Écoles de mode : le palmarès des pros

L’Etudiant a demandé aux professionnels de la mode, notamment aux directeurs de collection, de dévoiler leurs coups de cœur en matière de formation. Nous avons ensuite passé au crible les écoles de stylisme les plus réputées. En termes de pédagogie et de programme, voici leurs atouts.
Vous rêvez de créer des tendances, de dessiner des silhouettes et des collections, d’œuvrer dans les coulisses d’un défilé de mode ? Bonne nouvelle, ce plan de carrière est à la fois réaliste et judicieux ! En effet, une étude, publiée par le très sérieux observatoire économique de l’IFM (Institut français de la mode) révèle que les entreprises françaises sont les leaders mondiaux des industries de la mode. Plus importantes encore que l’automobile et l’aéronautique, ces industries hexagonales représentent pas moins d’un million d’emplois.
Si les cursus qui forment aux métiers de styliste (dessiner les formes), modéliste (mettre en volume) et designer textile (travailler la couleur, la broderie, les motifs) sont nombreux, seule une petite poignée d’entre eux fait l’unanimité – ou presque – auprès des professionnels. Voici ce qui vous attend dans ces parcours de haute volée.
Le top 10 des écoles de stylisme et de modélisme
Quelles sont les meilleures écoles ? Pour répondre à cette question, voici les dix établissements qui ont obtenu le plus de points dans notre enquête. Les cinq premiers brillent par leur notoriété et la qualité de leurs cursus.
Écoles |
Nombre de points |
Nombre de citations "écoles préférées" |
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56 |
14 |
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55 |
18 |
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50 |
8 |
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49 |
11 |
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35 |
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31 |
6 |
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ECSCP (École de la chambre syndicale de la couture parisienne), Paris |
29 |
11 |
27 |
0 |
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26 |
11 |
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24 |
1 |
L’IFM, l’école coup de cœur des pros
L’Institut français de la mode monte sur la première marche du podium de notre classement. Les professionnels interrogés s’entendent pour dire que cette institution parisienne, créée en 1986, occupe une place à part dans le paysage des écoles de mode françaises. Beaucoup d’éléments distinguent ses cursus professionnalisants, à commencer par son mode de recrutement. En effet, l’institut n’ouvre ses portes qu’aux titulaires d’un bac+4/5. Précisons toutefois que, dans le cadre de leur fusion, l’IFM et l’ECSCP (École de la chambre syndicale de la couture parisienne) proposeront, dès septembre 2019, un large panel de formations, allant du CAP (certificat d’aptitude professionnelle) au bac+5.
Le cursus en création se décline en trois majeures : vêtement, accessoires et image (image de marque, communication, journalisme). Particulièrement réputé, le programme de management forme notamment aux métiers de merchandiser, chef de produit, responsable de production ou de communication. Les jeunes diplômés intègrent des entreprises de luxe (Hermès, Louis Vuitton, Dior), des groupes de prêt-à-porter tel SMCP (Sandro-Maje- Claudie-Pierlot), de petites marques émergentes ou l’univers de la beauté (L’Oréal, Estée Lauder). Certains d’entre eux créent leur propre structure après deux ou trois ans d’activité professionnelle.
Dans les jupons des entreprises
Tout au long de leur cursus, les étudiants travaillent sur des cas réels d’entreprise. Cette année, Lancôme (dans le giron de L’Oréal) a lancé le défi suivant : inventer le nouveau parfum féminin des millennials, cette génération née entre les années 1980 et 2000. Dans ce cadre-là, les futurs managers ont été amenés à concevoir le parfum en atelier olfactif, imaginer un nom, concevoir une stratégie marketing et une campagne de communication. Ce qu’on appelle une réflexion à 360 degrés.

Ces projets communs, proposés par des maisons de luxe tel le chausseur JM Weston, regroupent les managers de l’IFM, les codeurs de l’École 42, les designers de l’ENSCI (École nationale supérieure de la création industrielle) et/ou les artisans bottiers ou tapissiers des Compagnons du devoir.
