Témoignage

Internat de médecine en chirurgie plastique : "Notre spécialité ne se résume pas à l'esthétique"

La chirurgie plastique ne se résume pas qu'à l'aspect esthétique.
La chirurgie plastique ne se résume pas qu'à l'aspect esthétique. © Bro Vector / Adobe Stock
Par Pauline Bluteau, publié le 24 août 2023
1 min

Spécialité la plus demandée par les futurs internes chaque année, la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique reste pourtant assez méconnue et même souvent mal vue. Prescilia, Thomas et Valentin racontent comment ils ont mis les clichés de côté au profit de cette discipline qui les passionne.

Prescilia pourrait en parler des heures : sa spécialité, la chirurgie plastique, c'est son truc. "Aller au boulot par plaisir, avoir la sensation d'avoir trouvé sa voie… c'est trop bien !", assure l'interne de 27 ans. Aujourd'hui en fin de deuxième année d'internat (8e année d'études de médecine) à Montpellier (34), Prescilia ne s'était pourtant pas vraiment destinée à la chirurgie. "Je voulais faire de la gynécologie. Je ne partais pas pour la chirurgie plastique, je ne savais pas ce que c'était", s'amuse-t-elle.

La spécialité reste en effet assez méconnue. "Dans les autres spécialités, ils ne savent pas vraiment ce qu'on fait. Même aux ECN (épreuves classantes nationales qui déterminent l'entrée en internat et le choix de la spécialité, ndlr), il doit y avoir deux questions sur la chirurgie plastique, c'est une matière assez peu enseignée", confirme Thomas, 26 ans, en troisième année d'internat à Lyon (69).

Comme Prescilia et Thomas, c'est donc à l'occasion d'un stage pendant son externat (quatrième à sixième années d'études de médecine) que Valentin découvre cette spécialité. "J'aimais plutôt la médecine générale ou la psychiatrie, je voulais faire tout sauf de la chirurgie, raconte l'interne en deuxième année d'internat à Paris (75). C'est seulement en sixième année que j'ai su que c'était ce que je voulais faire pour cet aspect manuel et la satisfaction d'avoir un résultat immédiatement."

La chirurgie plastique, "la chirurgie de la peau"

Car contrairement aux idées reçues, les chirurgiens plasticiens sont loin de passer leur temps à injecter du botox. Pour les trois internes, la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique se résume plutôt à "la chirurgie de la silhouette, de la peau et des tissus mous".

La spécialité reste assez généraliste, comme le constate Valentin : "On est calé de la tête aux pieds, on n'est pas fixé sur un organe précis". Les chirurgiens plasticiens sont donc amenés à travailler avec d'autres spécialistes comme les dermatologues, les gynécologues, les hématologues, les orthopédistes…

Au quotidien, ils travaillent sur trois aspects :

  • La plastique, qui concerne la morphologie du corps, les séquelles d'amaigrissement, la réassignation sexuelle…

  • La reconstruction pour tout ce qui a trait à la cancérologie cutanée, mammaire, les opérations post-traumatiques ou les grands brûlés… "C'est la plus grande partie de notre activité. L'objectif, c'est d'apporter une couverture de tissus", précise Thomas. Notamment grâce à ce qu'ils appellent communément des "lambeaux", une méthode qui consiste à "fabriquer de la peau" au microscope, résume Valentin.

  • Et enfin l'esthétique, qui recouvre les réductions mammaires, les liposuccions…

"C'est une spécialité assez variée, tous ces domaines sont très différents et c'est ce que je préfère, on ne s'ennuie jamais", assure Prescilia.

Une spécialité très technique avec "un côté artiste"

Encore assez récente, cette spécialité a même "un côté artiste" selon l'interne montpelliéraine. "Il faut faire preuve d'imagination car la spécialité est assez peu codifiée. Nous, notre but, c'est que ce soit beau."

Les mains sont le principal outil des chirurgiens. "C'est en passant dans d'autres services que je m'en suis rendu compte, on ne fait jamais de la chirurgie déléguée avec des machines ou des robots", poursuit Prescilia. "C'est une spécialité très technique et c'est ce qui me plait. C'est très stimulant toute cette palette de gestes", estime Thomas.

