Interview

Sarah El Haïry : "On peut être fiers de notre jeunesse et elle est notre priorité"

Sarah El Haïry, secrétaire d'État en charge de la Jeunesse et de l'engagement : "Nous pouvons être fiers de nos jeunes durant cette crise : ils s'engagent, ils se mobilisent. Nous devons les aider".
Sarah El Haïry, secrétaire d'État en charge de la Jeunesse et de l'engagement : "Nous pouvons être fiers de nos jeunes durant cette crise : ils s'engagent, ils se mobilisent. Nous devons les aider". © Etienne Gless
Par Etienne Gless, publié le 23 septembre 2020
6 min

INTERVIEW. Aides à l’embauche, Garantie jeunes, service civique… Nommée en juillet dernier secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et de l'Engagement, Sarah El Haïry revient pour l’Etudiant sur les mesures décidées pour accompagner les jeunes vers l’emploi dans cette période difficile.

Partagez-vous le sentiment que les 750.000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail sont les premières victimes des conséquences économiques de la crise sanitaire ?

Oui, car je l’ai vécue moi-même quand j’étais salariée : dernier arrivé, premier sorti ! Si vous êtes jeune et le dernier embauché dans l’entreprise, quand la conjoncture économique se durcit, vous êtes le premier à devoir partir.

En même temps, vous réfutez l’expression de "génération sacrifiée" ou de "génération Covid-19" ?

Ça m’a mise en colère. Parler de "génération Covid" ou de "génération sacrifiée" crée de l’angoisse alors que notre jeunesse fait tout le contraire. Durant le confinement et après le 11 mai elle s’est ultra mobilisée. J’ai vu des jeunes faire le choix de s’engager dans des Ehpad ou via la plateforme jeveuxaider.gouv.fr pour livrer des repas aux personnes âgées à domicile, pour les appeler et lutter contre l’isolement. J’ai vu les jeunes se décarcasser, ne pas baisser les bras et prendre leur part et être solidaires. J’ai été bluffée. On a une jeunesse dont on peut être fiers. Il ne faut pas la démoraliser. Elle est notre priorité. Et nous l’aidons.

Vous n’hésitez pas à vous présenter comme le gouvernement des jeunes ?

Bien sûr nous sommes le gouvernement des jeunes. Et ce n’est pas un slogan. Je comprends qu’ils puissent avoir des inquiétudes. Nous sommes dans une période où la situation sanitaire bouscule notre quotidien. Mais la jeunesse a en elle dans son ADN les forces lui permettant de passer ce moment difficile. Et le message que nous envoyons à nos jeunes c’est : vous n’êtes pas tout seuls. Je suis là pour accompagner la jeunesse dans ses engagements et pour trouver les solutions dont elle a besoin. Et elles existent. Nous consacrons des moyens humains et financiers importants pour que chacun trouve son chemin.

Primes pour l'embauche de jeunes, le gouvernement a mis en place des coups de pouce importants pour inciter les entreprises à les recruter. Dans vos déplacements, sentez-vous que celles-ci jouent le jeu ?

Oui. Des entreprises recrutent dès à présent, d’autres réfléchissent encore à y aller. Nous leur disons : allez-y MAINTENANT. Quand vous avez 8.000 € d’aide la première année pour prendre un apprenti de plus de 18 ans, c’est vraiment incitatif ! C’est la responsabilité des entreprises d’accompagner la construction de notre pays. Les employeurs ont leur part à prendre : signer un contrat d’apprentissage, c’est avoir confiance dans le jeune et en l’avenir du pays.

La jeunesse est plurielle. Certains peinent à trouver leur premier emploi, d’autres sont en galère côté orientation, logement ou santé. Est-ce pourquoi vous proposez des mesures adaptées à chaque situation ?

Oui, il y a DES jeunesses. La première porte d’entrée quand on est en galère ce sont les missions locales. Pour les plus éloignés du marché du travail, il existe la Garantie Jeunes. Il s’agit d’une aide financière avec un accompagnement humain : un contrat est signé entre le jeune de 16 à 25 ans et sa mission locale. Lui s’engage à participer à des ateliers collectifs, à venir régulièrement à la mission locale pour être accompagné vers le monde du travail. En échange il reçoit une allocation de 497 € durant 12 mois. Le taux d’emploi des bénéficiaires augmente de 10 points au bout d’un an. En 2021, nous augmentons de 50% le nombre de places en Garantie jeunes : il y aura 150.000 places.

Pourquoi ne pas ouvrir le RSA aux jeunes de moins de 25 ans ? Estimez-vous que la Garantie Jeunes c’est mieux ?

Ne toucher que le RSA c’est se résigner : quand on a entre 16 et 25 ans, le versement du RSA "sec" sur un compte bancaire n’est pas la bonne réponse pour notre jeunesse. Cela ne fait que répondre aux besoins alimentaires premiers sans rien derrière, cela ne donne aucune perspective. Nous ne nions pas la précarité d’une partie de notre jeunesse. Mais la Garantie Jeunes lui offre avec la même somme un accompagnement par des hommes et des femmes qui ne la laisse pas dépérir, perdre espoir.

Des conseillers sont là pour l’aider à construire son chemin, à comprendre ce qui le fait s’épanouir et à déchiffrer les multiples dispositifs techniques existants pour aider notre jeunesse. La Garantie Jeunes offre des temps collectifs entre jeunes pour rompre l’isolement, garder ou reprendre confiance en soi et des temps spécifiques avec des agents de la mission locale pour les aider à écrire leur CV, rechercher une entreprise pour y faire un apprentissage, une mission de service civique ou retourner en formation initiale si c’est leur choix.

Je préfère mille fois qu’un jeune entre 16 et 25 ans se fasse accompagner humainement : c’est lui accorder de l’importance. Le RSA pour les plus de 25 ans c’est nécessaire. Mais entre 16 et 25 ans il faut plus. La Garantie Jeunes c’est le RSA+++ !

Le plan "1 Jeune 1 solution" prévoit aussi des formations aux métiers d’avenir ?

Notre ambition est d’orienter 200.000 jeunes vers les secteurs et métiers d’avenir. C’est le numérique bien sûr, la transition écologique mais aussi le médico-social où de nombreux postes ne sont pas pourvus actuellement. Et la démographie de notre pays va pousser à développer encore plus ces métiers du soin. Et pour qu’aucun jeune ayant des difficultés de ressources ne soit découragé à entrer en formation, il percevra une rémunération de 200 euros s’il a entre 16 à 18 ans et 500 euros entre 19 et 25 ans.

Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !