Enquête

En PASS et en L.AS, des amphis de plus en plus vides d’étudiants

Les étudiants en première année d'études de santé désertent les amphithéâtres.
Les étudiants en première année d'études de santé désertent les amphithéâtres. © Deepol/Plain Picture
Par Pauline Bluteau, publié le 15 décembre 2023
8 min

DOSSIER. Depuis la fin de la PACES, les universités constatent la désertion des étudiants de première année d’études de santé (PASS et L.AS). Pour la plupart d’entre eux, plus besoin d'aller en cours, l'université ne sert "plus qu'à passer le concours". Si les prépas privées jouent un rôle, elles ne sont pas les seules responsables de ces absences.

Il est loin le temps où les étudiants arrivaient des heures à l'avance pour s'asseoir au premier rang avant que l'amphi ne soit bondé. La situation n'est plus tellement d'actualité. "Alors si, seulement le jour de la rentrée, les étudiants sont obligés de s'asseoir sur les marches", s'amuse Patrice Diot, doyen de la faculté de médecine de Tours (36). Car dès le lendemain déjà, c'est l'hécatombe.  

Des amphis de fac de santé désertés

En première année d'études de santé, les amphis vides sont devenus la norme, constatent de nombreux doyens. À l'UVSQ (université Versailles Saint-Quentin), par exemple, seuls 150 à 200 étudiants de PASS suivent les cours magistraux sur 550. À Tours, la responsable des filières PASS-L.AS, Emmanuelle Blanchard-Laumonnier, a remarqué qu’après l’installation d’une prépa en ville, 200 étudiants en première année manquent à l’appel. 

Rares semblent ainsi les étudiants qui se rendent à l'université tous les jours : la majorité privilégie le travail à distance, chez eux ou au sein de leur prépa. 

Avec une prépa, plus besoin d'aller à l'université

En prépa, les étudiants sont unanimes : ils ne vont plus à l'université, certains n'y ont même jamais mis les pieds. "À la fac, on ne va pas assez vite. Comme on a déjà tous les cours à l'avance, je ne vais pas en cours, juste en ED (enseignement dirigé)", confirme Estéban*, étudiant en PASS à l'UVSQ et également à la prépa Médisup.  

Claire*, aujourd'hui en deuxième année de médecine, se souvient d'avoir, elle aussi, déserté la fac de Montpellier (34) lorsqu'elle était en PASS : "J'écoutais les cours le soir pour avoir bonne conscience, mais en accéléré, donc un cours de quatre heures, je le regardais en deux heures." Selon elle, les cours fournis par sa prépa, SUP'Perform, se suffisaient à eux-mêmes.  

Le responsable du développement de SUP'Perform le confirme, "une grande partie" des étudiants ne va plus en cours. "C'est en fonction de l'élève, s'il a une mémoire auditive, il vaut mieux y aller, pour les plus scolaires, le cours papier suffit", précise Jean-Christophe Gout.  

Aux Cours Avicenne à Lyon (69), les étudiants aussi n'ont pas vraiment besoin d'aller à l'université. "Aller en cours, ce n'est pas toujours efficace. En prépa, on les aide à surmonter toutes les difficultés de l'année en termes d'organisation et de méthodologie, on leur donne des cours avec un joli support et des explications, ils s'entraînent sur des QCM et ont des espaces pour travailler", résume son directeur, Thibaut Santolaria. 

Polycopiés, cours en lignes et profs inintéressants : un autre combo perdant

Mais à entendre les étudiants ainsi que l'ANEMF (association nationale des étudiants en médecine de France), la désertion des élèves serait aussi liée à différents facteurs : l'augmentation du coût de la vie, notamment des transports et des logements, qui n'incite pas les étudiants les plus précaires à se déplacer jusqu'à l'université.  

Ajouter à cela, la multiplication des cours en distanciel et surtout, une pédagogie descendante qui n'est plus adaptée. "Un prof qui ne fait que suivre son diapo… c'est chiant", confirme Lucie, aujourd'hui en L.AS 2 à Amiens (80). 

À l'université de Poitiers (86), le doyen entend tous ces arguments : "Si nos amphis nos vides, ce n’est pas à cause des prépas, c'est parce que les étudiants obtiennent les polycopiés en avance et ont les cours en visio", regrette Marc Paccalin.  

