Imane Ouelhadj-Mélanie Luce (UNEF) : "Nous voulons une allocation d’autonomie pour tous les étudiants"
Imane Ouelhadj, étudiante en sciences politiques, a été élue présidente de l’UNEF le 4 mars. Elle succède à Mélanie Luce, qui avait démissionné quelques jours auparavant. Les deux jeunes femmes dessinent les batailles à venir pour le syndicat étudiant. Interview croisée.
Mélanie Luce, vous avez annoncé votre démission récemment, évoquant "un mandat fort en batailles syndicales". Quelles ont été les grandes avancées en matière de droits étudiants ces dernières années ?
Nous avons fait face à de nombreuses réformes allant à l’encontre des droits des étudiants. Notre grande bataille syndicale a eu lieu en janvier 2021 (pendant la crise sanitaire, NDLR) : nous avons construit une mobilisation pour faire prendre conscience que les étudiants mouraient de faim et d’angoisse. Nous avons obtenu le repas à un euro pour tous, le chèque psy et la réouverture des universités à 20%. C’était insuffisant mais essentiel car nous faisions face à une vague de suicide. Remettre un pied dans la fac a été une bouffée d’air extrêmement importante.
Nous avons aussi obtenu deux aides d’urgence : une de 200 euros pour les jeunes qui avaient perdu leur stage ou leur emploi, puis une autre de 150 euros.
La création de places en licence et en master a également été le résultat des deux derniers mandats. Nous avons aussi remporté des victoires individuelles avec SOS inscription. Inscrire ne serait-ce qu’un étudiant à la fac grâce à ce dispositif, c’est déjà une victoire.
Pour les frais d’inscription des étudiants étrangers, nous avons perdu la bataille dans la rue car la loi est passée. Mais dans les faits, les étudiants n’ont pas vu les résultats de cette réforme car elle n’a pas été appliquée dans de nombreuses universités.
À l'approche de l'élection présidentielle, quel message souhaitez-vous porter auprès des candidats ?
Quelle que soit la personne au pouvoir - car nous ne prenons pas position - elle doit prendre en considération la jeunesse. Et non la stigmatiser ou ridiculiser ses revendications. Pendant mon mandat, Emmanuel Macron a dit qu’il nous entendait, qu’il voyait cette précarité, mais il n’a rien fait. Nous en avons marre de la langue de bois, que ce soit sur les questions sociales, universitaires, écologiques ou encore de discrimination.
L'année 2021 a été marquée par le mouvement des étudiants sans master. Quelles solutions sont envisageables ?
Par ailleurs, nous demandons des bilans des places créées, que nous n’obtenons jamais. Le ministère dit par exemple avoir créé des places en STAPS mais on ne sait pas dans quelles universités. Pour les 4.000 places créées en master, nous ne savons pas quelles sont les filières ou les universités concernées.
La précarité étudiante a été accentuée par la crise sanitaire. Quelles seront vos actions en faveur des étudiants ?
Nous demandons une augmentation des échelons et du nombre de bénéficiaires des bourses et un complément pour les étudiants d’Outre-mer. Mais ce ne sera pas suffisant, car le système de bourse est à bout de souffle. On ne vit pas avec la carte bleue de papa et maman. C’est pourquoi nous demandons la fin de la familiarisation des bourses. Lorsqu’on fait son DSE (dossier social étudiant), il faudrait mettre son propre avis fiscal plutôt que celui des parents.
Nous réclamons enfin une allocation d’autonomie pour 2023, avec une ouverture des concertations dès la rentrée. Un montant mensuel basé sur le seuil de pauvreté serait versé chaque mois à tous les étudiants.
Imane Ouelhadj, quelles seront les priorités de votre mandat ?
Mon objectif majeur est d'en démocratiser l’accès. Cela passera par la lutte contre la sélection, l’abrogation de la loi ORE et le financement de places supplémentaires. Nous demandons 10.000 places de plus en licence et en master à la rentrée prochaine, avec une augmentation progressive d’année en année pour mettre fin à la sélection. Évidemment, ça ne va pas se résoudre d’un claquement de doigts : ce sont aussi des infrastructures à créer, des enseignants-chercheurs à recruter…
Quels seront les thèmes abordés lors du 87e congrès de l’UNEF prévu à la fin du mois ?
La thématique globale est la démocratie et la façon d’impliquer les jeunes. Ce sont les grands oubliés de la campagne. Lors des débats, peu de candidats ont parlé de mesures pour les jeunes. À quelques jours du premier tour, nous les interpellerons pour remettre la question des jeunes au cœur du débat public. Pendant les trois jours, il y aura des temps où un candidat aura 30 minutes de présentation puis prendra des questions pendant 15 minutes. Des centaines d’étudiants venus de partout en France pourront débattre et trouver des solutions communes.
Nous voulons aussi requestionner la démocratie universitaire car la place des étudiants dans les instances universitaires est de moins en moins forte. Nous réfléchirons à la façon d’être acteur de notre enseignement, de donner notre avis sur la pédagogie.
Enfin, ce sera un moment important pour pouvoir discuter avec les autres corps intermédiaires : syndicats professionnels, organisations de jeunesse... La crise sanitaire a freiné l’engagement car lorsque la vie est de plus en plus compliquée, on passe sa personne en premier. Les jeunes ont préféré miser sur la réussite des études ou la recherche d’un travail plutôt que de s’engager. On va se questionner pour permettre à tous de s’engager.