Études de santé : partir à l’étranger, le dernier recours pour se former au métier de ses rêves ?
Alors que le désert médical progresse, que des besoins criants se font sentir en milieu hospitalier, la France peine à former la relève après des années de numerus clausus. Pour vivre leur passion, des étudiants prennent une décision radicale et partent se former chez nos voisins de l’Union européenne.
Dès leur diplôme du bac en poche, ou après s’être heurtés aux difficultés de la PACES – devenu PASS ou L.AS -, ils et elles quittent leur pays. Ces étudiants laissent famille et amis afin de tenter le tout pour le tout, dans une langue parfois totalement inconnue, mais dans des pays dont les diplômes sont reconnus en France.
Faire ses études de santé à l’étranger, une décision difficile mais nécessaire
Pour tous les étudiants, partir à l'aventure à des milliers de kilomètres pour suivre des études de santé n'a rien d'anodin. Dans certains pays, les conditions d'admission se sont mêmes durcies. Aujourd'hui, la sélection à l’étranger se fait sur dossier et entretien ou encore sur concours comme en Belgique. "Ma première année de PACES s’est déroulée en Guadeloupe. Je l’ai ratée de peu donc j’aurais pu tenter le redoublement mais je voulais du concret et je n’avais pas envie de perdre du temps. Or la PACES n’avait rien de concret. Mon but c’était d’être dentiste et rien d’autre. Alors cette décision, je ne l’ai pas prise à la légère. Partir à 8.000 kilomètres de sa famille, c’est un choix difficile", analyse Iris, étudiante en 3e année de médecine dentaire au CESPU (Cooperativa Da Ensino Superior Politécnico Universitário) de Porto (Portugal).
Océane, après deux années de PACES, a décidé de postuler dans six écoles de kiné en Espagne pour la rentrée prochaine : "Je ne laisse pas ma famille, mon copain et mes amis sans tristesse ni angoisse. Mais si l’Espagne me laisse ma chance, mes études passent avant tout. Cette année, il y avait 30 places en kiné. Elles ont été décrochées par ceux qui voulaient aller en médecine et qui n’ont pas pu ! En PACES, il faut absolument être un compétiteur pour tenir. Il n’y a pas d’amis. C’est chacun pour soi. Et je ne vous parle pas des pertes ou des prises de poids spectaculaires. À la fin de l’année, on ressemble tous à des zombies."
Même choix pour Julien, en deuxième année de kinésithérapie à l’universitad de Vic, en Espagne, qui n'a même pas tenté sa chance en France : "Je veux être kiné depuis toujours. J’ai choisi un lycée privé pour me préparer à cette fameuse année de PACES mais avec tous les témoignages affolant des anciens élèves, j’ai compris que ce n’était pas pour moi. La fille d’un ami kiné était partie en Espagne et cela se passait très bien. Ce pays, sa culture me tentaient beaucoup. J’ai visité quatre écoles et j’ai postulé dans toutes. J’ai été reçu par les quatre."
Pour Michel Mondain, doyen de la faculté de médecine de Montpellier (34), cette décision de partir à l’étranger s’entend clairement. "Je ne peux pas blâmer quelqu’un qui veut vivre sa passion par tous les moyens et qui, s’il en a les moyens, part à l’étranger. Mon rôle est d’accompagner ce mouvement en vérifiant sa capacité à exercer lors de son retour en France."
Loin de l’esprit de compétition de la PACES, la bienveillance
D’autant qu’à l’étranger, l’approche est différente. Exit la compétition à outrance de la première année – PACES, PASS ou L.AS. En Roumanie, en Espagne, au Portugal, ces élèves s’accordent tous sur une approche concrète et une réelle bienveillance. Au Portugal comme en Roumanie, les cours débutent en français. "Nous travaillons en petit groupe, les professeurs nous connaissent. Ils savent nos points forts et nos points faibles. Ils avancent en fonction", assure Iris. "Les cours comme la pratique sont top et j’adore la vie en Espagne. Nos enseignements insistent beaucoup sur l’aspect humain du métier", conclut Julien.
Rashad a choisi d’étudier en Roumanie. Après un bac obtenu avec mention bien, une année d’avance et son classement, il aurait pu retenter la PACES, mais sur les conseils de ses parents médecins, il change de cap. "Au départ, je voulais refaire une année mais franchement entre la quantité de travail, le manque de sommeil, le stress, en PACES on arrête de vivre. Par exemple, moi qui fais beaucoup de sport, j’ai tout arrêté", explique-t-il. Si la Roumanie n’est pas un pays qui le tentait, le jeune homme se dit heureux de "toucher concrètement au métier" : "Ici en première année, en anatomie, nous avons étudié tous les organes sur des dépouilles, en physiologie, nous avons réalisé des manipulations chimiques, cela permet d’aborder la réalité du métier."
Mais pas d’inquiétude pour les étudiants qui souhaitent revenir en France après leurs études, Gérald Chanques, professeur d’anesthésie/réanimation au CHU de Montpellier loue le travail de l’équipe de kinésithérapeutes espagnols et des médecins étrangers présents dans son service : "Globalement la formation médicale en Europe reste d’un excellent niveau."
Les décisions de Julien, Rashad, Océane et Iris sont loin d'être des cas isolés. De nombreux étudiants issus de PACES, de PASS ou de L.AS cette année pourraient envisager cette solution dès la rentrée prochaine.
Joaquim Moreira, doyen du master intégré en médecine dentaire du Cespu de Porto, l’assure : "Nous accueillons des élèves étrangers depuis l’année universitaire 2012/2013. Tous les ans, nous constatons une augmentation de la demande et ce dans différents cursus. En ce moment, nous recevons des étudiants français en kinésithérapie, en pharmacie, en médecine dentaire, en ostéopathie et plus récemment en vétérinaire. L’employabilité est un indice très important pour nous. Nous constatons que nos diplômés rentrent dans leurs pays et trouvent facilement du travail dans le courant de l’année qui suit la fin de leurs études."