Découverte

Quand l'environnement s'invite dans les études de médecine

Depuis la rentrée 2023-2024, un module sur la "santé environnementale" a été rendu obligatoire dans quasiment toutes les facultés pour valider le premier cycle d’études de médecine.
Depuis la rentrée 2023-2024, un module sur la "santé environnementale" a été rendu obligatoire dans quasiment toutes les facultés pour valider le premier cycle d’études de médecine. © Sergey Nivens / Adobe Stock
Par Tom Jakubowicz, publié le 04 décembre 2023
5 min

Depuis la rentrée 2023, un module de six heures sur la "santé environnementale" est au programme des étudiants en deuxième ou troisième année de médecine dans la plupart des universités. Volontairement théorique et transdisciplinaire, ce cours veut amener les étudiants à réfléchir sur leur pratique dans un contexte de transition écologique.

Six heures pour comprendre à la fois l’impact de l’environnement sur notre santé et de notre système de santé sur l’environnement. C'est l’ambition du nouveau "module pédagogique de médecine et santé environnementale".

Depuis la rentrée 2023-2024, ces cours ont été rendus obligatoires dans quasiment toutes les facultés (29 universités sur 36*) pour valider le premier cycle d’études de médecine.

Quasiment, car aucun décret ministériel n’a entériné cette mesure. Mais la conférence des doyens des facultés de médecine a adoubé ce nouveau cours en ligne.

La santé environnementale, indispensable dans les études de médecine

À l'université de Lyon 1, le projet est né en 2021 après la lecture d’un rapport de Shift Project sur la décarbonation du secteur de la santé, dont les émissions sont estimées à 5,1% du total national.

Il faut dire que depuis quelques années, la santé environnementale est devenue un sujet majeur pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L'institution qualifie le changement climatique de "menace fondamentale pour la santé humaine" car déjà responsable de près d’un décès sur quatre dans le monde.

"Le but est de faire prendre conscience aux étudiants de l’ampleur de la crise environnementale et de ses effets sur la santé", soutient Marine Sarfati, rhumatologue, responsable de l’enseignement de santé environnementale à l’université Claude Bernard Lyon 1 et instigatrice du module.

Des cours qui vont de la prévention aux solutions

Le module se divise en quatre blocs. Le premier présente notamment une approche de la santé "désanthropocentrée", c’est-à-dire qui n'est pas uniquement centrée sur l'humain mais aussi sur les animaux et les écosystèmes. C’est l’approche "One Health" : "Il est contreproductif de soigner les humains en polluant, car ensuite cela nous revient en boomerang", explique Marine Sarfati.

Le deuxième bloc explore justement la façon dont notre système de santé peut polluer, tout en étant très dépendant du système énergétique. Il décrit les conséquences du changement climatique, mais aussi de l’effondrement de la biodiversité sur les écosystèmes et la santé humaine.

Le troisième bloc puise dans les sciences sociales pour penser les interactions entre santé et environnement. Enfin, le dernier bloc est consacré aux solutions, discutées par plusieurs spécialistes en table ronde.

Les six heures du module se répartissent en une vingtaine de vidéos d’une quinzaine de minutes. S’y succèdent des intervenants, experts dans des domaines très différents : médecins, biologistes, ingénieurs, sciences sociales, etc.

"Un bol d'air" qui a des impacts sur la pratique des étudiants en médecine

La plupart des facultés dispense ce module en troisième année de médecine plutôt qu'en deuxième, en raison d'un programme déjà chargé. Pour Hela, étudiante "pilote" de Lyon, qui a participé à l'élaboration du module, il était important de "rendre le cours le plus agréable et intéressant possible" pour qu'il suscite l'intérêt des étudiants déjà investis dans des études exigeantes. "On a notamment posé toutes les questions qu'un étudiant en médecine aurait été susceptible de se poser", explique la jeune femme.

Un pari gagné en partie. Pour Mathilde, étudiante à Lyon, "ce cours est une bouffée d’air frais, on se rend compte que notre santé est liée à tellement de choses. Cela fait du bien dans des années de médecine où on se sent coupés du monde."

Et ce module est aussi une prise de conscience de l'impact du changement climatique sur la pratique même des futurs médecins. "Avant, je ne voyais pas forcément le lien, mais c’est intéressant, et un peu déprimant, de voir qu’on sera confrontés en France à l’émergence de nouvelles maladies comme le virus Zika", résume Sylvie, étudiante à l’université Paris Cité. Très "motivée" par les deux premiers blocs, elle avoue, cependant, avoir décroché sur la partie plus "philo".

Continuer à s'informer au-delà du cours

Chloé, étudiante à Lille, se montre plus critique : "C’est dommage que les étudiants regardent ces vidéos seuls dans leur coin." Pour créer plus d'interactions, l'association des étudiants de médecine de Lille (ACEML), dont elle est membre, va organiser des conférences-débats autour des vidéos du module.

Marine Sarfati a conscience que ce cours de six heures n’est qu’une introduction et elle espère que les étudiants prendront "d’autres cours en lien avec ces enjeux".

D’autres projets sont à l’étude, comme un module destiné aux internes sur l’éco-conception des soins ou un élargissement à tous les étudiants en santé.

*Contactées, les facultés de Limoges, Nancy, Reims, Paris-Saclay, Tours et Saint-Quentin-Versailles, ne nous ont pas répondu ou n’ont pas souhaité apporter d’informations sur la mise en place ou non de ce module. Quant à l’université de Bordeaux, elle propose un module "maison" de 12 heures sur la santé environnementale, créé par l’Institut de santé publique INSPED et à destination de tous les étudiants en santé.

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