Citons enfin les voyages d’études, un grand classique des écoles de stylisme pour enseigner le processus de fabrication des produits. À l’IFM, chaque promotion visite trois ou quatre entreprises de textile ou de maroquinerie françaises. "En moyenne, un élève rencontre une centaine de professionnels pendant son cursus", assure Françoise Sackrider.
École de mode, mais pas seulement
Si certaines écoles – comme l’IFM – se cantonnent à la mode, d’autres offrent des cursus pluridisciplinaires. C’est le cas de quatre écoles publiques parisiennes présentes dans ce classement : l’ENSAD (École nationale supérieure des arts décoratifs, ou les "Arts-Déco"), l’École Duperré, l’ENSCI (École nationale supérieure de création industrielle), et l’ENSAAMA Olivier-de-Serres.
À l’ENSAD, par exemple, les étudiants se spécialisent en deuxième année, après une première année pluridisciplinaire. Ils ont alors le choix parmi dix spécialités, dont : design vêtement, design textile et matière (textile pour le vêtement, l’ameublement, l’automobile, l’aviation), mais aussi cinéma d’animation et photo-vidéo.
Ceux qui revoient leur projet d’études après un an de cours ne sont pas rares. "La première année a pour objectif d’ouvrir le champ des possibles en termes de pratiques artistiques et de débouchés professionnels", résume Julien Bohdanowicz, le directeur des études et de la recherche. Il ajoute : "On retrouve cette pluridisciplinarité tout au long de la formation. Elle permet aussi et surtout d’inventer des matières et des usages, bref d’innover."

Des premiers workshops au "grand projet" de cinquième année (la création d’une collection, le plus souvent), les étudiants disposent d’une petite vingtaine d’ateliers techniques : bois, métal, tissage (15 métiers à tisser) et la maille (17 machines à tricoter).
Le DNMADE, un nouveau diplôme pour les métiers d’art et de design
L’École Duperré est aussi un établissement parisien pluriel menant à des métiers aussi divers que graphiste, architecte d’intérieur, designer culinaire et styliste. À partir de la rentrée prochaine, l’établissement délivrera un DNMADE (diplôme national des métiers d’art et du design) mention mode, accessible à tous les bacheliers. Ce nouveau diplôme postbac doté du grade de licence se déclinera en trois parcours : collection vêtement et accessoire ; savoir-faire, luxe et innovation (broderie, tapisserie, tissage pour le secteur du luxe essentiellement) ; stylisme, image-médiation (conception de défilé, événementiel, photographie et journalisme de mode).
L’apprentissage technique se fera en atelier, avec des enseignants de l’Éducation nationale et des intervenants extérieurs. Citons notamment les ateliers broderie, sérigraphie, tapisserie et tissage. Un stage d’au moins trois mois sera obligatoire entre la deuxième et la troisième année de la formation. Comme le rappelle la proviseure, Annie Toulzat, l’École Duperré se donne pour ambition, via ses cursus mode, de "former des directeurs artistiques en mesure de créer des tendances et des collections, maîtrisant suffisamment bien la technique pour connaître les conditions de réalisation de leurs propositions". Les débouchés sont nombreux : le vêtement de luxe, le prêt-à-porter, les accessoires, la lingerie, et même l’univers de la maison.
Des formations stylées en province
Esmod, l’Atelier Chardon-Savard et LISAA sont les trois seuls établissements de notre top 10 à disposer de campus hors de Paris.
Comme dans beaucoup d’école, le "projet défilé" est l’un des moments les plus attendus de l’année. Les étudiants sont réunis par équipe de cinq à quinze stylistes, avant d’être jetés dans le grand bain. Ils doivent tout faire ou presque, du recrutement des mannequins amateurs à la création des silhouettes (vêtement, accessoires, maquillage, coiffure). La pression est énorme. Près d’un millier d’invités sont attendus chaque année.
