Décryptage

Bientôt un accès direct aux études de pharmacie sur Parcoursup ?

Pour pallier au manque d'attractivité des études de pharmacie, la Conférence des doyens de pharmacie propose un accès direct à la filière après le bac sur Parcoursup.
Pour pallier au manque d'attractivité des études de pharmacie, la Conférence des doyens de pharmacie propose un accès direct à la filière après le bac sur Parcoursup. © ssstocker / Adobe Stock
Par Pauline Bluteau, publié le 10 mars 2023
9 min

La formation ne parvient plus à faire le plein : les étudiants se désintéressent des études de pharmacie, alors pour raviver la flamme, la Conférence des doyens de pharmacie propose un accès direct à la filière juste après le bac sur Parcoursup. Une sorte de retour en arrière qui ne fait pas l'unanimité.

Si la réforme de la PACES (2010) fait déjà partie de l'histoire ancienne, la réforme PASS-L.AS (2020) pourrait l'être à son tour. La politique du "c'était mieux avant" fait son grand retour parmi les doyens des facultés de pharmacie.

En cause : la désaffection des étudiants en santé pour la filière pharmacie. D'abord, 163 places vacantes à la rentrée 2021, puis, plus de 1.000 places vacantes en deuxième année d'études de pharmacie à la rentrée 2022. Des chiffres qui ont alerté à la fois l'Ordre des pharmaciens, l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) et de la Conférence des doyens de pharmacie.

Un accès direct aux études de pharmacie après le bac

Depuis, tous tentent de trouver des solutions. Permettre aux lycéens d'accéder aux études de pharmacie directement après le bac, sur Parcoursup, fait justement partie des propositions soumises au ministère de l'Enseignement supérieur. Si cette réforme ne verra pas le jour pour la rentrée scolaire 2023, elle reste prise très au sérieux.

"Si on continue comme ça, on va perdre 1.000 étudiants tous les ans", martèle Gaël Grimandi, président de la Conférence des doyens de pharmacie. Au total, depuis l'automne dernier, cinq propositions ont été soumises au ministère de l'Enseignement supérieur et seule celle qui consiste à proposer un accès direct aux études de pharmacie sur Parcoursup, en dehors des PASS et L.AS, semble retenir l'attention. "On pensait que la réforme allait régler tous les problèmes et c'est loin d’être le cas. On fait donc un pari différent, on ne sait pas si c'est la bonne recette mais je suis persuadé que ça marchera", ajoute le doyen.

C'est un retour à l'ancien système, celui qui existait avant la PACES où les étudiants s'inscrivaient directement en première année d'études de pharmacie, de médecine, d'odontologie et de maïeutique (MMOP). Sur Parcoursup, les lycéens pourraient donc s'inscrire en première année d'études de pharmacie, comme on s'inscrit en première année de licence.

La Conférence des doyens de pharmacie souhaite aussi conserver un accès parallèle, en deuxième année d'études de pharmacie, après un PASS, une L.AS, voire même après une prépa scientifique. "On conserve l'esprit de la réforme qui veut éviter l'échec et on ouvre à d'autres profils, estime Gaël Grimandi. On n'estime pas avoir la bonne solution, mais ce qu'on sait, c'est qu'avant, on remplissait nos effectifs…"

Le projet d'une sélection des futurs pharmaciens via Parcoursup contestée

Même si le constat est partagé par les étudiants, l'ANEPF se dit opposée à cette proposition "dangereuse et risquée". "Si on a changé le système en 2010 avec la PACES, c'est pour une raison", constate Adrien Caron, vice-président en charge de l'Enseignement supérieur au sein de l'association.

Selon l'ANEPF, avec cette proposition, la sélection se fera une année plus tôt, sur Parcoursup, en se basant sur les bulletins scolaires de première et terminale. Or, "les notes ne sont pas du tout représentatives de la réussite en santé. C'est impensable de sélectionner précocement les étudiants dès le lycée", analyse le représentant de l'association.

Un argument contesté par Gaël Grimandi qui, en regardant de plus près le profil des admis en deuxième année de pharmacie, confirme que ce sont les bacheliers mention Bien et Très bien qui sont les plus représentés.
L'accès direct aux études de pharmacie remettrait aussi en cause l'interprofessionnalité. Selon l'ANEFP, difficile de voir encore les effets de la réforme mais mélanger de futurs étudiants en maïeutique, kinésithérapie, pharmacie, médecine et dentaire dès la première année reste bénéfique. Là encore, l'argument est balayé par le président de la Conférence de doyens : "L'interprofessionnalité commence plus tard, au moment de l'externat et le service sanitaire où ils comprennent qu'ils doivent travailler ensemble."

