Témoignage

L'inquiétude des étudiants en santé : "Je n’ai pas envie de risquer ma vie pour mon métier"

Face à l'augmentation des violences à l'hôpital, des étudiants en santé s'interrogent sur leurs futures carrières.
Face à l'augmentation des violences à l'hôpital, des étudiants en santé s'interrogent sur leurs futures carrières. © Sebastien ORTOLA/REA
Par Camille Bluteau, publié le 30 mai 2023
6 min

Alors que 37% des soignants disent avoir été victimes de violences à l’hôpital, les bacheliers sont toujours aussi nombreux à se tourner vers les professions de la santé. Futurs médecins ou infirmiers, certains pourraient tirer un trait sur leur métier par manque de sécurité.

Il y a moins d'une semaine, le mercredi 24 mai, les soignants ont observé une minute de silence pour rendre hommage à une infirmière décédée la veille après une attaque au couteau sur son lieu de travail, au CHU de Reims.

Ce drame, bien qu'exceptionnel, reste révélateur du climat ambiant

au sein des hôpitaux. Crachats, mains levées, coups… Avant même d'exercer, les étudiants en santé font eux aussi face à des situations de violence. C'est le cas de Thomas, en troisième et dernière année d'études de soins infirmiers. L'étudiant a été victime d’une agression physique pendant un stage. "Un patient a levé la main sur moi. J’ai réussi à esquiver le coup, mais je me suis demandé ce qu’il s’était passé", raconte-t-il.

Des étudiants victimes ou témoins de violence à l'hôpital

La scène n'a malheureusement rien d'extraordinaire. Manon, également étudiante en soins infirmiers près de Rouen a été témoin d’une scène violente entre un patient agressif et un soignant lors de l'un de ses stages à l’hôpital. "Ça a été très difficile à gérer pour l’équipe, car il était en totale opposition et nous étions démunis. En tant qu’étudiante, j'avais assez peur de ce monsieur et je me suis tenue éloignée", se souvient-elle.

Selon Martha, en quatrième année de médecine à Brest, tout dépend aussi du service. En psychiatrie, l’insécurité serait plus présente qu'ailleurs. "Il y a deux mois et demi, un patient a mis le feu dans un salon, à l’hôpital", témoigne-t-elle.

Une insécurité loin d'être nouvelle pour les soignants

Tous ces incidents relèveraient d'autres problèmes bien ancrés à l'hôpital. "La violence est banalisée dans le milieu de la santé en général, admet Thomas. On est confronté à des scènes de violences quotidiennes. Ça devient quelque chose de normal. Ce n'est pas tolérable d’agir comme ça sur nous."

En 2022, 1.244 violences et incidents ont été déclarés par des médecins en France, contre 1.099 en 2021. Si les psychiatres, cardiologues et gynécologues sont les plus touchés en 2022, selon l’Observatoire de la sécurité des médecins, aucun secteur de la santé n'est épargné.

Une remise en question de son futur métier

Or, derrière ces chiffres, ce sont des carrières ou futures carrières qui peuvent être remises en question. Elise, étudiante en médecine, s'interroge sur les risques de sa future profession. "Sauver ou mourir ? Nous sommes là chaque jour sur tous les fronts, à la limite de la mort et l’amour de la vie. Nous ne lâchons rien malgré tout. Nous sommes aussi capables d’y perdre notre vie", confie l’étudiante qui déplore le manque de discussion à ce sujet avec ses professeurs.

Une fois diplômée, Manon aimerait se diriger vers la psychiatrie mais les conditions d'exercice la font hésiter. "Est-ce que moi en tant que professionnelle, j'arriverai à gérer une personne agressive ? C’est ce qui me fait le plus peur, car nous ne sommes pas très bien protégés…", souligne la future infirmière.

Des étudiants déjà dans la peau des professionnels de santé pendant leurs stages

Selon l'étudiante, le manque de personnel pourrait être à l'origine de ces incidents à répétition. "Dans les services, les portes d’accès doivent être fermées à partir d’une certaine heure. Malheureusement par manque de moyen humain ceci n’est quasiment jamais fait et n’importe qui peut venir dans le service. On nous dit souvent qu’il ne faut pas être seul mais avec la charge de travail, c'est assez compliqué."

Martha, quant à elle, n’a pas peur d’exercer son futur métier, mais elle reste tout de même inquiète. "Nous, en tant qu’étudiants, on fait des gardes. Ça ne remet pas en cause mon envie, mais ça met en lumière un problème qui persiste : la hausse du mécontentement", explique l’étudiante en médecine.

Thomas a constaté la même chose lors de ses stages : "Les urgences, c’est l’endroit où il y a le plus de violence. Si l'on ne prend pas en charge immédiatement un patient, on peut vite nous manquer de respect, ou nous insulter." L'étudiant en soins infirmiers se souvient : "Pendant un de mes stages, un interne a pris en charge une jeune fille avec ses parents. L’interne a expliqué à la famille qu’il fallait patienter, mais le papa n’a pas supporté, il a mis un coup de tête à l’interne."

Le futur infirmier a déjà tranché : "Je pourrai ne pas continuer dans cette voie si je ne me sens pas en sécurité. Je n'ai pas envie de risquer ma vie pour mon métier." Pour lui, une chose est sûre : "On a le reflet de la société dans nos services de soins, et certains s’expriment par la violence. Mais on ne devrait jamais mourir en allant au travail."

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