Décryptage

Les étudiants en soins infirmiers au cœur de la bataille contre le coronavirus

En pleine pandémie du Covid-19, les étudiants en soins infirmiers, sur le front, dénoncent un manque de matériel et un souci de reconnaissance.
En pleine pandémie du Covid-19, les étudiants en soins infirmiers, sur le front, dénoncent un manque de matériel et un souci de reconnaissance. © Eric Gaillard / REUTERS
Par Mersiha Nezic, publié le 21 avril 2020
5 min

Considérés comme stagiaires, les étudiants en soins infirmiers travaillent dans les unités Covid-19 des hôpitaux partout en France. Ils se mobilisent dans la crise sanitaire dans des établissements sur le pied de guerre et ils dénoncent le manque de matériel de protection.

"On court partout. Avec de moins en moins de soignants dans le service car la plupart sont en arrêt maladie après avoir été infectés par le coronavirus et les malades continuent d’affluer, tous les jours. Je ne vois pas le bout du tunnel." Louis (dont le prénom a été modifié car il souhaite garder l’anonymat, ndlr), étudiant infirmier de deuxième année, est mobilisé depuis le début de la crise sanitaire dans l’unité Covid-19 d'un hôpital lyonnais. Il enchaîne les gardes nocturnes de 10 heures.

Les étudiants travaillent comme aides-soignants

Considérés comme stagiaires, les étudiants en soins infirmiers sont mobilisés partout en France

. Ils sont dans les hôpitaux, les Ehpad ou les maisons d’accueil spécialisées pour personnes handicapées. Sur le front du coronavirus ou en train d’assurer la continuité des soins. "En stage, l’étudiant doit venir en support pour aider l’équipe, pas remplacer des postes manquants. Ce n’est pas normal", s’inquiète Felix Ledoux, le président de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI). "Ces stages n’ont plus rien de pédagogique. Les étudiants ne sont pas encadrés parce que le service est sous l’eau, et leurs missions ne sont plus du tout les mêmes qu’en stage classique", estime l’organisation étudiante.

Comme Louis, beaucoup font un travail d’aide-soignant. Sarrau par-dessus la tenue, masque chirurgical, gants stériles, calot pour recouvrir la tête, lunettes de protection, thermomètre à la main… "Nous nous efforçons d’installer au mieux les malades sous oxygène qui ont du mal à respirer", raconte Louis. Souvent accompagné par un infirmier, l’étudiant enchaîne des visites à des patients qui ne le reconnaissent pas dans cet accoutrement de choc. Une source d’angoisse. "On ne change pas d’équipement pendant tout le service. Or, dès les cours d'hygiène de première d’année dans les IFSI, nous apprenons que, d’un patient à l’autre, il faut le faire pour ne pas augmenter le risque de transmission de bactéries. Les patients ont aussi d’autres pathologies."

L'angoisse de laver chez-soi une tenue potentiellement infectée

Louis peut être lui même vecteur de maladie, infecter des patients, des proches. Les étudiants infirmiers doivent souvent ramener chez eux la tenue professionnelle. Ce qui inquiète leurs organisations qui demandent que celle-ci soit entretenue par le centre hospitalier. Trop compliqué à son domicile de respecter les normes d’hygiène.

"Il faut d’abord faire tourner une machine à vide puis seulement ensuite laver la tenue à haute température. Puis refaire un cycle à vide pour ne pas contaminer le linge de la maison. Les étudiants n’ont pas le temps", explique Emilie Deville, présidente de la Fédération des étudiants en soins infirmiers de Lyon 1. En outre, "beaucoup d’entre eux n’ont pas de machine à laver. Quelle aberration de les envoyer dans les lavomatics en situation de crise sanitaire", reprend Felix Ledoux.

Manque de matériel et souci de reconnaissance

La FNESI encourage les étudiants à se porter volontaires, mais pas en première ligne dans le lutte contre le Covid-19. L’organisation étudiante demande surtout qu’ils soient correctement équipés, alors que du matériel manque encore cruellement dans les hôpitaux français. "Hier soir, j’ai constaté que les réserves du service sont vides. Il n’y a même plus de gel hydroalcoolique, pas suffisamment de masques… Il manquait des protections pour les patients. On en pique à d’autres services", raconte Louis.

Un baptême du feu dans des hôpitaux sur le pied de guerre rémunéré à hauteur de 28 euros par semaine en 1ere année, 38 euros en 2ème année, et 50 euros en 3ème année, ce qui correspond aux indemnités de stage. Mais l’Ile-de-France a appelé le 25 mars dernier les étudiants en soins infirmiers à se porter volontaires pour renforcer les effectifs des hôpitaux, en contrepartie d'une rémunération allant de 1.537 à 1.827 € bruts par mois. Les régions Hauts-de-France, Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, la Corse et la région Sud ont suivi.

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