Témoignage

Devenir éducateur spécialisé : "Pour faire ce métier, il faut être droit dans ses baskets et connaître ses limites"

La formation d'éducateur spécialisé dure trois ans et ensuite les débouchés sont nombreux.
La formation d'éducateur spécialisé dure trois ans et ensuite les débouchés sont nombreux. © zinkevych / Adobe Stock
Par Thomas Leduc, publié le 07 juin 2023
7 min

Zoé, Majdedinne et Lucie passent actuellement leur diplôme d’État d’éducateur spécialisé (DEES). Dans quelques mois, ils seront présents au quotidien dans la vie des personnes les plus fragiles. En attendant, les trois étudiants nous racontent leur formation et leur passion pour ce métier gratifiant, rempli de responsabilités mais aussi méconnu du grand public.

"J’ai toujours eu ce côté empathique en moi, mais je me sentais impuissante face à des personnes qui avaient connu des parcours difficiles", témoigne Lucie, actuellement en troisième année de formation à l’ESEIS (école supérieure européenne de l'intervention sociale) de Strasbourg (67).

Il faut dire que l'étudiante a beaucoup cherché sa voie, passant d'une année de prépa B/L à deux années aux Beaux-Arts, avant de se réorienter vers le diplôme d'éducateur spécialisé. Selon elle, cette formation lui permet "d’avoir les outils pour proposer des réponses concrètes aux gens dans le besoin", rien que ça !

Une passion, un déclic et souvent une réorientation

Comme Lucie, Majdedinne n'était pas vraiment destiné à exercer dans le domaine du social. Aujourd'hui en troisième année à l'EFPP (école de formation psycho-pédagogique) à Paris (75), l'étudiant a préféré intégrer une classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) après le bac, puis a poursuivi ses études en troisième année de licence d’économie et d'histoire-géo à la Sorbonne. "Cette même année, j’étais surveillant dans un collège, et j’ai rencontré des éducateurs spécialisés qui accompagnaient des collégiens. Je me suis renseigné, et ça me plaisait beaucoup, alors je me suis lancé !", raconte-il.

Un déclic que Zoé, elle, n'a pas mis longtemps à avoir. L'étudiante, en première année à l'IRTS (institut régional du travailleur social) des Hauts-de-France, voulait déjà devenir éducatrice spécialisée et travailler avec des enfants dès le lycée. Mais elle a dû passer par une licence sanitaire et sociale pour étoffer son dossier. "J’ai regardé des reportages sur la protection de l’enfance et d’enfants en danger qui m’ont interpellée. Ça m’a donné envie de monter ma propre structure", détaille-t-elle.

Le diplôme d'État d'éducateur spécialisé accessible sur Parcoursup

Beaucoup d'étudiants intègrent la formation après une réorientation ou dans le cadre d'une reconversion professionnelle mais le DEES est accessible également aux bacheliers. Les établissements ouvrent 3.300 places chaque année sur Parcoursup pour 20.700 candidatures. Dans la plupart des établissements (privés), les notes et le dossier scolaire sont peu décisifs : la rubrique Activités et centres d'intérêt, la lettre de motivation et la fiche Avenir pour évaluer votre savoir-être et vos engagements semblent plus déterminantes.

Des étudiants formés à la réalité du métier d’éducateur spécialisé

Les trois étudiants préparent aujourd'hui un DEES. La formation dure trois ans et peut être réalisée en alternance. Dans tous les cas, vous aurez plusieurs stages, afin de vous confronter à la réalité du terrain. Majdedinne, qui est lui en alternance, juge l’équilibre "très bon". "C'est une formation très exigeante sur le côté théorique, mais on a également beaucoup de pratique."

Les cours sont variés et denses, souvent répartis en modules : communication professionnelle, posture d'accompagnement, développement de l'enfant, handicap, famille mais aussi des cours d'introduction à la psychologie, sociologie, droit, économie ou encore la gestion des conflits... Les étudiants ont également des groupes d'analyse de pratique (GAP), "des moments de partage de nos expériences", précise Zoé.

Pour autant, la perception du métier peut varier entre les étudiants et l’école elle-même. Lucie décrit par exemple un sentiment d’être formée "comme des techniciens du social" de la part de son école, laissant "moins de place à la réflexion". L'étudiante ajoute cependant que la plupart de ses formateurs "sont très engagés dans le sens de la réflexion, ce qui atténue ce sentiment".

Educateur spécialisé, un métier difficile psychologiquement

Avec leurs premières expériences en stage, les trois étudiants ont déjà une idée de ce qui les attend. De quoi en inquiéter un peu certains. "Je vais me prendre des claques au début, mais ça ne me fait pas peur !", assure Zoé. Consciente qu’il s’agit d’un métier qui peut être assez dur psychologiquement, elle ne recule pas pour autant devant le défi : "J’ai hâte de faire ce métier, ça me booste vraiment !"

En tant que travailleur du social, les éducateurs spécialisés travaillent au quotidien avec des personnes fragiles : atteintes de handicap, mineurs en danger, anciens détenus, parents célibataires, personnes âgées... Lucie, qui est presque arrivée au terme de sa formation, assume le fait d'"avoir peur", mais considère que l’environnement dans lequel on travaille est primordial. "C’est difficile. Il y aura des remises en question, des échecs, du stress, et je ne serai pas capable de travailler n’importe où. Mais en trouvant la bonne structure où je me sens bien, je pense que ça se passera bien !"

De son côté, Majdedinne ne se préoccupe pas de ces éventuelles difficultés : "Sur le terrain, je n’ai jamais eu de retours négatifs et je me sens bien. Pour faire ce métier, il faut être droit dans ses baskets, connaître ses limites, et être conscient de ses capacités. C’est le plus important", estime-t-il.

Après trois ans d'études, un emploi à la clé

Chaque année, près de 3.500 étudiants obtiennent leur diplôme. La plupart n'auront aucun mal à trouver un emploi, les débouchés sont nombreux, un peu partout en France.

"Je n’ai vraiment pas d’appréhension, c’est un secteur en forte demande", confirme Zoé qui a encore deux années devant elle avant de se lancer. En région parisienne, Majdedinne ne semble pas avoir trop d’inquiétudes non plus : "C’est une chance qu’on a car dès qu’on passe un entretien, on est quasiment sûr d’avoir une offre. J’en ai passé deux, j’ai eu deux offres de CDI !"

Du côté de Strasbourg, Lucie affirme même qu’ils ne sont "pas assez à être formés sur le territoire". Pourtant, en 2021, selon les chiffres de la DREES (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), 30.000 candidats (bacheliers, en réorientation ou reconversion) ont déposé leur dossier dans les quelque 84 structures (95% privées) et 15.000 ont été admis. Ils sont ensuite près de 5.000 à entrer en première année, ce qui fait du diplôme d'État d'éducateur spécialisé la formation du social la plus demandée.

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