Portrait

Comment je suis devenue coordinatrice sociale en commissariat

Parcours_Elodie_coordinatrice sociale © Olivier Guérrin pour l’Etudiant_PAYANT
Très formateur, le métier de coordinateur social en commissariat et gendarmerie exige de savoir s’adapter à chaque situation. © Olivier GUERRIN pour L'Étudiant
Par Natacha Lefauconnier, publié le 31 mai 2017
1 min

Aider les victimes de violences conjugales ou les mineurs en situation difficile, faire valoir les droits des femmes… Telles sont les missions d’Élodie, 33 ans, qui exerce le métier de coordinatrice sociale au cœur de commissariat de police et de brigade de gendarmerie.

Après plusieurs années passées dans une maison d'arrêt en tant que chargée d'accueil des familles, Élodie, 33 ans, est coordinatrice sociale en commissariat et gendarmerie. Son nouveau poste, à Villefranche-sur-Saône (69), lui confère des responsabilités : "Je suis chargée de recevoir, d'écouter, d'informer et d'orienter toutes les personnes en contact avec la police ou la gendarmerie", résume Élodie.

Toutes les personnes qu'elle entend, majeures ou mineures, ne présentent pas les mêmes problématiques psychosociales. "Le plus souvent, il s'agit de femmes victimes de violences conjugales, confie-t-elle. Mais ce sont aussi des conflits de voisinage, des violences sexuelles ou des situations de précarité."

Toutes n'ont pas forcément déposé plainte auprès du commissariat ou de la gendarmerie. Il peut s'agir d'une simple main courante (déclaration de faits non transmise au magistrat), au cours de laquelle la victime s'est vu remettre une plaquette d'information du CIDFF (centre d'information sur les droits des femmes et des familles) du Rhône. C'est cette association qui emploie Élodie en CDI (contrat à durée indéterminée). "Certaines victimes prennent rendez-vous avec l'association rapidement après les faits. Mais il faut parfois une longue réflexion avant d'entamer la démarche", souligne Élodie.

"J'oriente la victime vers les services partenaires du territoire"

Les entretiens sont gratuits, confidentiels, et durent de quarante-cinq minutes à une heure. Il n'y a pas de trace informatique – les notes prises sont manuscrites – afin de préserver l'anonymat des victimes. Durant ces échanges, la coordinatrice sociale doit diagnostiquer les besoins psychosociaux ou juridiques de chaque individu. "S'il y a eu traumatisme psychologique, j'oriente la victime vers les services partenaires du territoire : centres médico­psychologiques, pédopsychiatres, psychologues…", énumère la Caladoise (nom de l'habitant de Villefranche-sur-Saône). Si un accompagnement juridique est nécessaire, Élodie consulte ses collègues juristes du CIDFF. Elle contacte, selon les cas, un avocat, un juge aux affaires familiales et sociales, les services de protection de l'enfance ou un assistant social. Après accord de la personne concernée, elle discute de son dossier par téléphone avec les professionnels qui prendront le relais.

Concrètement, les rendez-vous se déroulent durant les permanences, qui se tiennent soit dans son bureau à la gendarmerie, soit… dans la cuisine du commissariat de police ! "Il n'y a pas de bureau disponible, justifie Élodie. Mais quand ils voient la porte fermée, les policiers patientent avant de venir faire chauffer leur plat : ils savent que je suis en entretien !"

Lire aussi : Métiers de la police : descente au commissariat

"Je reçois environ 15 à 20 personnes par semaine"

Une intimité qu'il est impératif de respecter : "Je reçois environ 15 à 20 personnes par semaine, dont beaucoup sont des femmes victimes de violences conjugales", appuie l'intervenante sociale. Il lui arrive, plus rarement, de recevoir des auteurs d'infraction pénale. "Mon approche est la même, j'informe et j'oriente", commente Élodie.

Mais elle le reconnaît volontiers, ce qui la motive à se lever chaque matin, c'est "de pouvoir aider les femmes à se sortir de situations compliquées et de faire valoir leurs droits". Un univers loin d'être facile, dans lequel Élodie se sent pourtant à l'aise. "On acquiert de l'expérience sur le tas, témoigne Élodie. Il faut plusieurs mois avant d'être à l'aise et connaître tous les partenaires de la région."

"Mieux vaut aimer travailler seul"

Son principal outil ? L'écoute. Une qualité indispensable pour le poste, à laquelle il faut ajouter l'empathie, l'autonomie et le sens de l'initiative. "Mieux vaut aimer travailler seul, car nous recevons en tête-à-tête les personnes. Mais il faut aussi apprécier de collaborer avec des professionnels de la police et de la gendarmerie… ce qui implique de savoir faire preuve de diplomatie !" ajoute Élodie avec un sourire plein de sous-entendus.

