Décryptage

Après la perte d'agrément des écoles d'ostéopathie, une formation toujours dans le viseur

Neuf écoles d'ostéopathie ont reçu un agrément jusqu'à 2026 ou 2027.
Neuf écoles d'ostéopathie ont reçu un agrément jusqu'à 2026 ou 2027. © Viacheslav Yakobchuk / Adobe Stock
Par Élodie Auffray, publié le 24 novembre 2023
5 min

Il y a deux ans, un tiers des écoles d'ostéopathie avaient été retoquées par le ministère de la Santé. Même si la majorité des établissements a reçu leur agrément depuis, entre les écoles qui ont fermé ou qui n'ont jamais pu ouvrir, d'autres qui ont perdu des étudiants, l'affaire est loin d'être close.

Obligatoire pour exercer, le diplôme d'ostéopathe se décroche après cinq ans d'études, dans l'une des 30 écoles privées agréées par le ministère de la Santé. Pour obtenir cet agrément, valable cinq ans, les écoles doivent adresser un dossier à la commission consultative nationale d'agrément (CCNA) composée de représentants de la profession et des autorités.

Celle-ci épluche les candidatures, vérifie que les écoles respectent les critères établis depuis 2014 (locaux et encadrement pédagogique appropriés, pratique clinique suffisante...) et rend un avis. C'est ensuite le ministère qui décide.

Lors de la dernière vague d'agréments en juillet 2021, sur les 33 établissements candidats, seuls 22 ont été retenus par le ministère, sur avis de la CCNA. Neuf écoles* n'ont pas été renouvelées et deux autres, qui effectuaient leur première demande, se sont vu refuser l'ouverture.

D'autres encore ont vu leurs capacités d'accueil réduites. "Face au constat d’une dégradation notable de la qualité des cursus, le ministère est contraint de réguler l’offre de formation", justifiait-il alors.

Neuf écoles d'ostéopathie reçoivent un agrément jusqu'à 2026 ou 2027

Mais face aux protestations des écoles et aux nombreuses procédures judiciaires engagées, le ministère a fait machine arrière deux mois plus tard, "pour permettre une rentrée dans de bonnes conditions", expliquait-il.

Les neuf écoles ont donc obtenu un agrément provisoire pour l'année scolaire 2021-2022, pérennisé après un réexamen jusqu'en 2026, parfois contre l'avis de la CCNA. Deux d'entre eux (IOB à Bordeaux et Atman à Nice) ont été prolongés jusqu'en 2027, après avoir dû montrer patte blanche une nouvelle fois.

"Aujourd'hui, il y a des écoles très vertueuses et d'autres qui le sont beaucoup moins. Elles ont toutes l'agrément mais ça ne reflète pas la réalité sur le terrain", dénonce Philippe Le Mentec, conseiller national d'Ostéopathes de France et membre de la CCNA.

Une seule fermeture d'école d'ostéopathie depuis 2021

Deux ans plus tard, le paysage des écoles d'ostéopathie a finalement peu changé. Les deux projets de création n'ont pas abouti : l'Ecole d'ostéopathie de la Réunion a bien fait sa rentrée en août 2021, mais a dû fermer au bout de deux semaines, faute d'agrément. L'integrative osteopathic school, à Nice (06), n'a jamais pu ouvrir, malgré une nouvelle demande au printemps 2022, encore retoquée.

Parmi les écoles d'ostéopathie non-renouvelées, une seule a mis la clé sous la porte : l'institut supérieur d'ostéopathie Paris, basé à Lognes (77). Après la perte de l'agrément en 2021, de nombreux élèves ont rejoint d'autres établissements. Même une fois récupéré, l'institut ne s'en est pas remis : fragilisé financièrement, l'ISOP a été placé en liquidation en mai 2022.

Des écoles d'ostéopathie en difficulté

Les autres ont tenu bon, malgré des conséquences importantes. À l'Institut supérieur d'ostéopathie du Grand Montpellier (ISOGM), basé à Béziers (34), "l'impact a été financier", reconnaît son président Thierry Jammes. Quelque 80 des 260 élèves sont partis, principalement issus des trois dernières années du cursus. Une petite moitié a fini par revenir et, aujourd'hui, avec 240 élèves, "on retrouve notre niveau d'avant", dit Thierry Jammes.

Le Collège ostéopathique du Pays basque (COPB), établi à Biarritz (64), a lui aussi vu partir "une petite dizaine d'étudiants, principalement en quatrième et cinquième années", indique Laurent Blanquer, son directeur général. Aujourd'hui, avec 271 étudiants à la rentrée 2023, soit presque la totalité des 288 qu'il est autorisé à accueillir, "on va bien", témoigne le directeur. Mais le COPB envisage de poursuivre l'État en justice, pour obtenir réparation de son "préjudice".

Une formation toujours pointée du doigt dans certaines écoles

Mais le monde des écoles d'ostéopathie pourrait être chahuté à nouveau, dans les prochaines années. Car, après les problèmes rencontrés en 2021, le ministère de la Santé a demandé à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) d'évaluer la procédure d'agrément.

Publié en mai 2023, le rapport de l'IGAS recommande notamment de réduire le nombre de places en écoles, pointant la densité très importante d'ostéopathes en France -la plus forte au monde- et les "difficultés d'insertion" que rencontrent nombre de jeunes diplômés.

"La formation dispensée par certaines écoles ne répond pas aux critères d'exigence", souligne aussi le rapport, qui pointe plusieurs failles dans le processus d'agrément. Parmi eux, le fait qu'il se base sur un dossier déclaratif, sans possibilité de contrôle sur place. Affaire à suivre, donc.

*ATMAN/Nice, ATSA/Limonest, COPB/Biarritz, IFSO/Rennes, IOB/Bordeaux, ISOGM/Béziers, ISOP/Lognes, OSCAR/Strasbourg

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