Épuisés, les internes en médecine demandent le décompte de leurs heures de travail
Fatigués, stressés, méprisés… Les internes en médecine ne cessent de clamer leur mal-être qui n’a fait que s’aggraver avec la crise sanitaire. Ce qu’ils demandent avant tout : un décompte de leurs heures de travail pour enfin respecter la loi et éviter de mettre en danger leur santé et leurs patients.
C’est un chiffre qui fait froid dans le dos : depuis le 1er janvier 2021, cinq internes se sont suicidés. Dans leur dernière enquête menée en 2017, l’Intersyndical nationale des internes (ISNI) donnait déjà l’alerte sur le mal-être des étudiants en médecine. Deux tiers d'entre eux affirmaient avoir des troubles anxieux, 28% des troubles dépressifs, 23% des idées suicidaires et 4% avaient déjà fait une tentative de suicide.
Malheureusement, rien n’est le fruit du hasard. Aux études longues, éprouvantes et stressantes, en internat, il faut ajouter le rythme soutenu des stages à l’hôpital. À partir de la sixième année de médecine, les futurs praticiens y passent le plus clair de leur temps. Certains dépassent même le cadre légal du code du travail en faisait en moyenne 58 heures par semaine. Deux internes sur cinq disent même travailler plus de 60 heures par semaine, sans système de récupération.
"On voudrait juste ne pas se tuer au travail"
Le mal-être des internes, Gaétan Casanova, lui-même interne et président de l’ISNI, en a fait son cheval de bataille. Et il ne mâche pas ses mots : "Ça coûte trop, ça détruit, c’est un enfer, la médecine. À quel moment on se dit que travailler plus de 60 heures par semaine c’est une bonne chose ?".
Des internes en médecine peu entendus malgré les risques
En juillet dernier, le Ségur de la santé avait aussi permis de remettre les revendications des internes au premier plan. Notamment sur la rémunération, où les futurs soignants ont obtenu une augmentation entre 116 et 163 euros bruts par mois. "Mais ce n’est pas en nous donnant de l'argent qu’il y aura moins de suicides", rétorque Gaétan Casanova. Difficile aussi de s’appuyer sur les médecins ou représentants dans les hôpitaux pour qui, le système a toujours fonctionné ainsi. "Le premier ennemi des médecins, ce sont les médecins eux-mêmes. Tous les jours, on en entend nous dire qu’à leur époque, ils travaillaient 90 heures par semaine mais est-ce qu’on doit en être fiers ?"
Une grève des internes à partir du 18 juin 2021
Pour faire entendre leurs voix, l’ISNI compte donc davantage sur les universités. Le 25 mai dernier, à l’initiative de la Conférence des doyens de médecine, un plan d’actions a été signé par les acteurs de la santé et de l’enseignement supérieur (dont le ministère de la Santé et celui de l’Enseignement supérieur). Ce plan prévoit notamment la mise en place d’un "outil permettant de mesurer le temps de présence en stage des internes, et de garantir le respect de la durée légale d’un maximum de 48 heures de temps de travail hebdomadaire." "C’est symbolique : c’est la première fois que les doyens affirment que c’est un sujet, que c’est un problème et qu’il faut trouver des solutions. Cela ne les engage à rien mais c’est un premier pas donc on voit qu’il y a une volonté générale", tempère Gaétan Casanova.