Son homologue à Bordeaux (33) met en cause la crise sanitaire. "Il n'y a plus d'étudiants en cours depuis que les enseignements ont été mis en ligne pendant le Covid", analyse Pierre Dubus. L'ancien doyen, qui a quitté ses fonctions en novembre, a préféré supprimer définitivement les cours en présentiel, faute d'élèves.  

Ne pas perdre de temps pendant l'année de PASS

Pour beaucoup d'étudiants, l'objectif est surtout de ne pas perdre de temps pendant cette première année très chargée. Certains préfèrent rester chez eux pour éviter de passer plusieurs heures dans les transports en commun par exemple. Lucie, qui avait pourtant fait le choix en début d'année d'assister aux cours, l'a très vite considéré comme "une perte de temps parce que cette année est une course contre-la-montre".  

Quant à Alicia*, en PASS à l'UVSQ et en prépa à Médisup, c'est la concurrence qui l'a fait changer d'avis : "Au début, je préférais aller en cours. Mais avec l'examen blanc, j'ai vu que ceux qui n'y allaient pas étaient mieux classés que moi alors, j'ai décidé de ne pas aller à tous les cours, ça me fait plus de temps pour réviser." 

À l'université, faire revenir les étudiants

Face à ce constat, les universités font tout pour faire revenir leurs étudiants. En plus de rendre obligatoires plusieurs cours comme les enseignements dirigés en petits groupes, de plus en plus de facs ont supprimé l'enregistrement des cours magistraux.  

C'est le cas à l'UVSQ mais aussi à Tours où l'enseignant est présent le matin et une rediffusion est organisée l'après-midi, uniquement depuis les locaux de la faculté. Si l'étudiant manque les deux coches, difficile de récupérer le cours.  

"On essaye aussi de changer les cours chaque année, d'avoir plus d'ED et moins de cours en amphi mais ce n'est pas toujours facile avec 1.000 étudiants", tempère le doyen de l'université Lyon 1 (69) qui compte aussi ouvrir prochainement une Maison des tutorats pour mettre des salles de travail à disposition des étudiants, parfois à l'étroit à la bibliothèque universitaire. 

Qu'est-ce qu'une prépa aux études de santé ?

Il existe une centaine de prépas aux études de santé en France. Si on les appelle "prépa", elles n'ont rien à voir avec les classes préparatoires aux grandes écoles (pour intégrer les ENS, écoles d'ingénieurs et de commerce principalement). Les prépas aux études de santé sont majoritairement des établissements d'enseignement supérieur privés non reconnus par le ministère de l'Enseignement supérieur. Plusieurs programmes sont proposés : dès le lycée aux élèves de première et terminale ; entre le lycée et l'université, une année blanche souvent appelée P0 ; et en PASS ou en L.AS, en première année d'études de santé à l'université (la plus répandue).

Miser sur la pédagogie

L'ANEMF préconise de son côté la méthode de la pédagogie inversée : les étudiants lisent le cours en amont et posent leurs questions à l'enseignant, ce qui permet d'aller plus vite sur des notions comprises. "On a remarqué que quand on met l'étudiant en condition, il est plus investi", souligne l'ANEMF.  

De plus en plus d'enseignants utilisent des outils comme Kahoot ou Whooclap pour réaliser des sondages, des quizz… "Je m'y suis mise et ça marche très bien", confirme Emmanuelle Blanchard-Laumonnier à Tours. 

À l'université Côte d'Azur, à Nice (06), le doyen estime qu'il n'y a pas de "recette toute faite" mais qu'il faudrait proposer de meilleurs polycopiés et avoir des enseignants "plus pédagogues" en première année.  

C'est d'ailleurs ce qui a fait revenir Lucie en amphi : "Je suis retournée en cours au second semestre pour le cours d'anatomie car le prof nous présentait des cas qu'il avait eus en tant que médecin. C'était génial".  

À l'UVSQ, un autre prof capte l'attention en ne racontant que le début d'une blague. "On attend avec impatience la fin du cours comme ça", affirment plusieurs élèves. "On rame, mais on va finir par les rattraper", assure l'UVSQ. 

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