Décryptage

Réorientation : la majorité des étudiants quitte la santé après un échec en PASS ou L.AS

Des étudiants ayant échoué leur PASS ou L.AS rebondissent dans le secteur du paramédical.
Des étudiants ayant échoué leur PASS ou L.AS rebondissent dans le secteur du paramédical. © Konstantin / Adobe Stock
Par Camille Jourdan, publié le 22 février 2023
8 min

Après leur première année de PASS ou de L.AS, trois étudiants sur cinq ne se réinscrivent pas dans une formation donnant accès aux études de santé. Un taux largement supérieur à celui de la génération PACES. La réforme aurait-elle découragé les futurs soignants ?

Seuls 25% des étudiants sont admis en deuxième année d'études de santé (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie ou kiné) après leur première année de PASS et de L.AS.

Bien que le redoublement ne soit pas autorisé, les étudiants sans affectation gardent quelques possibilités pour retenter leur chance. La principale : passer en L.AS 2, avec, comme majeure, la matière qu’ils avaient en mineure en PASS, ou en majeure en L.AS 1.

Mais d'après les chiffres du SIES (service statistique du ministère de l'Enseignement supérieur), seuls 9% des étudiants en PASS et 11% de ceux en L.AS 1 s’y sont aventurés en 2021.

La L.AS 2 : un parcours semé d’embûches

Premier obstacle à ce choix : avoir validé ses crédits (ECTS) hors santé. Ce n’était par exemple pas le cas d’Aurélien, passé par une L.AS Mathématiques. Pour lui, cette discipline reste sa matière principale, son option santé comptant pour dix ECTS (sur les 60 requis pour valider son année). "C’était vraiment très compliqué", confesse-t-il, précisant avoir effectué sa première année en pleine période Covid.

Mais, même en ayant validé leurs semestres, beaucoup d’étudiants "ne pensent pas tenir une deuxième année sur le même rythme que la première en PASS ou L.AS", observe Mattéo, entré en médecine après une L.AS Droit.

Sima, passée par une L.AS Sciences de la vie ajoute : "Ça peut faire peur de devoir s’adapter à de nouvelles matières, alors que l’on vient de subir un échec."

Enchaîner sur cette deuxième année peut d’autant plus effrayer ceux qui n’ont pas aimé leurs matières hors santé. "Beaucoup d’étudiants l'ont obtenue par défaut sur Parcoursup", constate Tanguy, en charge de la réorientation au tutorat santé de Nantes.

Idem pour la mineure de leur PASS : Cyrielle n’a même pas eu l’occasion de suivre les cours de sa mineure, qui commençaient uniquement au second semestre, alors qu’elle avait décidé d’arrêter à la fin du premier.

Des réorientations dues à une réforme des études de santé mal comprise

Pour Réjane Paumelle-Lestrelin, chargée de mission "Réforme d'accès au premier cycle des études de santé" à l’université de Lille, le temps de mise en place et d’appropriation de la réforme peut aussi expliquer la faible proportion d’étudiants passés en L.AS 2 après leur première année en 2020-2021.

"Certains étudiants n’avaient pas compris que la L.AS 2 était une deuxième chance. À Lille, 30% des étudiants en PASS ou L.AS 1 ne sont pas allés en L.AS 2 alors qu’ils avaient validé leur année. Il y en a un peu moins cette année. Il faut faire des efforts de communication pour expliquer que la L.AS 2 est une deuxième chance", affirme-t-elle.

La note du SIES ne se base en effet que sur la première promotion PASS-L.AS, une promo qui n'avait peut-être pas encore toute les cartes en main pour décider de sa poursuite d'études.

D'autres ont aussi interprété la réforme différemment : certains étudiants de L.AS pensaient simplement suivre une option santé, sans réelle ambition de continuer vers les études de santé.

"Une part des inscrits en L.AS ne déposent pas leur candidature pour l’examen d’entrée en deuxième année de santé", relate Pierre Tatincloux, vice-président chargé de l'enseignement supérieur à l'ANEEMF (association nationale des étudiants en médecine de France). Or, ils sont bien comptabilisés parmi ceux qui se réorientent.

Des stratégies pour rejoindre les études de santé un peu plus tard

D'autant que quand les étudiants renoncent à entrer en L.AS 2, leurs choix peuvent être surprenants : 23% s'orientent vers une première année de licence hors-santé, et 9% vers une L2.

Rester dans le domaine de la santé ne concerne qu'une minorité d'étudiants

(43%) mais 30% d'entre eux choisissent une licence Sciences pour la santé, et 24% optent pour une filière scientifique.

Cela s'explique : "Certains étudiants repartent sur une L1 pour ensuite faire une L.AS 2, avec une majeure qui leur plaît davantage", affirme Sima. C'est un choix que font d'autant plus les étudiants en PASS (24% contre 19% pour les L.AS) dont la mineure était jusqu'ici sans grande importance mais qui se révèle finalement nécessaire en L.AS 2.

D’autres suivent une deuxième année de licence classique, dans l’optique d’enchaîner sur une L.AS 3. Pour eux, la santé reste ainsi en ligne de mire mais ils restent comptabilisés également parmi ceux qui se réorientent.

Les études paramédicales, une solution pour intégrer les études médicales

D’autres ex-L.AS-PASS se tournent vers le domaine paramédical. Cyrielle a choisi la podologie, parcours dans lequel elle a trouvé un aspect "pratique" qui lui avait manqué durant son année de PASS.

Issue du même parcours, Eve-Marie rêvait d’être sage-femme. Mais les résultats de son admission, d’abord négatifs, sont tombés très tard : "Je m’étais déjà inscrite en IFSI (institut de formation en soins infirmiers), pris un appartement...", détaille la jeune femme, qui suit aujourd’hui des études pour devenir infirmière. Dans ce cursus, elle pourra emprunter l’une des passerelles pour rejoindre les études de maïeutique, si elle le souhaite toujours.

C’est ce qu’envisage Aurélien, pour devenir kinésithérapeute : "Je garde en tête cette possibilité, après mes trois ans en IFSI, de basculer vers des études de kiné", confie le jeune homme. Ces différentes "stratégies", visant à rejoindre plus tard les études de santé, sont encore difficiles à appréhender dans l’évaluation de la réforme. Une part des étudiants part aussi étudier à l’étranger.

Quoi qu’il en soit, la disparition de la PACES ne semble pas avoir permis, comme prévu, de faciliter la réorientation des étudiants après une première année de santé, notamment pour ceux venant de PASS : seuls 5% d'entre eux s'inscrivent en deuxième année de licence classique, la plupart privilégiant plutôt une L1.

Ainsi, pour la majorité des étudiants, cette première année reste "perdue". Reste à savoir si ces chiffres vont se confirmer sur les prochaines générations ou s'il s'agit bel et bien de "l'effet réforme".

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