L’étudiante profite donc de sa seule journée en présentiel pour ramener tous ses projets et faire le point. "La semaine dernière, avant de passer à la découpe d’une de mes pièces, j’ai ramené mes patrons et la prof a pu m’expliquer directement les erreurs que j’avais fait. Cela évite de devoir tout recommencer."

C'est l'une des étapes pour confectionner la jupe : apprendre à coudre le zip.
C'est l'une des étapes pour confectionner la jupe : apprendre à coudre le zip. © Pauline Bluteau

Autonomie et adaptabilité

Car confinement ou non, le programme reste le même en première année. Les étudiants à distance sont évalués comme les autres, l'enseignante reste tout autant exigeante : "Ils rendent les mêmes travaux, à la différence qu’ils les envoient par La Poste." Mais au-delà de la formation, la crise a tout de même poussé les enseignants à développer un suivi plus personnalisé des étudiants : "On fait très attention aux élèves restés à distance pour éviter qu’ils ne décrochent ou qu’ils prennent du retard. On est également attentif à leur bien-être et au caractère psychologique. Ils doivent se sentir accompagnés parce qu’ils sont parfois très isolés", confie Solène Barrière.
Pour les étudiants, le cours en présentiel est l'occasion de partager leurs techniques.
Pour les étudiants, le cours en présentiel est l'occasion de partager leurs techniques. © Pauline Bluteau
De leur côté, les étudiants affirment que ce confinement leur a justement permis de se montrer plus soudés. D’après eux, l’entraide est même devenue indispensable pour pouvoir gérer cette période de crise. "En ce moment, c’est la mode de la couture, quand certains de nos fournisseurs sont fermés, les autres n’ont plus assez de stocks. Pas toujours évident de trouver le matériel dont on a besoin pour travailler alors on fait des échanges entre nous, on fait comme on peut, on n’a pas le choix !", s'amuse Leïna. La preuve pendant le cours où les étudiants passent de table en table, ou plutôt de machine en machine, pour se donner quelques conseils. "Je suis coincée à l'étape 4, tu as fait quoi après ? Retire ton aiguille de la machine… complètement ! Maintenant ouvre le zip, c'est bon !", se glisse un binôme d'étudiantes.

Malgré tout, cette entraide n'est pas toujours suffisante. Selon Léïna, cette façon de travailler à ses limites : "J’ai la sensation que le gouvernement a oublié les étudiants en art À l’inverse des étudiants à l’université, on a besoin d'être davantage en classe pour progresser. Il faut espérer que la crise ne s’éternise pas…"

Trêve de bavardages, après une heure de cours, tous les étudiants ont plus ou moins bien avancé sur leur zip. Retour au tableau pour attaquer une partie plus technique : la ceinture de la jupe. "Vous verrez quand vous aurez le tissu entre vos mains, ce serait plus évident, au travail !", conclut l’enseignante.

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