Un sens relationnel aussi à l'égard des victimes : "Il ne faut pas les forcer à parler, car cela pourrait réactiver le traumatisme. Je ne fais pas de travail d'enquête, je fais avec ce que les gens me donnent", précise-t-elle, rappelant ainsi que ses missions relèvent de l'action sociale et non de la sécurité publique.

"Il faut être dans l'empathie, mais pas dans la souffrance"

Des qualités qui permettent de faire face aux aspects les moins agréables du métier. À commencer par l'isolement. Si elle est présente physiquement tous les lundis matin à l'association, où elle peut faire le point avec ses collègues, Élodie est seule le reste de la semaine pour mener ses entretiens et prendre des décisions. Autre difficulté : ne pas se laisser envahir par les histoires des personnes qui se confient à elle. "Pour pouvoir aider les gens, il faut être dans l'empathie, mais pas dans la souffrance avec eux", analyse la jeune femme, qui évacue le trop plein d'émotion en salle de gym.

Une partie de son temps est consacrée à établir des statistiques pour l'ANISCG (Association nationale d'interventions sociales en commissariat et gendarmerie), pour les lieutenants de brigade (gendarmerie), pour les commissaires et la direction départementale des services de police. Des statistiques, afin d'évaluer le nombre de personnes reçues et l'orientation décidée par la coordinatrice sociale.

"J'ai dû interrompre mes études pour rembourser mon prêt étudiant"

La psychologie, c'est la voie universitaire qu'Élodie a emprunté après avoir décroché un bac technologique correspondant aujourd'hui à la filière STAV (sciences et technologies de l'agronomie et du vivant), dans un lycée agricole. Après sa L2 de psychologie à l'université Lyon 2, elle part deux ans en Belgique, à l'école de criminologie de Louvain-la-Neuve, où elle obtient un master de criminologie (diplôme non reconnu en France).

Elle revient suivre sa dernière année de licence à l'université Rennes 2, avant d'enchaîner avec un master 1 de psychologie, spécialité criminologie et victimologie. "J'ai dû alors interrompre mes études pour rembourser mon prêt étudiant", précise la jeune femme. Elle exerce donc des petits boulots durant quatre ans, dont trois en tant que chargée d'accueil des familles en maison d'arrêt, avant d'obtenir son master 2 à Rennes 2 en 2013. Un an en alternance, avec trois semaines de stage par mois, qu'elle effectue dans un centre d'aide aux victimes de Villefranche-sur-Saône.

Lire aussi : Insertion après un master : le palmarès 2017 des facs de psychologie

"Les stages sont un bon moyen de trouver un poste"

"Les stages sont un bon moyen de rencontrer des publics différents", affirme Élodie, qui a ainsi pu découvrir police secours ou un centre de cure en addictologie et alcoologie. Cela permet d'enrichir son CV dans un secteur où il est difficile de trouver des postes : "Ce sont beaucoup de contrats précaires, parfois des CDD [contrat à durée déterminée] de quelques jours", met en garde la coordinatrice sociale, qui reconnaît que le bouche-à-oreille reste le meilleur moyen de trouver un poste fixe.

Si le métier d'intervenant social en commissariat et en gendarmerie vous intéresse, mettez votre motivation à l'épreuve : "Il faut aimer les gens et ne pas avoir peur d'écouter des histoires difficiles, prévient Élodie. On est confronté aux facettes les moins agréables de l'être humain…" Au final, le sentiment d'être utile aux personnes dans le besoin l'emporte largement. "C'est mon moteur !" conclut la jeune femme.

Le parcours d'Élodie en 5 dates

2002
Bac STAV, option aménagement du territoire.
2004
Départ pour la Belgique après une L2 de psychologie à l'université Lyon 2.
2006
Diplôme en criminologie à l'école de Louvain-la-Neuve.
2013
Master 2 psychologie, spécialité criminologie et victimologie, à l'université Rennes 2.
Septembre 2016
Coordinatrice sociale en commissariat et gendarmerie à Villefranche-sur-Saône.

Devenir intervenant social en commissariat

Ce métier est accessible aux titulaires d'un diplôme d'État de travailleur social. Le DEASS (diplôme d'État d'assistant de service social) se prépare en trois ans (dont douze mois de cours pratiques). Vous pouvez opter pour le DEES (diplôme d'État d'éducateur spécialisé), en trois ans également. Enfin, le DECESF (diplôme d'État de conseiller en économie sociale et familiale) valide un an de formation, après une sélection, à l'entrée, de candidats ayant un bac+2 – un BTS ESF (économie sociale et familiale), un DUT carrières sociales – et idéalement des expériences en milieu social, un diplôme d'État d'éducateur, ou encore un DEASS.

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