Enquête

Les prépas privées aux études de santé, le prix de la réussite ?

La réussite en études de santé dépend surtout en grande partie des notes au lycée.
La réussite en études de santé dépend surtout en grande partie des notes au lycée. © Kiattisak / Adobe Stock
Par Pauline Bluteau, publié le 15 décembre 2023
7 min

DOSSIER - C'est la question que tout le monde se pose : suivre une prépa en PASS ou en L.AS vous garantit-il vraiment une place en deuxième année de médecine, maïeutique, odontologie ou pharmacie ? Avec des taux de réussite affichés parfois excellents, difficile de ne pas succomber.

Sur les sites des prépas, les taux de réussite ont de quoi donner le tournis :  "87% d'admis en deuxième année" aux Cours Galien, à Lyon (69), "58% des étudiants admis en deuxième année" à MédiCaen (14), un "un taux moyen de réussite de 80% aux écrits et 96% aux oraux" à Excosup, à Paris (75), "72% de taux de réussite global" à MedSchool, à Saint-Etienne (42) ou encore, "66% des étudiants admis en année supérieure" à Médiplus.  

Quand on sait que seuls 25% des étudiants en PASS et en L.AS sont finalement admis en deuxième année de MMOP (médecine, maïeutique, odontologie ou pharmacie), la prépa semble un gage de réussite. Mais le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?

Une place en études de santé, grâce à la prépa ?

Selon plusieurs prépas, après leur année de PASS ou L.AS, peu de candidats resteraient sur le carreau, la plupart feraient plutôt partie des majors ou du top 10 des promotions et accéderaient ainsi en deuxième année."Il ne faut pas se voiler la face, les pourcentages de réussite sont très élevés donc ça donne envie", affirme Estéban*, en PASS à l'UVSQ (université de Versailles-Saint-Quentin) et qui suit également la prépa Médisup.  

Cependant, les chiffres du SIES (le service statistique du ministère de l'Enseignement supérieur), eux, sont plus nuancés : 28% des étudiants en PASS accèdent en deuxième année contre 18% en L.AS. Une réussite qui est déjà bien supérieure à celle qui était connue en PACES, avant la réforme.

Il n'empêche que la sélection reste rude. "Non, il n'y a pas assez de places pour tout le monde, même avec la prépa", assure l'ANEMF (association nationale des étudiants en médecine de France).

Des taux de réussite à prendre avec des pincettes

Certains chiffres mis en avant par les prépas seraient donc à prendre avec des pincettes. Sur son site Internet, MedSchool met en garde : "Certaines prépas à effectifs extrêmement élevés (avoisinant plus de 70% du nombre total d'étudiants inscrits en PASS à la faculté) ne parlent jamais du vrai taux de réussite qui doit être calculé par rapport au nombre total d'inscrits dans ces boîtes à colles."

Certaines prépas ne le cachent pas : "On affiche tous des pourcentages de réussite, mais en jouant sur les mots : on intègre dans le taux de réussite les étudiants qui ont eu une formationcomme passer en L.AS 2 - même s'ils ne sont pas pris [en MMOP]", détaille Thibaut Santolaria, directeur des Cours Avicenne à Lyon (69).

À Médisup Sciences (75), le directeur, Arnaud Dreyfus, l'assume aussi, "chacun présente les résultats selon l'angle qui lui est favorable". À SUP'Perform, basée à Montpellier (34), le responsable du développement parle de "guéguerre" entre prépas. "On va mettre les chiffres les plus valorisants, après, il y a ceux qui ont de l'éthique et d'autres qui en ont moins", plaide Jean-Christophe Gout.  

Ce à quoi Yanis Khedis, le co-directeur de la prépa CPCM, à Paris, rétorque aussi :"Je veux démystifier ce point : 'Non, la prépa n'est pas obligatoire pour réussir.' Certes ça ne plaide pas pour ma prépa, mais on peut décider d'être réaliste en considérant que chaque année de nombreux étudiants réussissent sans prépa." 

Un bilan difficile à obtenir pour les universités

Car ce que les prépas ont plus de mal à affirmer, c'est le nombre d'étudiants qu'elles comptent dans leurs rangs. D'après nos calculs et en se basant sur différentes universités, les étudiants en prépa représenteraient, en moyenne, un peu plus de la moitié des effectifs de première année. À l'université d'Amiens (80), environ 450 étudiants suivraient la prépa Médisup sur les 830 étudiants en PASS. D'après, le tutorat de l'UVSQ qui a réalisé un sondage, on atteint 65% d'étudiants en PASS inscrits en prépa privée.  

Aucun chiffre sur le nombre d'étudiants et leur réussite grâce à la prépa ne vient des universités directement. "Les prépas valorisent leur taux de réussite, mais c'est difficile d'avoir une statistique précise et fiable", estime Jean Dellamonica, doyen à l'université Côte d'Azur (06) .

Les universités préfèrent ne pas s'en mêler de peur de mettre à mal les étudiants qui pourraient se sentir pointés du doigt. Pour Pierre Wolkenstein, doyen à l'UPEC (Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne), ces chiffres, bien que nécessaires, pourraient en effrayer plus d'un : "Ça veut dire qu'on entérine un système parce qu'on aura des résultats… qui pourraient montrer que les étudiants qui passent par une prépa sont meilleurs que les autres… " 

Qu'est-ce qu'une prépa aux études de santé ?

Il existe une centaine de prépas aux études de santé en France. Si on les appelle "prépa", elles n'ont rien à voir avec les classes préparatoires aux grandes écoles (pour intégrer les ENS, écoles d'ingénieurs et de commerce principalement). Les prépas aux études de santé sont majoritairement des établissements d'enseignement supérieur privés non reconnus par le ministère de l'Enseignement supérieur. Plusieurs programmes sont proposés : dès le lycée aux élèves de première et terminale ; entre le lycée et l'université, une année blanche souvent appelée P0 ; et en PASS ou en L.AS, en première année d'études de santé à l'université (la plus répandue). Ces prépas sont payantes et durent une année scolaire.

Une réussite en études de santé qui dépend surtout des notes au lycée

Or, pour le doyen, ce qui fait la réussite, ce n'est pas la prépa, mais plutôt le travail. Comme Estéban, Alicia* a suivi une prépa pendant son année de PASS. Et ils sont unanimes : "La prépa est un avantage, mais on travaille beaucoup et c'est ce travail qui fait la différence", assume Alicia. Selon Estéban, s'il ne parvient pas à accéder en deuxième année de médecine, ce ne sera pas à cause de la prépa, mais plutôt parce que son travail "aura été insuffisant"

D'ailleurs, les chiffres montrent aussi que la réussite se joue dès le lycée, avant même l'admission en PASS ou L.AS et donc aussi avant de faire le choix ou non d'une prépa. Avec une mention "Bien" ou "Très bien" au bac, les étudiants ont plus de chances d'intégrer les études MMOP : ils représentent 90% des étudiants en deuxième année.  

Sources : Chiffres sur la réussite indiqués sur les sites Internet des prépas le 11 décembre 2023. 

*Les prénoms ont été modifiés.

Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !