Enquête

La "Prépa zéro", pénalisante sur Parcoursup pour entrer en PASS ou L.AS ?

Des étudiants de la prepa CPCM, qui propose une P0.
Des étudiants de la prepa CPCM, qui propose une P0. © Pauline Bluteau
Par Pauline Bluteau, Marine Ilario, publié le 15 décembre 2023
9 min

DOSSIER - La "P0", cette année blanche entre le lycée et l'université où les étudiants bénéficient de l'accompagnement d'une prépa privée avant d'entrer en PASS ou en L.AS serait plus désavantageuse que prévu. Sur Parcoursup, certaines universités en font la chasse, avec plus ou moins de transparence.

Chaque année, les étudiants sont une poignée, à la sortie du bac, à se lancer dans une année de prépa pré-PASS. Souvent appelée "P0" ("Prépa zéro"), il s'agit d'une année de transition entre le lycée et l'université. Les étudiants ont un an pour se mettre dans le rythme effréné des études de santé.

Un an pour se préparer, sans même savoir s'ils auront bien une place sur Parcoursup en PASS ou en L.AS l'année suivante, nécessaire pour accéder aux études de santé (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie).

Déjà mal perçue par les universités, cette formation - qui n'est pas nouvelle - a de plus en plus de mal à convaincre. Car même si l'accès en PASS et en L.AS se veut non-sélectif, la réalité est bien plus complexe.  

La "P0", une année pour se remettre à niveau et prendre confiance 

Les prépas présentent cette année comme une année intensive : "L’étudiant apprend à travailler 8 à 10 heures par jour", peut-on lire sur la fiche de présentation d'Excosup.

Aux Cours Avicenne, à Lyon (69), la P0 est décrite comme une "année de PASS pour de faux, un redoublement anticipé" : les étudiants sont traités comme ceux déjà inscrits en première année d'études de santé, "avec la même pression, le même rythme que les autres", confirme son directeur, Thibaut Santolaria. 

Pour beaucoup, cette année de prépa leur permet de gagner en confiance avant d'entrer dans le supérieur, même si la plupart ont déjà obtenu une proposition d'admission en PASS ou en L.AS sur Parcoursup.

"Ce sont de très bons étudiants qui ont peur d'échouer, c'est une façon de se rassurer", poursuit le directeur des Cours Avicenne, qui accompagnent seulement deux élèves en P0 cette année.  

Et puis, il y a les déçus de Parcoursup : ceux qui n'ont pas obtenu de place en PASS ou qui souhaitent se réorienter vers les études de santé. La P0 leur sert de remise à niveau.

"On accepte des étudiants dont on est sûr qu'ils peuvent y arriver. Par exemple, on considère que ce sera plus difficile pour les bacheliers professionnels, que cela risque de créer des groupes hétérogènes et donc personne ne va sortir gagnant", explique Yanis Khedis, co-directeur de la prépa CPCM (Paris) qui accueille une trentaine d'étudiants dans un "PASS zéro" à 9.200 euros l'année. 

Sur Parcoursup, priorité aux néobacheliers

Le directeur parisien ne parle pas de cette formation à tous les aspirants. "C'est peu sécurisant d'aller en P0. On leur conseille de conserver leur vœu reçu sur Parcoursup plutôt que d'opter pour cette année de transition, car ils ne sont pas sûrs de retrouver cette place l'année suivante", concède-t-il. 

En effet, pour intégrer les études de santé, que ce soit via un PASS ou une L.AS, ce sont les résultats obtenus au lycée qui sont principalement regardés par les établissements : les notes de première et de terminale dans les matières scientifiques, ainsi que les résultats en français et en anglais.  

Lorsqu’un élève a suivi une prépa zéro, difficile de mettre en avant cette année dans son dossier Parcoursup. Loïc Josseran, doyen de l’UFR santé à l’UVSQ (université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines), est sans appel : "P0 = zéro chance. Ils perdent des places car ils ne sont pas néobacheliers".

À l'université de Poitiers (86), le doyen le confirme aussi : seuls les néobacheliers "sont prioritaires sur Parcoursup".  

Être vigilant quand on choisit une prépa zéro

Les risques sont pourtant bien connus des prépas. Celles qui ont accepté de répondre à l'Etudiant affirment informer les élèves, même si cela n'est pas stipulé sur leurs sites Internet. "Beaucoup de familles nous ont dit qu'elles avaient peur et je leur ai répondu qu'elles avaient raison", prévient Yanis Khedis.

