Reportage

Immersion en PASS : "C'est une année de stress constant"

L'année de PASS est très dense, avec beaucoup de stress et de compétition entre les étudiants.
L'année de PASS est très dense, avec beaucoup de stress et de compétition entre les étudiants. © Pauline Bluteau
Par Pauline Bluteau, publié le 31 octobre 2023
7 min

Ils souhaitent devenir médecin, pharmacien, sage-femme ou dentiste. Mais avant d'intégrer ces filières, ces étudiants tout juste sortis du lycée doivent effectuer une première année d'études de santé. Une année très dense, marquée par beaucoup de stress et de la compétition. Témoignages d'étudiantes en PASS à l'université de Versailles-Saint-Quentin.

"Bonjour, bonjour ! Vous allez bien ? C'est un petit oui ça dis donc !" Ce jeudi d'octobre, le cours d'Aurélie Avril, maîtresse de conférences et responsable du PASS à l'université de Versailles-Saint-Quentin (UVSQ), a déjà des allures de fin de semaine. Il est 13h30 et la vingtaine d'étudiants en parcours spécifique accès santé débute son deuxième TD (travail dirigé) de la journée : deux heures de biochimie consacrées aux chapitres sur les glucides, les lipides et la bioénergétique.

Le vidéoprojecteur à peine allumé, le cours débute dans le silence complet. Chacun a le nez sur sa feuille, son polycopié ou son écran d'ordinateur. Tout le monde prend des notes. "Ce sont des rappels du cours, ça va, je ne vous ai pas perdus ?", lance l'enseignante. Les réponses sont timides.

"C'est tout le temps comme ça, personne ne bavarde parce qu'on ne veut pas louper le moindre détail", constate Candice.

En PASS, "c'est énorme ce qu'on doit retenir"

Au premier semestre de cette année aussi dense qu'exigeante, les étudiants en PASS à l'UVSQ suivent les cours magistraux en début de semaine avant de se consacrer aux TD les jours suivants. Au programme : histologie, biochimie, biocellulaire, biophysique ou encore biostatisques.

"Quand je ressors de TD, j'ai mieux retenu que quand je sors de cours. C'est chouette parce que c'est plus vivant que six heures de cours en amphi. On approfondit, on pose des questions au prof, ça aide", glisse Manon. Sur sa feuille, tout est surligné en violet ou entouré au stylo. La veille, l'étudiante a passé plus de deux heures à préparer son TD, relire son cours et répondre aux QCM.

Sur papier ou sur un clavier, les étudiants en PASS prennent des notes pendant leur TD.
Sur papier ou sur un clavier, les étudiants en PASS prennent des notes pendant leur TD. © Pauline Bluteau

Selon Marie-Noëlle Dieudonné, également responsable du PASS, les TD servent justement à "remobiliser les connaissances de cours magistraux, à acquérir une démarche scientifique". Pendant deux heures, Aurélie Avril peut donc enchaîner les rappels, réexpliquer certaines notions plus complexes avant de répondre au questionnaire.

Les questions fusent, l'enseignante prend le temps d'y répondre, toujours avec un rythme soutenu. Les étudiants hochent la tête, tout semble fluide.

Pendant cette première année, décisive pour entrer en deuxième année d'études de santé, c'est le par cœur qui fait la différence. "Si on avait plus de temps, ça serait plus tranquille parce que là, on a beaucoup de chose à apprendre", assure Maïssa. "Dès le premier jour de la rentrée il fallait réviser pour ne pas prendre de retard. C'est énorme ce qu'on doit retenir", complète Lou-Anne.

Rythme bien plus intense qu'au lycée

C'est ce qui fait la principale différence avec le lycée. "On révisait la veille pour le lendemain, juste pour le contrôle, là, c'est constant, il faut travailler tous les jours. Même si les cours ne sont pas compliqués, il y a beaucoup de choses à savoir", explique Candice. Pour Manon, le plus compliqué est de tout enregistrer en peu de temps. "On doit apprendre une liste d'enzymes et de protéines par cœur, avec leur nom scientifique, où elles se situent, leur nature, leur rôle et spécificités… C'est compliqué parce que c'est abstrait", détaille-t-elle.

