Interview

Trois questions à… Mathilde Renker, présidente de l'intersyndicale des internes en médecine générale (ISNAR-IMG)

Mathilde Renker, présidente de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes en médecine générale.
Mathilde Renker, présidente de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes en médecine générale. © Photo fourni par le témoin
Par Pauline Bluteau, publié le 24 février 2022
6 min

Jeudi 24 et vendredi 25 février se tiendra le 22e congrès de l'ISNAR-IMG, représentant les internes en médecine générale. Une spécialité qui regroupe 6.000 étudiants, la plus importante en médecine. Mathilde Renker, la présidente, revient sur les thématiques qui seront abordées.

Que ce soit sur des sujets qui impactent au quotidien les futurs médecins généralistes ou des sujets de société, en lien avec l'actualité, les internes auront deux jours pour discuter, partager leurs pratiques et réfléchir à des solutions. Parmi ces thématiques : la question de l'identité de genre, les violences sexistes et sexuelles, l'environnement, l'accès aux soins, la santé des migrants ou encore la qualité de la formation et les conditions de travail des internes.

Mathilde Renker, présidente de l'ISNAR-IMG (Intersyndicale nationale autonome représentative des internes en médecine générale) et interne à Nancy, met en garde sur les problématiques dont les médecins généralistes doivent s'emparer.

Les violences sexistes et sexuelles sont devenues un sujet récurrent notamment chez les étudiants. Pourquoi et comment êtes-vous formés pour les repérer et les prévenir en tant que médecin généraliste ?

Les violences sexistes et sexuelles ne sont malheureusement pas nouvelles pour les internes de médecine générale mais la parole à ce sujet se libère. Le sujet a notamment été mis en lumière à travers la double thèse d’Amélie Joualt et de Sara Eudeline, en novembre 2020, qui regroupait les réponses de 2.000 internes de médecine générale (20% des effectifs). Elles ont montré que 53% des répondants déclaraient avoir été victimes de violences sexuelles au cours de leur cursus, dont 18% d’harcèlement sexuel et 3% d’agression sexuelle, hommes et femmes confondus.

Il y a également eu une enquête publiée en mars 2021 par l'ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France) et une seconde, sur la santé mentale que nous avons réalisée avec l'ISNI (InterSyndicale nationale des internes) et l'ANEMF où l'on rapportait que 25% d’étudiants en médecine, hommes et femmes confondus, ont déjà subi un harcèlement et 4% une agression sexuelle.

Nous sommes encore trop peu formés à repérer ces violences dans notre exercice. L'enseignement s'appuie parfois sur d’autres structures comme la MIPROF (Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains) mais reste plus ou moins important selon les subdivisions. C’est aussi tout l’objectif de ce congrès, de vulgariser cette thématique auprès des internes de médecine générale pour les sensibiliser et les y intéresser.

Autre thématique abordée pendant le congrès : la santé et l'environnement. Pourquoi les médecins généralistes doivent aussi s’en emparer ?

La problématique environnementale est globale, il serait absurde de persister à distinguer l’individu de son environnement tant ces deux s’entremêlent en matière d’influence.

Le secteur de la santé représente tout de même 8% des émissions de gaz à effet de serre au niveau national

, d’après le rapport publié par le Shift Project dans le cadre de leur Plan de transformation de l'économie française (PTEF). La modification des infrastructures et des habitudes de prescription et de consommation en santé sont nécessaires mais cela sera insuffisant pour répondre à l’accord de Paris et la limite de 2°C de réchauffement climatique à la fin du 21e siècle.

Les médecins généralistes, en tant que soignants de premiers recours, ont un devoir d’information et de promotion auprès de leurs patients. Ce rôle de transmission du savoir est essentiel, notamment dans les changements d’habitude de vie, comme un régime moins carné, à la fois plus adapté d’un point de vue sanitaire et plus viable pour la planète et notre consommation globale de ressources. Enfin, au-delà de notre profession, l’engagement doit venir de tous pour réussir à avancer dans la bonne direction !

Le congrès sera aussi l'occasion de revenir sur les conditions de travail, un sujet d'actualité chez les internes depuis des années. Quels sont les leviers pour faire respecter vos droits ?

Tout d’abord, il est nécessaire de mettre les internes de médecine générale en relation avec leurs représentants syndicaux locaux et nationaux. Pour cela, l’ISNAR-IMG a réalisé un recensement des structures d’aide pour guider chacun vers les ressources disponibles à proximité.

Dans un même temps, pour faire respecter le droit des internes, notamment sur le temps de travail, il faut le mesurer. Pour ce faire, les tableaux de service constituent un outil idéal, malheureusement ils sont remplis dans 19 à 48% des cas en fonction des services selon l'enquête ministérielle menée à l'été 2021. Insuffisant selon les internes. La création d’un système de sanction est donc primordiale pour les établissements contrevenants.

Enfin, des mesures existent déjà mais elles doivent être renforcées : l’extraction des internes doit être facilitée, la suspension d’agrément de stage doit être plus codifiée et moins dépendante d’influences extérieures, afin de garantir la prise en charge efficace et appropriée d’internes en souffrance.

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