Faire connaitre la filière pharmacie pour la rendre attractive

Mais surtout, pour les étudiants en pharmacie, cette solution ne résoudrait en rien le défaut d'attractivité de la filière. Selon l'enquête de l'ANEPF publiée le 7 mars 2023, la plupart des étudiants qui s'inscrivent en PASS-L.AS (ou s'inscrivaient en PACES) étaient avant tout intéressés par les études de santé, seuls 20% des étudiants avaient une idée précise de leur projet professionnel.

Aussi, 55% des étudiants interrogés l'affirment : ils n'auraient pas choisi les études de pharmacie sur Parcoursup alors même que les trois quart d'entre eux estiment que leur dossier aurait été suffisant pour y entrer. "Les lycéens ne connaissent pas la pharmacie, il faut déjà lutter pour rendre visible la filière avant de créer une voie d'accès spécifique", plaide Adrien Caron.
Difficile dans ce contexte d'assurer une diversité des profils quand on sait aussi que la plupart des lycéens fondent leurs choix sur l'avis de leurs proches et donc, de leur catégorie socio-professionnelle. Seul 1,3% des étudiants interrogés dit avoir entendu parler de la pharmacie grâce à un conseiller d'orientation.

Proposer des ajustements à la réforme PASS-L.AS

Un avis que semble partager Carine Wolf-Thal, présidente de l'Ordre des pharmaciens. "Je ne crois pas à la réforme de la réforme, mais plutôt à des ajustements. Aujourd'hui, la solution c'est de simplifier, rendre plus lisible et homogénéiser la réforme PASS-L.AS. Je comprends que l'on soit perdu : à tel endroit, on a que des L.AS, dans une autre fac, c'est le PASS, ailleurs, c'est Sciences pour la santé… Je mets au défi un pharmacien d'expliquer quelles études il faut faire aujourd'hui pour exercer ce métier !" Ce que Gaël Grimandi, aussi doyen de la faculté de pharmacie à Nantes reconnait volontiers : "la complexité de la réforme fait que ça ne fonctionne plus, on finit par ne plus être vendeur", regrette-il.

Selon la présidente de l'Ordre, tout n'est pas du ressort de Parcoursup qui n'est qu'un programmateur d'accès. "Si on n'est pas clair, Parcoursup ne le sera pas. Il faut agir sur deux niveaux : la communication autour des métiers de la pharmacie, et ça passe pour nous, pharmaciens, par l'accueil d'étudiants en stage au collège par exemple, et l'ajustement de la réforme. Il y a urgence. Malheureusement, ça ne changera rien pour la rentrée, on espère que cela produira ses effets pour la rentrée 2024, c'est l'objectif", précise Carine Wolf-Thal qui a d'ailleurs lancé une feuille de route en ce sens.

Assurer une meilleure présentation des métiers en PASS-L.AS

À l'ANEPF, on mise aussi sur une "application rigoureuse et efficace de la réforme". Notamment renforcer l'attractivité des L.AS et assurer une meilleure présentation des métiers en PASS-L.AS. Car si deux tiers des étudiants en pharmacie disent ne pas avoir été informés sur ce métier au lycée, ils sont presque autant à avoir été pas ou mal informés en première année d'études.

Pendant leur année de PASS ou L.AS, les étudiants doivent en effet choisir une ou plusieurs filières qu'ils souhaiteraient intégrer en deuxième année. Interrogés à ce sujet, les étudiants en pharmacie estiment qu'un accès direct via Parcoursup serait délétère aussi parce qu'ils échapperaient à ce module qui vise à mieux faire connaitre les filières.
Alors, l'argument de "à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle", comme l'affirme le président de la Conférence des doyens de pharmacie, va-t-il porter ses fruits auprès du ministère de l'Enseignement supérieur… À l'heure actuelle, après présentation de cette proposition aux autres Conférences, ni les médecins, les sages-femmes ou les dentistes ne s'orienteraient vers ce schéma signant la fin du système PASS-L.AS.

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