"Au lycée, on pouvait se permettre d'être moins attentif, mais là il faut être actif en cours, c'est épuisant une journée à la fac", poursuit Lou-Anne. Plutôt bonnes élèves, les étudiantes interrogées ont presque toutes privilégié les spécialités physique-chimie et SVT avec l'option maths complémentaires en terminale.

Un choix qu'elles mettent en avant aujourd'hui : "En SVT, ils considèrent qu'on a déjà les bases, on est moins sur du calcul donc on peut rattraper si on est perdu mais la physique-chimie, c'est plus dur", approuvent-elles. Sonia, qui n'a pas gardé la SVT au lycée, confirme avoir un peu plus de retard dans certains cours, mais rien de trop gênant pour suivre.

Sous le prisme de la compétition

En plus des cours, le travail personnel en PASS est dense. Toutes les étudiantes affirment travailler jusqu'à 23 heures. "C'est du non-stop. Les soirées sont longues. Au début, je mangeais devant Netflix, maintenant je mange en 7 minutes et je bosse en même temps, admet Manon. C'est un concours donc ça dépend aussi des autres, c'est ce qui change du lycée où nos résultats ne regardaient que nous. Là, c'est la course, on est sous pression."

La compétition est bien présente. S'ils sont environ 500 inscrits en PASS, les TD se tiennent en petit comité. Et dans ce groupe qui se retrouve pourtant chaque semaine, les 26 étudiants ne se connaissent pas les uns les autres. "Je dois connaître deux prénoms, il n'y a vraiment pas de notion de classe en PASS", avoue Manon. Pour elle, difficile d'établir de vrais liens d'amitié comme au lycée dans cette ambiance.

"C'est chacun pour soi. On sent que quand on demande quelque chose, on n'est pas toujours bien accueilli même s'il y a quand même de l'entraide", complète Sonia.

Cette solitude commence à peser à Candice. "Les journées passent vite mais j'ai l'impression que ma semaine a duré un mois." Plus le temps de sortir, de voir ses amis, cette année est consacrée au travail acharné. Une remarque qui n'étonne pas leur enseignante Marie-Noëlle Dieudonné : "C'est une année de sacrifice. Le programme est lourd et très très exigeant, il faut engranger des connaissances énormes, avoir une bonne méthodologie et une excellente maturité."

Le stress du premier concours

Quelques semaines après la rentrée, Maïssa parle d'un stress constant en PASS. Mais aussi de la difficulté à s'octroyer des moments de pause sans culpabiliser. "Quand je compare avec mes autres amis du lycée qui ne sont pas en médecine… ils vivent !", s'exclame Sonia devant l'approbation générale.

Manon a même déjà pensé à mettre un terme à son année de PASS après le premier examen blanc. "Tous les mercredis après-midi, on répond à environ 70 questions en deux heures sur une unité d'enseignement précise. Après ce premier 'tuto', je me suis dit que j'allais partir. Moi qui avais des facilités au lycée, j'ai passé beaucoup d'heures sur cette matière et j'ai eu 8/20 donc classée au milieu de la promo. Ce n'est pas suffisant pour aller en médecine. Mentalement, c'est dur parce qu'on se dit que le travail ne paie pas."

Les étudiantes ont bien en tête les premiers examens de mi-décembre. "On y pense tous les jours. Le jour du concours, je vais être mal !", prédit Candice. "On travaille dur mais on ne sait pas si on va y arriver", souffle Lara. Les étudiantes s'accrochent à leur objectif pour l'année prochaine : médecine, maïeutique, pharmacie, odontologie voire kiné.

Pour se détendre, ce soir, ce sera session de QCM de physique pour tout le monde. "C'est plus reposant, il y a moins de par cœur", s'amuse Maïssa. Quant à Manon, qui repart dans sa famille pour le week-end, elle compte bien prendre le temps d'apprécier de vrais repas, plus longs, avec ses parents. "Je culpabiliserai la semaine prochaine…" La route est encore longue.

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