Enquête

Pour les étudiants en PASS et L.AS, la prépa comme passage "obligé" pour accéder aux études de santé ?

Pour les étudiants en PASS ou en L.AS, la prépa privée semble aujourd'hui être un passage obligé.
Pour les étudiants en PASS ou en L.AS, la prépa privée semble aujourd'hui être un passage obligé. © buravleva_stock / Adobe Stock
Par Pauline Bluteau, publié le 15 décembre 2023
8 min

DOSSIER - Pour faire comme les autres, pour mettre toutes les chances de leur côté ou parce que le redoublement n'est plus possible, de nombreux étudiants choisissent de suivre une prépa en parallèle de leur année de PASS ou de L.AS. Cette pression qui commence au lycée, pèse lourd sur les choix d'orientation.

Qualifiée "d’indispensable", de "capitale" ou encore "d’essentielle", la prépa pour accéder à la deuxième année d’études de santé - médecine, maïeutique, odontologie ou pharmacie (MMOP) - semble aujourd’hui un passage obligé pour les étudiants de PASS et de L.AS. 

Ce "service", pourtant seulement proposé et non imposé, s'est ancré dans la tête des étudiants en première année d'études de santé et dans celle (surtout) de leur famille jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus être considérée comme une option.  

"Avec la réforme du premier cycle des études de santé, on a vu une augmentation de l'offre des prépas et une évolution de leurs services. Elles ont organisé leur communication auprès des parents et des élèves. Leur message est clair : la prépa est un facteur de réussite, constate Gilles Rode, doyen de la faculté de médecine à Lyon 1. Elles viennent répondre à leurs inquiétudes dès le lycée." Jusqu’à devenir référente en matière d’orientation ? 

Faire une prépa privée aux études de santé sous la pression des pairs

C'est au lycée qu'Alicia*, aujourd'hui étudiante en PASS à l'UVSQ (université de Versailles Saint-Quentin), a commencé à entendre parler des prépas. Tous les étudiants avec lesquels elle discute sont unanimes : "'T'es pas obligée [de passer par une prépa] mais il vaut mieux', on ne nous le dit pas clairement mais j'ai compris que ce serait plus dur si je n'en suivais pas…", constate alors l'étudiante.  

Estéban*, aussi en PASS à l'UVSQ, a fait son choix en suivant "le mouvement de groupe" quand il a rencontré des étudiants en santé venus spécialement dans son lycée dans les Yvelines lorsqu'il était en terminale.  

Même ressenti pour Eloïse, en PASS à Lille (59) et à la prépa Cappec, qui parle d'"effet de masse". Selon elle, la prépa est "devenue une banalité et personne ne s'en cache".  

Dans les lycées, les prépas référentes en matière d'orientation ?

Rien de très étonnant à cela puisqu'entre les réformes du lycée, du bac et des études de santé qui s'enchaînent, les familles et les enseignants du secondaire sont de plus en plus déconcertés. David Boudeau, président de l'association des professeurs de biologie et de géologie et enseignant au lycée François Truffaut à Challans (85) le constate : "On peut avoir des collègues plus démunis sur ces questions d'orientation, il y a une iniquité selon les établissements", prévient-il.  

En face, les prépas, elles, sont omniprésentes. Il n'est pas rare, notamment dans les lycées privés, de voir des prépas intervenir "gracieusement" auprès des élèves de première ou terminale. Les Cours Avicennes sont présents par exemple dans une dizaine de lycées partenaires autour de Lyon (69), confirme son directeur général, Thibaut Santolaria. "C'est gratuit et en échange, le lycée fait notre publicité."  

Pour Gwenaël Surel, secrétaire général adjoint au SNPDEN-UNSA (syndicat national des personnels de direction de l'Éducation nationale) et proviseur au lycée Nelson Mandela à Nantes (44), la pratique est courante. Dans son établissement public à Nantes, il a lui-même été approché par plusieurs prépas privées : "Je n'ai pas donné suite parce que je suis attaché au service public, les prépas vont à l'encontre de mes valeurs", assure-t-il.  