Aux Cours Avicenne, le directeur n'hésite pas à le dire : "Le simple fait d'être inscrit en prépa est pénalisant." Et ce, même s'il ne devrait pas y avoir de discrimination de la part de l'université. "Il n'y a rien d'écrit dans la réforme disant que c'est interdit", appuie Jean-Christophe Gout, responsable du développement à la prépa SUP'Perform à Montpellier (34).  

Rien dans la réforme Parcoursup ou dans celle des études de santé d'ailleurs. Même si l'information a été confirmée par plusieurs doyens, statistiquement les données du SIES ne permettent pas d’affirmer la différence de traitement entre les candidats néobacheliers ou non, même si la très grande majorité des étudiants en PASS-L.AS sont néobacheliers.

Sans compter que sur Parcoursup, chaque formation du supérieur applique des critères de tri des candidats via un algorithme qui lui est propre.  

Les universités tentent de contrer les P0

Au-delà du statut, le fait d'indiquer sa P0 dans sa lettre de motivation sur Parcoursup peut être pénalisé par les universités, même si avec la masse de candidatures reçues pour intégrer un PASS ou une L.AS, la prépa zéro peut passer inaperçue.

Difficile d'établir, sur Parcoursup, un vrai critère pénalisant les étudiants qui ont suivi une année blanche, confirme Benoît Veber, président de la Conférence des doyens de médecine. Même discours des universités de Nice (06) ou Lille (59) qui constatent plutôt en avoir connaissance plus tard, une fois les étudiants entrés en première année.  

Toutefois, d'autres universités tentent d'aller plus loin. À l’université Paris Cité (75), pour ceux qui l'indiquent dans leur dossier Parcoursup, le message est clair. Dans le rapport d’analyse des candidatures 2022 rendu public sur Parcoursup, on peut lire qu'"un malus de 6% est appliqué aux étudiants provenant d’une formation de type préparation P0".   

Pour désinciter les élèves à tenter une P0, la faculté de Bordeaux (33) fait le choix d’envoyer en L.AS "tous ceux qui ne sont pas néobacheliers", indique Pierre Dubus, ancien doyen de la faculté. Et ce, sans savoir si pendant cette année de transition entre le lycée et l'université, l'étudiant a suivi une année blanche ou a préféré prendre une année de césure pour partir à l'étranger par exemple.   

Dans le doute, pour les étudiants, mieux vaut éviter de mettre en avant la P0 sur Parcoursup même si, d'après les prépas interrogées, la majorité des étudiants qui en ont suivi une parviennent à s'inscrire en PASS ou L.AS l'année suivante.   

P0 et année de césure 

Sur Parcoursup, il est possible de demander une année de césure post-bac. Les candidats postulent dans une formation du supérieur et c'est seulement après avoir reçu sa proposition d'admission que l'étudiant doit motiver sa demande de césure. Après la césure (d'un an généralement), le candidat est admis, de droit, dans la formation en question et n'a pas besoin de repasser par Parcoursup. 

En PASS et en L.AS, il est techniquement possible de demander une césure. Mais attention, certaines universités ne permettent pas ensuite d’intégrer ces formations.

Par exemple, l’université de Lyon (69) rappelle qu’en PASS ou en L.AS, sur Parcoursup, "la césure compte pour une inscription" si bien que l’année suivante, l’étudiant "se verra réintégré, à l’issue de son année de césure, non pas en PASS ou en LAS1 mais en L1 avec épuisement d’une chance de candidature pour les PASS". Impossible donc de garder sa place en PASS et profiter de sa césure pour suivre une P0. 

Qu'est-ce qu'une prépa aux études de santé ?

Il existe une centaine de prépas aux études de santé en France. Si on les appelle "prépa", elles n'ont rien à voir avec les classes préparatoires aux grandes écoles (pour intégrer les ENS, écoles d'ingénieurs et de commerce principalement). Les prépas aux études de santé sont majoritairement des établissements d'enseignement supérieur privés non reconnus par le ministère de l'Enseignement supérieur. Plusieurs programmes sont proposés : dès le lycée aux élèves de première et terminale ; entre le lycée et l'université, une année blanche souvent appelée P0 ; et en PASS ou en L.AS, en première année d'études de santé à l'université (la plus répandue). Ces prépas sont payantes, et durent une année scolaire.

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