Reportage

Les étudiants en santé expriment leur ras-le-bol

Sous le hashtag #etudiantsfantômes, les étudiants demandent un retour en présentiel à l'université.
Sous le hashtag #etudiantsfantômes, les étudiants demandent un retour en présentiel à l'université. © Pauline Bluteau
Par Pauline Bluteau, publié le 28 janvier 2021
6 min

Précarité, mal-être psychologique, perte de liens sociaux, cours à distance, décrochage, stages déguisés… À l’occasion de la mobilisation étudiante, qui s’est déroulée le 26 janvier, les étudiants en santé étaient réunis pour alerter, une fois de plus, le gouvernement sur leurs difficultés.

Mardi 26 janvier, les quelque 2,5 millions d’étudiants étaient appelés à se mobiliser pour dénoncer leurs mauvaises conditions de vie et de formation. À Paris, ils étaient plus d’une centaine réunis devant l’université Pierre et Marie Curie (Paris VI). Parmi eux, de nombreux étudiants en santé - futurs médecins, dentistes, kinés, psychomotriciens, orthoptistes, infirmiers… - pour qui, la situation est de moins en moins tenable et ne risque pas de s’améliorer.

Des annonces du gouvernement insuffisantes

"Oui, c’est vrai, il y a eu des annonces mais… c’est pas suffisant, ça fait des mois et des mois que ça dure !", s’exclame Emmanuel, en troisième année de médecine. Même si l’étudiant essaie de comprendre les difficultés auxquelles est confronté le gouvernement depuis l’arrivée de la crise sanitaire, selon lui, il faut aller encore plus loin. "Le mal-être des étudiants en santé existait bien avant la crise sanitaire et rien n’a été fait. Sans compter qu’en parallèle de la crise, on continue de mettre en place des réformes (du premier et deuxième cycles) pas tout à fait abouties…", souffle-t-il.

Sur l’esplanade de l’université, les étudiants ont représenté un studio de 9 m². Une pièce unique où beaucoup mangent, dorment et révisent depuis des mois et des mois. Pour eux, le plus difficile reste l’interdiction d’un retour en présentiel dans leur université. Désormais, chaque étudiant peut revenir en cours un jour par semaine. "On voudrait au moins revenir à 50%", affirme Emmanuel. "Les cours sur Zoom ça va cinq minutes mais il ne faut pas se leurrer, combien d’étudiants se connectent et vont se recoucher ? Tous les jours, seul derrière son écran, c’est démotivant…", estime Quentin, en quatrième année d’études de kiné. "Et encore, dans notre formation, on n’est pas les plus à plaindre puisqu’on a beaucoup de travaux pratiques donc on se voit en petits groupes deux ou trois jours par semaine, et heureusement !"

Une centaine d'étudiants ont répondu présents le 26 janvier 2021 pour dénoncer leurs conditions de formation.
Une centaine d'étudiants ont répondu présents le 26 janvier 2021 pour dénoncer leurs conditions de formation. © Pauline Bluteau
"Facs fermées, étudiants en danger", le slogan des étudiants mobilisés.
"Facs fermées, étudiants en danger", le slogan des étudiants mobilisés. © Pauline Bluteau

Décrochage, césure, manque de motivation… des étudiants à bout

Pour certains d'entre eux, la mobilisation offre même un second souffle. "Je ne vous cache pas que je suis venue en me disant que je partais en soirée, confie Laura, en quatrième année d’odontologie (dentaire). Je savais que j’allais retrouver des gens et on en a tous besoin…" D’après elle, le nombre d’étudiants en difficulté ne cesse de s’accroître depuis le deuxième confinement en novembre dernier. "Au printemps 2020, on a tous été plus ou moins mobilisés, on pensait que ça ne durerait pas, c’était une parenthèse, mais là… c’est sans fin", poursuit-elle. La jeune femme a même annoncé à son université il y a quelques jours qu’elle souhaitait faire une pause dans son cursus.

"On en voit de plus en plus des étudiants qui veulent prendre des césures voire même se réorienter complètement parce qu’ils sont démotivés ou dégoûtés par leur formation, c’est vraiment dommage d’en arriver là", juge Adam, en quatrième année d’études de kiné. Les étudiants en santé évoquent aussi les difficultés d’accès aux SUMPPS (services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé) et psychologues, pas assez nombreux et pas toujours bien mis en valeur par les universités.

Des perspectives d’avenir peu rassurantes

Quand il est question de leur avenir, les futurs professionnels de santé bottent un peu en touche. L’année dernière, lors de son service sanitaire, Laura a dû réaliser des test PCR. "Normalement, ces semaines sont dédiées à la promotion de la santé, on doit aller faire de la prévention. Là, on nous a demandé d’effectuer ces tests, une tâche qui d’ordinaire est rémunérée et qui n’entre pas dans le cadre du service sanitaire", regrette-t-elle.

Même constat pour Stéphane, en troisième année d’études en soins infirmiers. "Faire des stages en tant qu’aide-soignant alors qu’on va bientôt être diplômé… Je ne suis pas du tout confiant pour la suite", s'inquiète-t-il. "L’année dernière, j’ai passé une évaluation 'pratique' à distance : j’ai juste expliqué les gestes que j’aurais pu faire mais sans pouvoir les montrer…", précise Quentin, l’étudiant en kiné.

Tous les étudiants interrogés en ont bien conscience : la détresse est encore plus grande pour les "première année". "Aujourd’hui, on est venu se battre pour eux aussi parce qu’on sait que la pression est importante quand on arrive à l’université…", conclut Laura.

Pour aller plus loin – Livres l'Etudiant Editions

> Phobie scolaire décryptée : le guide pour la détecter et la combattre.

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