"Désormais, ce sont les prépas qui gèrent l'orientation de nos étudiants", s'indigne Steve Lancel, assesseur PASS-L.AS à l'université de Lille. Car au-delà de préconiser leur accompagnement, les prépas mettent en avant leur connaissance de la réforme des études de santé.  

En prenant des renseignements auprès de Bersot Formation, Athénaïs, en PASS à Besançon (25), a, par exemple suivi la stratégie de sa prépa pour choisir sa mineure, Sciences de l'ingénieur, réputée plus accessible pour entrer en deuxième année de médecine. 

Des prépas qui occupent le terrain

Mais si ce n'est pas au lycée qu'elles interviennent, les prépas mettent les bouchées doubles sur les salons d'orientation mais aussi pendant les journées portes ouvertes des universités. À Poitiers (86), le doyen, Marc Paccalin, "fait la guerre" aux prépas "quand elles entrent dans la fac pour les journées portes ouvertes et qu'elles tractent dans l'UFR".  

Lucie, en L.AS 2 psycho à Amiens (80), se souvient avoir été démarchée dans la faculté alors qu'elle comptait entrer en PASS. "Le tutorat est assez reconnu à Amiens mais la prépa le critique beaucoup. À l’inverse, les profs à l'université insistent sur le fait que la prépa n'est pas obligatoire", résume-t-elle, un peu perdue par ces discours contradictoires.  

D'autant qu'au sein même des tutorats ou de l'ANEMF, il n'est pas rare de rencontrer des étudiants de deuxième ou troisième année d'études de santé qui sont eux-mêmes passés par une prépa. Lucie a finalement privilégié la prépa PCMP lors de son année de PASS, la trouvant "plus rassurante".  

Les tutorats aussi présents dans le champ de l'orientation

Certains étudiants s'adressent pourtant directement à l'université pour avoir des informations. Et de nombreux tutorats, dont les étudiants sont en deuxième ou troisième année d'études de santé, interviennent dans les lycées pour faire de l'orientation. C'est le cas en Ille-et-Vilaine avec le dispositif Terminale Santé.  

Mais, même lorsque l'université est présente, il reste parfois difficile pour les tutorats de faire entendre leurs voix face aux prépas, même si les "gens sont surpris de voir que l’on peut réussir sans prépa", indique Sophia Berrahal, vice-présidente du tutorat à Montpellier (34)

La pression de réussir pour ceux qui n'ont pas choisi de suivre une prépa

Restent des étudiants qui, eux, n'ont pas cédé à la tentation. Mais la pression est tout aussi difficile à supporter. "Quand on arrive en PASS ou L.AS, on réfléchit à nos meilleures options pour réussir. Ça fait peur de voir que tous suivent une prépa parce qu'ils ont plus de ressources", confirme Clarisse en deuxième année d'odontologie à Besançon, pour qui le tutorat a largement suffi.  

Manon, étudiante à l'UVSQ, a, elle aussi, choisi l'option "sans prépa" pour son année de PASS : "Ça m'impressionne qu'il y en ait autant qui suivent une prépa. On le voit en amphi, il y a des polycopiés de Médisup partout. Mais j'ai fait beaucoup de salons et j'y ai rencontré beaucoup d'étudiants qui m'ont dit avoir réussi sans prépa, donc je me suis dit 'pourquoi je n'y arriverais pas'."  

Mais plutôt que de s’interroger sur son choix pour cette année, Manon assure se concentrer sur son travail, seul facteur de réussite selon elle. 

Qu'est-ce qu'une prépa aux études de santé ?

Il existe une centaine de prépas aux études de santé en France. Si on les appelle "prépa", elles n'ont rien à voir avec les classes préparatoires aux grandes écoles (pour intégrer les ENS, écoles d'ingénieurs et de commerce principalement). Les prépas aux études de santé sont majoritairement des établissements d'enseignement supérieur privés non reconnus par le ministère de l'Enseignement supérieur. Plusieurs programmes sont proposés : dès le lycée aux élèves de première et terminale ; entre le lycée et l'université, une année blanche souvent appelée P0 ; et en PASS ou en L.AS, en première année d'études de santé à l'université (la plus répandue). Ces prépas sont payantes et durent une année scolaire.  

*Le prénom a été modifié. 

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