Enquête

Etudes de santé : les L.AS non-scientifiques vont-elles être supprimées ?

De nombreux doyens émettent l'idée de diversifier les profils à partir de la deuxième année d'études de santé.
De nombreux doyens émettent l'idée de diversifier les profils à partir de la deuxième année d'études de santé. © J Maas/peopleimages.com /Adobe Stock
Par Pauline Bluteau, publié le 02 novembre 2023
1 min

Trois ans après la mise en place de la réforme de l'entrée en études de santé, les universités sont en pleine réflexion : les licences de droit, de philo ou encore d'éco-gestion, sont-elles vraiment pertinentes pour devenir médecin, sage-femme, dentiste ou pharmacien ? La diversification des profils d'étudiants dès la première année n'était peut-être pas la meilleure solution…

Si depuis l'année dernière, la tendance était plutôt à la suppression du PASS (parcours spécifique accès santé) au profit du système tout L.AS (licence avec option "accès santé") dans les universités, il semblerait que des ajustements soient encore nécessaires. Il faut dire que la nécessité de suivre une L.AS de musicologie, informatique, géographie, humanités ou tourisme pour devenir médecin laisse perplexe certains acteurs.

"Certaines sont logiques, d'autres moins comme le droit", affirmait Benoit Veber en septembre dernier à l'occasion de la conférence de presse de la Conférence des doyens de médecine qu'il préside. Une remarque qui a provoqué un schisme entre les doyens.

Supprimer la L.AS Droit, peu probable

"Nous n'avons pas un avis unanime sur les L.AS, confirme Emmanuel Touzé, doyen à l'université de Caen. Pour le droit, la méthode sur le raisonnement et les connaissances est structurant pour les études de santé. Beaucoup hésitent entre les deux donc il faut la garder."

L'argument fait mouche auprès de plusieurs doyens : avant la réforme, après deux PACES, les étudiants se réorientaient vers des études paramédicales comme les soins infirmiers ou vers le droit, se souvient Pierre Dubus, doyen à l'université de Bordeaux. "Le droit est un très mauvais exemple contrairement aux L.AS philo ou éco-gestion."

La licence de droit n'est en effet pas la seule sur la sellette. À l'université Côte d'Azur à Nice, peu d'étudiants choisissent d'ailleurs la L.AS droit, réputée très difficile. "Seuls 2% des étudiants entre en deuxième année d'études de santé, assure Jean Dellamonica. Donc les étudiants sont stratèges, ils choisissent des licences où ils feront le moins d'efforts. Ils s'arrachent les places en psycho ou choisissent les lettres parce qu'ils jugent ces licences plus faciles mais ils veulent faire médecine, pas prof de philo", poursuit-il. Or, "faire une L.AS philo pour aller en médecine, c'est se tirer une balle dans le pied", réagit Marc Hazzan, doyen à l'université de Lille.

Miser sur la réussite des étudiants en licence plutôt que favoriser les sciences

Trois ans après la mise en place de la réforme, toutes les questions sont loin d'être tranchées dans les universités. À Lille, certaines L.AS, notamment scientifiques, ont un taux d'admis en deuxième année d'études de santé plus important.

Une tendance confirmée par les chiffres nationaux : les étudiants en première année de L.AS Sciences de la vie, de la santé, de la Terre, de l'univers ont un taux d'admission de 27%, autant qu'en PASS, alors que seulement 11% des étudiants en L.AS Sciences humaines et sociales y parviennent, c'est même 2% en économie-gestion.

Cependant, ce choix de supprimer ou non certaines L.AS doit s'opérer au sein des universités, "en fonction de la réussite pour intégrer les études de santé. Les L.AS qui marchent, il faut les garder", estime Benoit Veber.

A Lille, aucune décision n'est prise : "je ne veux pas stigmatiser des L.AS, il y a des réflexions en cours pour savoir si on ouvre ou si on supprime des licences, on en surveille certaines de plus près", précise Steve Lancel, assesseur PASS-L.AS. Même constat à l'université de Poitiers où rien n'est encore acté. "Il faut regarder le taux d'accès en santé, en discuter avec les autres disciplines, prendre du recul", juge Marc Paccalin.

"Il faut analyser ce que les étudiants font après : est-ce qu'ils valident leur licence même s'ils ratent l'accès aux études de santé. Parce que c'est l'objectif de la réforme donc ce doit être le seul juge de paix", complète son homologue niçois.

Diversifier les profils à partir de la deuxième année d'études de santé

Mais supprimer des L.AS jugées moins appropriées pour suivre des études de santé, c'est aussi mettre à mal la réforme qui vise justement à diversifier les profils d'étudiants. "Je ne pensais pas avoir des étudiants si intéressants en L.AS. C'est le moyen d'ouvrir les chakras en deuxième année", partage Loïc Josseran à l'université de Versailles-Saint-Quentin.

Pour Jean Dellamonica, à Nice, "l’année de lettres ne leur sert pas beaucoup mais cela permet d'avoir des gens qui s'intéressent à l'humain." Le doyen de l'université Paris-Est-Créteil (UPEC) va même plus loin et estime que la diversification des profils est "l'avenir de la santé". "L'émergence des sciences humaines et sociales est fondamentale. Si les résultats ne sont pas là, il faut se demander pourquoi et interroger la pédagogie", souligne-t-il.

Mais peut-être que cette diversité n'arrive pas au bon moment. Nombreux sont les doyens à émettre l'idée d'induire une diversification seulement à partir de la deuxième année de santé en proposant des unités d'enseignants en lien avec d'autres disciplines comme la philo… et pourquoi pas, le droit. Quoi qu'il arrive, tous ces changements ne devraient pas être effectifs avant la rentrée 2025. Toutes les cartes sont sur la table.

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