À LISAA Paris et Nantes, les étudiants du Bachelor styliste-designer textile suivent un cours à la fois original et étonnant intitulé "processus créatif et stylisme". Il vise à développer la créativité des futurs professionnels, comme nous l’explique Anne Balas-Klein, la directrice de l’école de mode parisienne : "L’inspiration ne vient pas en regardant le plafond. Nos étudiants sont donc entraînés à faire germer des idées, pour une collection par exemple, à partir d’éléments préexistants comme un film, une musique ou une œuvre d’art."
L’international n’est pas accessoire
"Le savoir-faire français s’exporte, et le prêt-à-porter est très souvent fabriqué à l’étranger", observe Gabriela Alvarez, la directrice de l’Atelier Chardon-Savard de Nantes. En d’autres termes : l’international n’est pas une option, pour ceux qui rêvent d’ailleurs comme pour ceux qui visent une carrière en France. Cela tombe plutôt bien, les portes des écoles de stylisme sont grandes ouvertes sur le monde. L’IFM compte ainsi 40 % d’étudiants étrangers.
Parmi les "classiques", citons les cours d’anglais professionnel (commenter un défilé par exemple), ainsi que les séjours d’études hors de l’Hexagone. D’une durée moyenne de dix jours, ils sont souvent payants, et donc rarement obligatoires. L’ENSAD, par exemple, compte plus de 120 universités et écoles partenaires. Parmi les destinations préférées en quatrième année, citons le Brésil, la Chine, les États-Unis, l’Inde et le Japon. L’objectif : explorer l’écosystème local de la mode, c’est-à-dire les studios et les agences de création, les boutiques, les usines et les écoles. Les étudiants de LISAA ont, quant à eux, la possibilité de découvrir les techniques de broderie et d’impression indiennes, à Delhi et à Jaipur.
Des candidatures sur Skype…
"Un bon coup de crayon est un plus, mais certainement pas une condition sine qua non", tient à préciser Gabriela Alvarez de l’Atelier Chardon-Savard de Nantes. Autrement dit, il est tout à fait possible d’intégrer une école de mode sans savoir dessiner. La raison à cela est simple : pour un créateur, le dessin n’est pas une fin en soi mais un outil de travail, un moyen rapide et visuel pour faire passer une idée à des collaborateurs.

… ou sur épreuve de création
Les étudiants admissibles ne sont pas au bout de leur peine. Ils sont conviés à "une épreuve écrite d’analyse et de réflexion à partir d’une image [tableau, photographie, image tirée d’un film], une épreuve de création sur table et un entretien avec le jury [trois enseignants de l’école]." À la fois attendue et redoutée, l’épreuve de création sur table laisse libre cours à l’imagination. La session 2017 invitait ainsi, en deux heures et demie, à "créer une bannière pour sensibiliser à une idée ou à un événement vital". Les candidats pouvaient apporter ciseaux, règle graduée, marqueurs, peinture, ficelle et ruban adhésif. Seul un morceau de toile blanche en coton leur était fourni.
En moyenne, 80 des 2.000 inscrits sont chaque année admis en première année à l’ENSAD. La majorité de ces heureux élus ne sont pas directement issus du baccalauréat, mais d’une classe préparatoire aux écoles d’art ou d’une première formation. Ces données statistiques ne doivent pas vous décourager, attendu que la plupart des écoles de mode ne sont pas aussi sélectives. Ce dossier répertorie près d’une centaine de formations. Vous devriez trouver chaussure à votre pied.
"Doter la France d’une école de mode de référence mondiale", telle est l’ambition de la fusion entre l’IFM (Institut français de la mode) et l’ECSCP (École de la chambre syndicale de la couture parisienne). Ce nouvel ensemble se réappropriera les locaux de la Cité de la mode et du design (sur les quais de Seine, à Paris), ainsi que le nom de l’IFM. Il dispensera diverses formations du CAP (certificat d’aptitude professionnelle) au bac+5 et accueillera sa première promotion en septembre 2019. Deux nouveaux programmes en création de mode verront le jour à cette occasion : un Bachelor en trois ans (en français ou en anglais) ainsi qu’un master en deux ans (en anglais).