Rigueur, sens du détail, détermination sont autant de qualités indispensables pour exercer. "Ce sont des qualités communes pour toutes les spécialités chirurgicales mais j'ajouterai la curiosité à la nôtre : elle s'apprend moins dans les bouquins, il faut être prêt à se former grâce aux autres", estime Prescilia.

Peu d'urgences vitales même pour une spécialité chirurgicale

Les internes l'affirment aussi, leur spécialité est "plus chill" que les autres, en termes de rythme. Et pour cause, tout est planifié : les chirurgiens plasticiens sont assez peu dans l'urgence vitale. Le plus souvent même, les patients "vont bien". "C'est rare que les gens meurent dans le service et c'est plus confortable pour moi, psychologiquement", confie Prescilia.

"Mais ça n'empêche pas certains internes de nous demander si on soigne les gens, ça nous choque un peu", s'amuse Thomas.

Car contrairement à ce qui est souvent relayé par les médias ou les réseaux sociaux, l'esthétique n'est pas l'essentiel de l'activité des chirurgiens plasticiens qui restent avant tout… des chirurgiens. "Notre spécialité ne se résume pas à l'esthétique, on se focalise dessus mais on est chirurgien, on ouvre nos patients avec un scalpel. Ce n'est pas de la médecine esthétique où l'on fait des injections, or, on fait encore souvent l'amalgame. Moi, je ne me vois pas ne plus aller au bloc, quand on choisit la chirurgie, cela me parait évident", précise Prescilia.

La chirurgie plastique, une spécialité superficielle ?

Sauf que les clichés, qui "ne sont pas infondés", ont encore la dent dure. Prescilia, la première, a d'ailleurs beaucoup hésité au moment de choisir sa spécialité après les ECN. "Ça a été un choix difficile, la spécialité est mal vue, je me suis beaucoup remise en question."

Un manque de prise au sérieux que les internes constatent tous les jours, y compris de la part du corps médical. "Nous ne sommes jamais prioritaires dans le service. Les autres spécialités, notamment chirurgicales nous considèrent moins, parce qu'on ne sauve pas des vies", se désole Prescilia.

Valentin regrette aussi que ses proches ne comprennent pas son quotidien. Or, pour les internes, tout dépend aussi des conditions d'exercice. "Ce qui est médiatisé, c'est ce qu'on fait en libéral, c'est axé sur l'esthétique mais à l'hôpital, cela n'a rien à voir et ce côté-là, on le connait peu", plaide Valentin qui apprécie davantage l'aspect reconstruction de son métier.

Car bien souvent, le côté superficiel des chirurgiens plasticiens et de leurs patients est aussi largement décrié. L'interne l'avoue, ce n'est pas pour rien que le Dr Sloan, alias Dr Glamour, dans la série américaine Grey's Anatomy, a été choisi comme chef du service de la chirurgie plastique. "C'est aussi un milieu encore assez masculin même s'il se féminise de plus en plus", confirme Prescilia. L'année dernière, sur la promotion des ECN 2022, 20 postes ont en effet été pourvus par des hommes sur les 28 places disponibles.

Un métier où l'on gagne bien sa vie

Mais le cliché qui leur colle le plus à la peau, c'est bien celui qui concerne leur salaire. Une image qui fait sourire les internes qui, à l'unanimité, n'auraient "pas choisi cette spécialité pour être riche". "L'hôpital est loin d'être lucratif et il y a des grilles de salaires qui sont les mêmes pour tous", rappelle Thomas.

Au contraire, en libéral, les possibilités sont plus importantes. "Il y a toujours moyen de se faire de l'argent, comme partout. Après, quand on est médecin et chirurgien, c'est dans tous les cas assez confortable financièrement, et pour certains, c'est une motivation", tempère Valentin. Un praticien hospitalier gagne en effet entre 4.634 euros et 9.368 bruts par mois.

Tous ces stéréotypes ne semblent plus déranger les internes, même Prescilia assure s'y être faite. "Je dirais aux futurs internes qui comptent choisir la chirurgie plastique que c'est un bon choix, c'est un super métier et qu'il y en a pour tout le monde", conclut Valentin.

Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !