Décryptage

Face aux violences dans les hôpitaux, des propositions pour que les étudiants en santé ne se retrouvent pas "démunis"

Le rapport préconise de prévenir et sensibiliser les étudiants en santé pendant leur formation.
Le rapport préconise de prévenir et sensibiliser les étudiants en santé pendant leur formation. © D Lahoud/peopleimages.com / Adobe Stock
Par Pauline Bluteau, publié le 07 juillet 2023
1 min

Après le décès d'une infirmière à Reims en mai dernier, un rapport vient d'être remis au ministère de la Santé autour des violences à l'encontre des professionnels de santé. Parmi les 44 propositions, plusieurs concernent directement les étudiants. Le but : qu'ils puissent être formés, sensibilisés et se protéger de ces situations qui arrivent encore trop fréquemment.

Qu'elles soient physiques ou verbales, les violences sont omniprésentes à l'hôpital : les soignants sont deux fois plus nombreux à subir des incivilités et des violences au travail. Les agressions physiques sont même régulières pour un tiers d'entre eux, voire même pour 84% des aides-soignants.

Encore en formation, les étudiants en santé ne sont pas en reste. "Pour beaucoup d'entre eux, il semble inimaginable de vivre ce type d'événement, notent les auteurs du rapport, tous deux professionnels de santé. D'abord, ils vivent les premières violences durant leur cursus sans forcément y être préparés, mais ils subissent également la violence entre pairs, ou par leurs encadrants, formateurs, professeurs."

Plusieurs propositions ont donc été transmises au ministre de la Santé, François Braun, le 8 juin dernier, pour tenter de préparer au mieux les futurs soignants.

Prévenir et sensibiliser les étudiants en santé pendant leur formation

Tout pourrait d'ailleurs commencer avant même l'entrée dans la formation. Le rapport préconise en effet de laisser la possibilité aux établissements de consulter le casier judiciaire de leurs futurs étudiants et d'accéder également au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais). Ces documents sont déjà consultés lors des recrutements dans le secteur public, avec la volonté de l'étendre également dans le privé.

Une fois admis, les étudiants en santé devraient suivre une formation de gestion des comportements agressifs. Ces cours de communication pourraient être intégrées aux maquettes pédagogiques.

Accompagner les étudiants face à la violence

Mais ce n'est pas tout. La priorité va également être de libérer la parole chez les étudiants, "particulièrement concernés par cette loi du silence, [ils] éprouvent encore beaucoup de difficulté à parler". Un centre national d'appui avait été créé en 2019 pour permettre aux étudiants d'exprimer leur mal-être. Il a depuis été remplacé par la coordination nationale d’accompagnement des étudiants et étudiantes en santé (CNAES) dont les missions sont assez similaires.

Chaque filière en santé pourra s'appuyer sur un référent local ou national afin de bénéficier d'un accompagnement psychologique, judiciaire… en cas de besoin.

Le rapport note aussi l'importance de protéger davantage les lanceurs d'alerte et de "faciliter un signalement rendu délicat par leur place particulière, bien souvent entre le terrain de stage et l'université ou l'institut de formation." Car bien souvent, les étudiants ne savent pas vers qui se tourner ou craignent de se retrouver en porte-à-faux.

Renforcer la vigilance pendant les stages

La majorité des propositions se concentrent également sur les stages, lieux plus propices aux violences. Les auteurs du rapport encouragent notamment la mise en place d'un module de sensibilisation de quelques heures avant le premier stage. En plus de donner quelques exemples de situation de violence auxquelles ils pourraient être confrontés, il s'agirait de leur donner des éléments réglementaires, de droit en matière pénale… "pour éviter qu'ils se retrouvent démunis".

L'accent est aussi mis sur l'encadrement des étudiants en santé. En plus de tuteurs, tout le personnel qui accueille des étudiants en stage doit avoir reçu une formation à l'accueil, l'accompagnement et l'évaluation d'un étudiant ainsi qu'une formation aux violences sexistes et sexuelles.

Comme c'est le cas pour les filières médicales, les terrains de stage doivent être évalués, de manière anonyme, par les étudiants. Pourrait aussi être envisagé la création d'un label "service apprenant" pour les terrains de stage. Une disposition déjà prise par l'AP-HP et qui pourrait s'étendre au niveau national.

Enfin, le principe de suspension d'agrément de stage devrait pouvoir être étendu. "Malgré les difficultés actuelles concernant le nombre de terrains de stage, tous les étudiants doivent pouvoir la demander."

"Les petites violences du quotidien qui usent"

Selon les auteurs du rapport, les retours d'expérience sont aussi un élément clé pour prévenir et dissuader les potentiels auteurs. Car tous les professionnels de santé ont tendance à minimiser et préfèrent d'ailleurs parler de "petites violences du quotidien". Mais comme le confirme le rapport : "Ces violences usent et génèrent une crise de sens du travail, des troubles anxieux, des états de stress post-traumatiques voire un épuisement professionnel."

Aussi, pour éviter de faire fuir les étudiants en santé ou les jeunes diplômés, les préparer "est une priorité si nous aspirons à changer profondément l'approche des soignants face à la violence à laquelle ils sont confrontés".

Charge maintenant au ministre de la Santé de prendre acte de ces propositions. Un plan de lutte contre les violences faites aux soignants doit être présenté par le gouvernement début juillet.

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